La croissance du transport conteneurisé mondial a amené les chantiers et les armateurs à imaginer que les navires les plus grands sont les plus économiques à l’unité transportée, grâce aux économies d’échelle. Mais c’est une illusion, selon Axel Schönknecht, chercheur à l’Université technique de Hambourg-Harburg, qui présenta le résultat de ses calculs lors du 3e colloque de l’Association économique pour la technique logistique, à Hambourg (DVZ du 20 mars).
Certes, le coût d’exploitation à l’EVP est inversement proportionnel à la taille du porte-conteneurs, mais les temps de séjour aux ports sont, eux, relatifs et ils influent négativement sur la productivité. D’un continent à l’autre, les délais de transport ne peuvent être optimisés que dans de très étroites limites, du fait des temps de passage portuaire quasiment incompressibles. Cela vient des techniques de transbordement. "Les plus grands navires peuvent être travaillés par un plus grand nombre de portiques. Mais du fait de leur plus grande largeur, le mouvement moyen d’un conteneur dure plus longtemps. En outre, au mètre linéaire, il y a plus de conteneurs dans la largueur", note Axel Schönknecht. De plus, aucun portique à conteneurs ne peut effectuer plus de 40 mouvements par heure. Pesant de 2 500 à 5 000 t, ils ne peuvent être espacés de moins de 80 m, à cause de la limite de résistance des quais.
DES TRAJETS DIRECTS PLUS FAVORABLES
"À partir de 8 000 EVP, le ralentissement des rotations qui se produit dans les ports compense les progrès de productivité dus à l’effet de la taille", estime le chercheur. L’avantage de taille des méga-porte-conteneurs est en outre réduit par le surcoût du transport lié aux feeders.
En raison d’un plus long passage dans les ports, les grands porte-conteneurs ne font pas plus de rotations que les unités plus petites. D’autre part, ils ne peuvent pas faire escale dans tous les grands ports du monde. Par conséquent, un système de feedering est indispensable à l’emploi des très grandes unités. Ce qui augmente les coûts de transport de port de chargement à port de destination. Un surcoût que les navires de 7 000 à 9 000 EVP n’ont pas à supporter. Selon Axel Schönknecht, les temps de passage portuaire des feeders sont un point important. Ils arrivent à être jusqu’à dix fois plus longs que ceux des navires principaux. Ainsi, à Hambourg, les feeders doivent-ils desservir jusqu’à quatre postes à quai et souvent attendre.
PRINCIPAUX FACTEURS DISTINCTS
"Tout bien considéré, les navires de 7 000 et 9 000 EVP présentent la meilleure productivité", estime Axel Schönknecht. Pour lui, la rentabilité d’un navire dépend aussi de nombreux autres paramètres qui n’ont rien à voir avec sa taille. Par exemple: le poids moyen des conteneurs chargés; la proportion de 20’ par rapport aux 40’; le volume de conteneurs chargés par port d’escale; le coefficient de chargement du navire; la durée des opérations de transbordement par les portiques; le nombre de portiques disponibles et donc la durée totale de séjour à quai.
De ce fait, il est finalement non significatif de réduire la discussion sur la rentabilité d’un navire à la seule question de sa taille. "Elle serait plutôt secondaire", résume Axel Schönknecht.
Sur ces bases, il faudrait s’attendre à ce que le nombre des constructions neuves de plus de 10 000 EVP demeure limité et que la taille des navires cesse de croître (le souvenir cuisant des quatre pétroliers de 550 000 tpl construits en France au début des années soixante-dix devrait de temps en temps refaire surface dans les esprits, ndlr JMM).