Depuis l’an 2000, le commerce mondial a progressé de 61 % en valeur à 6 451 Md$. Ainsi au cours de cette période, les exportations ont augmenté en moyenne de 10,4 %. L’examen des résultats obtenus par les économies africaines démontre que ce continent a réussi à coller à cette tendance. En effet, au cours des premières années de ce XXIe siècle, les exportations africaines ont enregistré une hausse de 16 %. Si globalement l’Afrique tient la corde de la croissance économique, l’analyse détaillée par région est plus contrastée. Les pays d’Afrique subsaharienne enregistrent des scores différents selon leur statut. Ceux qui disposent de la manne pétrolière voient leurs exportations progresser, en moyenne de 22 % pendant les premières années de la décennie 2000. À l’inverse, ceux qui n’ont pas de ressources d’hydrocarbures doivent se contenter d’un chiffre conforme à la moyenne mondiale. Cette analyse est précisée dans le "Rapport économique sur l’Afrique 2007: accélérer le développement de l’Afrique par la diversification", publié au mois d’avril par la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies et l’Union africaine. Le document estime que "les taux de croissance réelle sont restés faibles si l’on tient compte de leurs objectifs de développement. En effet au rythme de croissance actuel, peu de pays africains sont en mesure de réaliser les objectifs du millénaire pour le développement en 2015".
Globalement, si l’Afrique colle à la croissance mondiale, sa part dans le commerce international reste faible. "La part de l’Afrique dans les exportations mondiales reste faible. Elle n’était que de 2,58 % en 2005, soit l’équivalent de sa place en 1991 et moins de la moitié de sa meilleure place en 1980 (5,97 %)." En guise de conclusion, ce rapport préconise une diversification des économies africaines.
Le commerce africain est aujourd’hui encore principalement tourné vers l’Europe. Le "vieux continent" récolte la majeure partie des exportations africaines. En 2005, 43 % des exportations africaines avaient pour destination l’Europe. Cinq ans plus tôt, ce chiffre dépassait les 50,3 %. Une tendance qui démontre les revirements opérés par les pays africains vers d’autres cieux. En 2005, la valeur des exportations africaines vers l’UE s’est élevée à 117 Md$. Les flux en sortie d’Europe n’ont atteint pour leur part que 105,2 Md$. À l’export, l’Afrique envoie vers l’Europe surtout des hydrocarbures (51 % en valeur). Les produits manufacturés représentent 30 % des exportations africaines, une proportion qui ne change pas. Quant aux produits agricoles, les denrées diverses avec 10 % sont aussi en baisse depuis cinq ans. Dans le sens inverse, l’Europe achemine vers l’Afrique principalement des biens manufacturés et notamment des équipements de transport et des machines. À eux seuls, les produits automobiles entrent pour 10 % des exportations européennes vers l’Afrique. Autre secteur important dans ces trafics, les produits chimiques qui portent sur 11 % des exportations européennes vers l’Afrique.
Le rapport de l’Uncea table sur une croissance globale de l’économie africaine pour 2007 de 5,7 %, soit 0,1 % de plus que l’année précédente. La COA ne devrait pas échapper à cette tendance. La croissance en 2007 devrait atteindre, selon les premières estimations environ 4,9 %. "En dépit de la décélération de la croissance dans les principales économies industrielles, la demande mondiale pour les produits africains – spécialement le pétrole, les ressources minières et les produits agricoles de base – est supposée de rester stable à cause de la forte croissance dans les économies émergentes d’Asie – en particulier la Chine", indique le rapport de l’Uncea.
