Le PAB reste le premier port européen exportateur de maïs, mais derrière ce titre flatteur se cache une dure réalité: les céréales ne représentent plus que 16 % du tonnage global du Port contre 25 %, il y a moins de 10 dix ans. En 2006, le tonnage a atteint 1,3 Mt alors qu’il dépassait les 2 Mt en 1999. La campagne céréalière 2006-2007 s’annonce meilleure, les opérateurs céréaliers tablant sur une hausse de 15 % par rapport à la précédente campagne. Pour ce premier trimestre 2007, les sorties de céréales en vracs par le Port marquent, en effet, une augmentation de 36 %. "Mais on restera quand même parmi les années médiocres", relativise Bernard Massieu, de la société Invivo. Cet opérateur, qui représente 60 % du trafic céréalier du port, a ainsi vu son activité passer de 1,5 Mt en 1994 à 650 000 t aujourd’hui, toutes céréales confondues.
Premier facteur expliquant ce phénomène, la chute relative de la production de maïs dans l’hinterland. "La baisse des surfaces dédiées au maïs en Aquitaine est estimée à 85 000 ha en sept ans", indique Bernard Delorme, directeur régional de l’Onic, Office national interprofessionnel des céréales. "Les agriculteurs, face aux aléas du climat et à l’interdiction de plus en plus fréquente d’arrosage, ont tendance à délaisser cette culture. Mais la production se maintient globalement entre 2 à 3 Mt par an en Aquitaine. Près de la moitié part par les ports de Bordeaux ou Bayonne." En revanche, le PAB, qui exporte également des céréales du Poitou-Charentes, a vu les surfaces cultivées de maïs davantage baisser dans cette région.
Mais les raisons de cet effondrement du trafic de maïs au fil des années tiennent surtout à la concurrence routière vers l’Espagne, pays devenu l’un des plus gros clients dans la Région. "La demande de l’Espagne tourne autour de 1,5 à 1,7 Mt par an. Tout ce qui est au sud de Bordeaux est pillé par le marché espagnol pour les amidonneries de Saragosse et Barcelone, mais surtout pour l’alimentation de bétail", indique Bernard Massieu. "Cela dure depuis sept ans et ça va continuer à l’avenir." Pour Bernard Delorme "il se peut cependant qu’avec l’obligation d’appliquer les normes européennes sur ses élevages et ses usines, l’Espagne soit moins consommatrice de maïs".
Enfin, pour couronner le tout, les amidonneries du nord de l’Europe où le port exportait le maïs ferment ou se reconvertissent sur une autre céréale. "L’amidonnerie de Manchester, Cargill, va fermer. Ce sera 400 000 t de moins à charger réparties sur Bayonne, Nantes, La Pallice et Bordeaux", indique Bernard Massieu. De surcroît, la nouvelle usine d’éthanol dans le bassin de Lacq, dont l’activité débute en 2008, consommera près de 500 000 t de maïs par an, issues de la région et transportées, bien évidemment, par camion. "Sans oublier l’incertitude liée à l’arrivée de la Hongrie et Roumanie sur le marché des céréales", ajoute Bernard Massieu.
Pour le PAB, il est clair que les niveaux d’antan sont désormais irrécupérables.
De nouveaux marchés
"La tendance sera sans doute autour de 1 Mt, mais cette baisse peut être compensée par l’augmentation du trafic graines ou d’huiles avec l’arrivée des biocarburants", commente Julien Bas, directeur d’exploitation au PAB. Les opérateurs céréaliers, eux, sont plus confiants. "Au niveau mondial, on consomme de plus en plus de maïs. C’est fort probable qu’on exporte, dans un futur pas si lointain, des céréales communautaires sur le marché mondial, pour le port de Bordeaux vers les pays du Maghreb par exemple. Cela compenserait la perte des marchés anglais", temporise Bernard Massieu.
En attendant, pour arrêter l’hémorragie, les opérateurs céréaliers sur la place portuaire girondine ont décidé dernièrement d’unir leurs efforts. Sur Bassens, les sociétés Invivo et SPBL, pourtant concurrentes, travaillent ensemble pour améliorer leur logistique. "Cela passe par une réflexion sur les dessertes routières et ferroviaires, par une organisation améliorée pour une réception plus rapide de la marchandise, des échanges entre nous au niveau du chargement ou déchargement. On a tout a gagné à travailler de façon concertée pour massifier l’offre et améliorer nos services auprès des coopératives", détaille Bernard Massieu.
Depuis deux ans, le port travaille également à la diversification de ce trafic traditionnel, en misant sur le blé, l’orge et les céréales à paille. Elles représentent actuellement 240 000 t, en hausse de 60 000 t par an. Pour Bernard Massieu, dont le blé représente 15 % de l’activité totale de sa société Invivo. "C’est, en effet, un trafic à développer, d’autant que les surfaces cultivées augmentent en Poitou-Charentes. On peut espérer que le trafic blé représentera bientôt 20 à 25 % de notre activité, mais ça reste un trafic qui nous pose des problèmes de logistique, car il faut s’organiser pour en réceptionner toute l’année. L’avantage à Bordeaux, c’est qu’on peut faire des navires combinés, maïs et blé." Bernard Delorme, lui, est plus mitigé, sur la carte "diversification". "Les agriculteurs en Aquitaine sont réticents à faire du blé, car c’est plus difficile que le maïs et seul le blé de qualité est exporté. Ce n’est pas forcément un marché très porteur, d’autant que Rouen est spécialiste dans ce secteur."