Sûreté des importations américaines: ne pas bloquer le système

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Invité par l’Association américaine des autorités portuaires, le 20 mars, Michael Chertoff, secrétaire du département de la Sécurité intérieure (DHS) et ancien juge fédéral spécialisé dans le grand banditisme et le terrorisme, dressait le bilan des actions menées par les États-Unis pour s’assurer que leurs importations conteneurisées ne contiennent aucun produit illicite ou prohibé. "Depuis les attentats du 11 septembre, nous avons réalisé de gros progrès dans la protection de nos ports et des milliards de dollars que valent les marchandises qui y sont déchargées, chaque année. En matière de sûreté portuaire, trois objectifs majeurs mobilisent le DHS: empêcher les marchandises dangereuses d’arriver dans les ports des États-Unis; renforcer la sûreté des infrastructures portuaires avec l’aide des US Coast Guards (USCG) et des Douanes ainsi que par des aides financières; enfin, limiter le risque d’infiltration dans les enceintes portuaires par la mise en place d’une carte d’identité sécurisée".

La CSI couvre 85 % des importations conteneurisées

Pour empêcher les marchandises dangereuses d’arriver dans les ports américains, la Container Security Initiative (CSI) a été mise en place. Celle-ci est opérationnelle dans plus de 50 ports étrangers et couvre maintenant 85 % des importations conteneurisées américaines. Sont notamment concernés les ports du Canada, du Honduras, de la République dominicaine, de la Jamaïque, des Bahamas, du Brésil, et d’Argentine.

Quatre ports du Panama et de Colombie devraient prochainement faire partie du programme. C’est à ce stade que commence l’inspection des conteneurs, le plus souvent, avant l’embarquement.

Le SFP pour mieux cibler les contrôles

Le Secure Freight Programm (SFP) permet d’augmenter la quantité d’informations collectées concernant les conteneurs afin de mieux cibler ceux qui doivent être inspectés. Les expérimentations sont en cours pour étudier la faisabilité de détecter la présence de matières radioactives à l’étranger afin d’empêcher leur arrivée dans les eaux américaines. Là aussi, l’idée de base est la détection le plus en amont possible avant que le conteneur n’entre dans la chaîne de transport. Six ports étrangers sont concernés dont Puerto Cortez en Honduras. Dans ce port, les premiers tests doivent avoir lieu en avril.

Le SFP dépasse déjà les exigences du Safe Ports Act qui exige que soit "scannée" la totalité des flux conteneurisés embarqués dans au moins trois ports étrangers. Ce qui est testé est la faisabilité d’intégrer différents types de scans dans les plus grandes enceintes portuaires du monde.

Le SFP constitue également un bel exemple de coopération internationale qui est indispensable à la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement; sécurisation qui ne peut fonctionner sans la coordination des multiples opérateurs internationaux.

"Nous devons poursuivre nos efforts d’information de nos parlementaires concernant la nature et l’interdépendance d’une chaîne mondiale d’approvisionnement. Et ce, afin d’être sûr que les projets législatifs qui semblent aussi efficaces que rationnels ne conduisent pas en définitive à paralyser le commerce maritime qui est le moteur du grand succès de notre économie.

Je souhaite souligner que dans notre approche de la sûreté par strates, nous avons également renforcé les capacités de "scanner" des conteneurs dans les ports américains".

Actuellement, plus de 90 % des importations débarquant dans les ports américains passent au détecteur de radiations. D’ici à la fin de l’année, cela sera 98 % pour atteindre les 100 % à la fin 2008. "Sachant que nous partions de zéro en l’an 2000, cela constitue une véritable révolution dans la protection des populations contre le risque nucléaire ou radiologique".

Plus d’un milliard d’aides financières directes pour les ports

Le DHS soutient les ports américains de différentes façons: financièrement; en participant aux dépenses de fonctionnement des USCG et des Douanes ainsi qu’en installant des équipements de détection. "Je lis çà et là que nous dépensons des milliards de dollars dans la sûreté aérienne et seulement des millions dans la sûreté maritime", notait Michael Chertoff. Les aides financières accordées aux ports ne représentent qu’une fraction des dépenses. La majeure partie de celles-ci concerne le fonctionnement des USCG et des Douanes, tous deux placés sous la tutelle du DHS. Ainsi ces dernières années, ont été investi plus de 10 Md$.

