Lors de l’audience du lundi 7 mai, succédant à Andrea Panarello, Gilbert Touzot, Jean-Claude Masson et Peter Boyle étaient cités comme témoins par Antonio Pollara. À la suite de leurs témoignages, la question se pose: pourra-t-on déterminer un jour, d’une façon certaine, la cause du naufrage de l’Erika? Aucune des méthodes utilisées par ces chercheurs ne semble permettre d’aboutir à isoler une cause déterminante.
Pressé de questions, Andrea Panarello a admis que le sloshing ne pouvait être considéré comme la cause unique du naufrage, mais qu’il fallait plutôt admettre que différents phénomènes avaient interagi: le sloshing, mais aussi la corrosion qui avait affaibli la structure du navire et qui a constitué un facteur aggravant, auquel il faut ajouter le niveau de remplissage des citernes, la manière dont le chargement était réparti, la fréquence des vagues.
Gilbert Touzot, président de l’Université thématique nationale en sciences de l’ingénieur et technologie, a été chargé d’examiner les méthodes de calcul utilisées par les différents cabinets qui ont essayé de déterminer les causes du naufrage de l’Erika. Il s’est intéressé à ceux de l’Eurosim, la société désignée par le corps des experts de Dunkerque. "Ce sont les plus achevés", a-t-il estimé. Il a conclu son exposé en expliquant qu’il demeurait beaucoup d’incertitudes sur les données de départ et que la méthode explicite utilisée était mal adaptée pour résoudre le problème posé, enfin il n’existe pas à ce jour d’expérience sur les navires pour valider les différentes simulations menées, contrairement à ce qui est réalisé dans le domaine automobile. Le couperet tombe: "Les résultats obtenus sont peu fiables!" À la question de Me Grellet de savoir pourquoi le logiciel utilisé par Eurosim, basé sur la méthode explicite n’était pas utilisable pour un navire, il fait remarquer que le crash d’une automobile est très rapide, alors que le naufrage d’un navire comporte des intervalles de temps très longs et que l’on n’a jamais encore provoqué de crash de navire! Selon Gilbert Touzot, "il eut été plus judicieux de travailler sur des modèles emboîtés", la difficulté de cette méthode est qu’elle demande un temps très long et que la location du logiciel, du même type que celui utilisé pour les essais de l’Airbus, est d’un coup prohibitif.
Jean-Claude Masson fut directeur scientifique et technique à l’Institut de recherche de la construction navale (IRCN) durant une dizaine d’années et a travaillé pour le bureau Veritas. Lui aussi a étudié différents scénarios qui auraient pu expliquer le naufrage. Il en a déduit que les moments "fléchissant" sont restés dans des limites acceptables, que la corrosion n’a pas été un facteur déterminant de la rupture du navire et que le sloshing n’a pas été, à lui seul, un élément déterminant, mais qu’il a pu constituer un élément déclenchant du flambage des tôles du pont.