La Chine, un partenaire privilégié
Il est certain qu’aujourd’hui l’Afrique ne regarde plus uniquement du côté de l’Europe. L’arrivée sur le marché mondial de la Chine et de l’Inde comme fournisseur de produits de consommation courante a changé les trafics. De 1980 à 2005, le commerce entre la Chine et l’Afrique a été multiplié par 50 pour atteindre 50 Md$. Dans ce contexte, l’Afrique reste marginale pour la Chine puisque le continent n’entre que pour 2,5 % du commerce extérieur de l’Empire du Milieu. À l’inverse, la Chine est un partenaire privilégié pour l’Afrique puisque la Chine est devenue le troisième partenaire commercial du continent derrière les États-Unis et la France. Avec l’Afrique de l’Ouest, la Chine importe principalement du pétrole et du coton. Deux produits qui n’ont pas la même importance pour le pays asiatique. En effet, le pétrole provenant de la COA demeure marginal dans les approvisionnements chinois avec 0,65 Md$ en valeur, soit environ 5 % des besoins de pétrole chinois. Cependant, à terme, la Chine pourrait devenir un client majeur pour les pays de l’ouest africain. Les sociétés pétrolières chinoises investissent massivement dans la région. Le coton est, pour sa part, plus stratégique notamment pour l’industrie textile chinoise. À l’inverse, les exportations chinoises vers les pays d’Afrique de l’Ouest ne cessent de croître. Sur les cinq premières années de la décennie, la Chine est désormais pour certains pays le premier partenaire économique: il en est ainsi du Bénin, du Ghana, du Togo, de la Côte d’Ivoire et de la Gambie. La position du Ghana et de la Côte d’Ivoire s’explique par la population croissante de ces deux pays. En revanche, les autres contrées bénéficient d’un commerce florissant avec l’Empire du Milieu en raison de leur position stratégique pour alimenter les pays enclavés de la région comme le Mali, le Burkina ou le Niger. À titre indicatif, la Chine a été le premier partenaire économique du Mali, notamment pour son coton.
Quid pour les armements
Le revirement qui s’opère depuis plusieurs années depuis l’Europe vers l’Asie et les États-Unis amène les armements à se positionner sur tous les courants de trafic. À regarder uniquement le trafic conteneurisé, les relations entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe représentent plus de 1 MEVP par an (selon des chiffres établis par le consultant néerlandais Dynamar sur l’année 2005). Vers la COA, les ports du range mer du Nord, Manche et Atlantique entrent pour 450 000 EVP, dont 320 000 EVP en sortie d’Europe et 130 000 EVP à la remontée. Algésiras, port de transbordement utilisé par Mærsk Line totalise pour sa part quelque 520 000 EVP et son homologue espagnol des Canaries 100 000 EVP. Dans cette rangée, le port d’Anvers fait office de champion avec un trafic supérieur à 170 000 EVP. Parmi les ports français de la façade, Le Havre prend la tête avec plus de 60 000 EVP, puis Nantes Saint-Nazaire avec 12 000 EVP et enfin, Rouen avec 10 000 EVP.
"Ces chiffres reflètent bien la situation économique de l’Afrique de l’Ouest, explique Thierry Leroux, directeur central des lignes Europe/Afrique Delmas du groupe CMA CGM. Les trafics avec l’Europe progressent toujours, mais moins fortement que les autres continents." Une analyse partagée par Alain Cazorla, responsable des liaisons Europe COA pour l’armement MSC, qui reconnaît que le développement de la COA passe d’abord par la prise des parts de marché de la Chine et de l’Inde. "L’Europe ne bénéficie pas de la mondialisation des trafics sur l’Afrique en raison de la parité de l’Euro. Nos produits sont trop chers une fois arrivés localement". Les deux concurrents européens ont la même analyse sur la chute des taux de fret. "La pression sur ces taux est liée aux nouveaux entrants sur cette relation. L’arrivée de Zim, China Shipping Container Line et Hapag-Lloyd a joué un rôle important", selon le responsable du groupe CMA CGM. et repris par celui de MSC. Les deux opérateurs reconnaissent qu’au cours des dernières années, les taux de fret ont subi un tassement continu. "Nous avons mis en place des surcharges structurelles sur cette ligne, mais les taux restent faibles en sortie d’Europe vers l’Afrique", explique Alain Cazorla. En sortie d’Afrique vers l’Europe, les taux subissent des baisses, mais sans commune mesure avec ceux du sens opposé.
Les infrastructures ne suivent pas
Entrer sur les relations avec l’Afrique de l’Ouest signifie aussi d’affronter les problèmes chroniques de congestion portuaire. Le développement important de la conteneurisation n’a pas été suivi par de nouveaux linéaires de quai. Ainsi, en Angola, par exemple, la croissance de 20 à 30 % du trafic sur le port de Luanda est difficilement absorbée. "La récente décision du port de confier la gestion de son terminal à A.P. Møller va dans un bon sens. Nous espérons que ce port améliore sa productivité pour s’adapter aux besoins", indique Thierry Leroux. Le problème rencontré en Angola n’est pas isolé. Le responsable des lignes Europe Afrique déplore le même problème sur des ports importants comme Cotonou qui vit dans un état de congestion chronique, ou encore Tema, "malgré tous les efforts que le port entreprend pour contrecarrer ce problème", reconnaît Thierry Leroux qui veut voir dans cette situation une phase transitoire. Pour nuancer ce constat un peu alarmant, le responsable du groupe CMA CGM se dit optimiste pour l’avenir. "Si les infrastructures portuaires souffrent d’inadaptation en certains endroits, force est de reconnaître que certains pays ont su répondre à la demande." À Tin Can, Apapa, Abidjan ou Douala, les terminaux sont gérés efficacement. Enfin, d’autres rencontrent des problèmes structurels de tirant d’eau comme Port-Gentil au Gabon ou Pointe-Noire au Congo.
