Des témoignages contradictoires ont à nouveau été entendus lors de l’audience du mercredi 4 avril dans la salle des Criées du Tribunal de grande instance à Paris.
Alain Tcheng, ancien navigant, était commandant du port de Nantes-Saint-Nazaire en décembre 1999. Devant le tribunal, il confirme avoir appris de la bouche de Mohammed El Filali, agent consignataire, salarié de Stockaloire que l’Erika, pétrolier qui demandait refuge au port de Donges avait eu des fuites à la mer qu’il aurait colmatées. "Je ne croyais pas que des fuites puissent être colmatées par ce temps", précise-t-il. Il se souvient avoir dit à son interlocuteur: "si le navire perd du fuel, je ne vois pas comment on va pouvoir le prendre en Loire", position qu’il défendra dans son appel au Cross Etel qui sera à nouveau transmise au COM de Brest par Jean-Luc Lejeune.
Confronté une première fois à El Filali, Alain Tcheng maintient sa version, tandis que l’agent de Stockaloire maintient n’avoir parlé que de fissures. Lors d’une confrontation à trois avec Eric Gergaud, de l’agence maritime Pommé, Mohammed El Filali déclare: "Je n’ai plus de souvenir s’il m’a parlé de fuites à la mer!". À la question de Daniel Soulez-Larivère, avocat de Total: "Vous avez dit: s’il y a des fuites! Vous êtes vous posé la question de savoir si elles étaient internes ou externes?" Alain Tcheng répond: "Pour moi les fuites étaient vers la mer." Le même avocat demande à M. Gergaud: "Votre interlocuteur de Panship vous a-t-il précisé si ces fuites étaient internes ou externes?" Réponse: "Il ne l’a pas précisé, mais dans mon esprit, c’était à la mer, avec un navire de cette taille, âgé, plein et sans double coque!" On n’en saura pas plus.
Michel Marchand, qui dirigeait le service d’intervention du CEDRE et était d’astreinte ce jour-là, est alors appelé à la barre. Il relate qu’alerté par M. Goudedranche, correspondant du P&I club du navire, il a alors contacté Eric Calonne son interlocuteur privilégié chez Total qui ne lui a pas fait état de pertes à la mer. Eric Calonne lui demande de ne pas faire état de leur conversation à M. Goudedranche.
Le président du tribunal demande alors si cette demande ne serait pas dans la logique de la clause de confidentialité existant entre le CEDRE et Total. Michel Marchand répond qu’il n’avait pas lu la convention avant cette conversation.
À la question des parties civiles lui demandant pourquoi le premier niveau de la convention entre le CEDRE et Total n’avait pas été activé ce soir-là, il répond qu’Eric Calonne ne lui avait pas parlé de pollution et avait au contraire parlé du message rassurant du commandant de l’Erika. Michel Marchand reconnaît cependant: "On n’a pas traité de manière opérationnelle la première nappe qui se serait échappée du pétrolier avant qu’il ne sombre. On peut penser que les premières côtes polluées, celles du Finistère Sud, le furent par cette première nappe."