Deux parlementaires à la barre
Le mercredi 18 avril, deux parlementaires étaient entendus par le tribunal: Jean-Yves Le Drian, président de la région Bretagne, en tant que rapporteur d’une commission d’enquête diligentée par l’Assemblée nationale où il est député du Morbihan; Henri de Richemont, conseiller régional de Poitou-Charente et sénateur de Charente comme rapporteur d’une commission diligentée par le Sénat. Les deux assemblées les avaient chargés d’une mission d’information sur les conséquences à tirer de la catastrophe de l’Erika. Chacun d’entre eux avait avancé plusieurs propositions qu’ils ont résumées, avant d’être soumis aux questions du président, des avocats de la partie civile et de la défense.
Jean-Yves Le Drian a procédé à 90 auditions en France, à Londres, à Malte et aux États-Unis. Selon lui, la série de catastrophes pétrolières que nous avons connues montre qu’il faut se résoudre à réviser la convention de Montego Bay dont la philosophie repose sur la liberté des mers, pour construire une convention visant d’abord la protection des mers et des territoires. Constatant que le Rina était à la fois un organisme certificateur et une société de classification, il a estimé qu’il fallait se diriger vers une séparation entre ces fonctions "sans quoi toutes les confusions sont possibles". Le Paquet Erika 2 devrait permettre de mieux discerner entre ces deux fonctions a-t-il estimé. À l’issue des auditions recueillies, le rapporteur a été frappé par "l’imbroglio des responsabilités impressionnant". Il en a conclu qu’il "serait nécessaire de rendre plus fluide la chaîne des responsabilités". Interrogé sur le statut du vetting, il l’a qualifié de "concours de beauté". Pour qu’il ait une véritable dimension sécuritaire, il faudrait, selon lui un croisement avec les données des listes "Sire" et "Equasis". Il a terminé en estimant que "si le droit actuel avait été appliqué, on aurait pu éviter cet accident".
Henri de Richemont estime que le vetting sert uniquement à vérifier la gestion de l’équipage, tandis que les sociétés de classification vérifient la structure du navire. Les sociétés de classification agissent au nom et pour le compte de l’État du pavillon, elles doivent donc être l’objet d’un contrôle renforcé de la part de celui-ci. "Quand une société de classification sait que l’État du pavillon fait respecter les conventions, ses visites sont faites plus sérieusement, les armateurs ont donc intérêt à rapatrier leurs navires sous pavillon national", souligne le rapporteur du RIF, qui a qualifié Malte de "pavillon de complaisance". Il souligne que sur 160 sociétés de classification existant dans le monde, seules 10 d’entre elles sont fiables.
Dans son rapport, Henri de Richemont avait lié prévention et indemnisation. Il s’est attaché à démontrer que les conventions CLC 69 et 92 étaient plus avantageuses pour les victimes que l’Oil Pollution Act américain. La convention de 92 permet aux victimes de mener une action directe contre l’assureur. Il s’est prononcé pour une hiérarchisation des créances, donnant la priorité aux professionnels de la mer.