Si le groupe CMA CGM intervient peu dans la manutention portuaire africaine, les grands opérateurs de manutention internationaux ont commencé à prendre des positions, à l’image de Hutchison Ports Holding, et viennent concurrencer des groupes implantés depuis longtemps comme celui de Vincent Bolloré. À leurs côtés, des armateurs ont remporté des concessions portuaires. Ainsi, A.P. Møller prend des positions stratégiques dans les ports de la COA tout comme Gold Star, filiale de l’armement israélien Zim. MSC, dont la présence dans la région est uniquement marquée par les services maritimes, n’est pas opérateur de manutention. "Nous avons des accords avec Getma pour la manutention de nos navires. Nous avons pris conscience, comme armateur, que le développement de nos activités localement passe par une prise de participation de toute la chaîne de transport", souligne le responsable de MSC. Une formule qui pourrait se traduire par une prise de participation dans un port ouest-africain à terme.
Outre la mise en place de lignes dédiées vers le continent, les opérateurs doivent aussi savoir géré les flux avec les pays enclavés de la région. "La desserte des marchés intérieurs d’Afrique de l’Ouest mesure la différence des opérateurs", confie Thierry Leroux. Ces pays, qui se développent doucement, nécessitent des chaînes logistiques rodées. Avec la crise ivoirienne, le Burkina, le Mali et le Niger ont rapidement compris qu’il fallait diversifier les points d’entrée et de sortie du continent. Les Maliens ont rapidement saisi le problème, explique Thierry Leroux. Avec la crise ivoirienne, des routes se sont mises en place pour suppléer à celles opérant depuis Abidjan. De Dakar et de Tema vers Bamako, mais aussi de Mauritanie, le groupe CMA CGM alimente le marché malien. Pour sa part, MSC travaille avec des transporteurs locaux routiers et ferroviaires, pour desservir les marchés intérieurs. "Après la cession de Delmas au groupe CMA CGM, nous avons décidé de nous installer avec nos propres structures commerciales sur la région. Dans le schéma de notre implantation, nous avons aussi insisté sur les liaisons avec les pays enclavés." Pour l’armement italo-suisse, la COA est au cœur de la stratégie pour 2007.
Port: un hub qui ne soit pas forcément dans la région
La desserte de la région en direct n’est pas toujours chose aisée. Avec le développement des relations commerciales entre l’Afrique et l’Asie, certains armements décident de créer des services directs. Ainsi, le groupe CMA CGM a mis en place des liaisons depuis la Chine, l’Inde et l’Afrique de l’Ouest par le cap de Bonne Espérance. D’autres armements profitent de leurs positions existantes pour répondre à la demande. Ainsi, Maersk Line offre des liaisons par son hub d’Algésiras. Une stratégie qui propulse le port andalou à la première place des ports européens vers l’Afrique de l’ouest avec plus de 500 000 EVP par an. MSC a mis en un système différent. Deux lignes relient les ports d’Europe avec l’Afrique de l’Ouest. L’une part du nord-ouest de l’Europe, l’autre de Méditerranée. Les deux services rejoignent l’Afrique de l’Ouest en passant par le port de Las Palmas aux Canaries. Les deux liaisons ne touchant pas les mêmes ports de COA, le port de Las Palmas devient ainsi un port de transbordement. De plus, MSC utilise ses ports du nord de l’Europe et de Méditerranée, par exemple Valence, comme hub de transbordement sur les lignes est-ouest. Si des armements préfèrent utiliser des ports européens pour jouer le rôle de plate-forme d’éclatement des trafics, en Afrique, certains établissements tentent de jouer la carte de hub. Pointe-Noire, au Congo, essaie de prendre un rôle, mais souffre de son faible tirant d’eau. Au nord, Abidjan, Tema ou Lomé se font concurrence. Aujourd’hui aucun de ces ports n’a encore gagné ses galons de port d’éclatement dans la région.