Pour l’année fiscale 2008, le Congrès a voté un budget de 210 M$ d’aides au renforcement de la sûreté portuaire. Depuis les attentats de 2001, ces aides dépassent ainsi le milliard. Ces fonds sont destinés à renforcer les capacités portuaires de prévention, de protection, de réaction et de reprise des activités.

Ainsi le port de New York a-t-il reçu une aide de plus 77 M$ dont 18 M$ pour renforcer le système de surveillance de l’autorité portuaire de NY et New Jersey. Le plus grand port pour les conteneurs, Los Angeles, a bénéficié d’une aide de plus de 91 M$ dont 8 pour construire un nouveau centre de commandement et de contrôle destiné à abriter des personnels fédéraux, régionaux et locaux de sécurité assurant un service 24 h sur 24, 7 j sur 7.

Dans les critères d’attribution des aides, une large place a été laissée à l’analyse géographique des risques pouvant affecter les capacités portuaires. Ainsi 102 ports ont-ils été regroupés en 72 sous-ensembles qui présentent des caractéristiques communes en terme de localisation sur le littoral ou sur une voie maritime ou fluviale; de risques et/ou d’interdépendance des terminaux.

Cette année plus que jamais, le DHS veut travailler en totale coopération avec les autorités et les opérateurs portuaires afin de donner "au contribuable américain le maximum de bénéfice pour chaque dollar d’impôt versé".

750 000 personnes à encarter à 137,25 $ pièce

Pour empêcher l’intrusion dans les enceintes et terminaux portuaires de personnes plus ou moins bien intentionnées, commence à se mettre en place début avril le Transport Worker Identification Credential (TWIC). Près de 750 000 personnes sont concernés: dockers, salariés des autorités et des opérateurs portuaires et chauffeurs routiers. Les frais d’obtention de cette carte d’identité viennent d’être fixés à 137,25 $. Le passé judiciaire et plus ou moins activiste de chaque demandeur sera examiné.

Le ministre de la Sécurité intérieure insista également sur la nécessité de prévoir les voies et moyens du redémarrage des activités portuaires après un attentat ou une catastrophe naturelle; les ouragans Katrina et Rina ayant lassé de douloureux souvenirs.

1. L’AAPA regroupe des ports situés du Nord au Sud du continent américain sans oublier ceux des Caraïbes.

Une approche pragmatique, en millefeuille et port par port

Avant de détailler les actions menées par les États-Unis pour s’assurer de la sûreté de leurs importations conteneurisées, Michael Chertoff rappelait les principes clefs qui les sous-tendent. “Nous ne croyons pas à la sûreté à tout prix. Nous croyons à la gestion du risque. Cela passe donc par une analyse des risques et des faiblesses ainsi que de leurs conséquences possibles et par une estimation de la probabilité de survenance des risques et du rapport coûts/avantages des possibles mesures de prévention. Nous croyons également à la sûreté par couches successives. Il n’y a pas de gilet pare-balles magique, dans nos ports ou ailleurs. La réponse efficace est celle qui consiste à mettre en place plusieurs strates de sûreté. La constitution d’un réseau complet de sûreté passe par la redondance des dispositifs et de la prise en compte du caractère aléatoire d’une attaque.

Dans cet esprit, les ports font partie de ce réseau mondial qui commence à l’endroit même où est fabriqué ou assemblé le produit et se termine dans l’entrepôt du réceptionnaire. Entre ces deux extrémités, chaque étape doit être sécurisée.

Le 3e élément de la stratégie américaine est de reconnaître que chaque port est différent. Une approche unique de la sûreté serait un échec. “Nous ne voulons pas que les dispositifs mis en place fassent plus de mal que de bien. Vouloir inspecter tous les conteneurs entrant aux États-Unis reviendrait à détruire les ports.” L’alliance de la gestion du risque avec une sûreté par strates et une approche coûts-avantages permet de déterminer dans la chaîne logistique des conteneurs les éléments qui doivent être suivis de très près et ainsi laisser la grande majorité du trafic s’écouler librement.

Un autre dossier où nous devons faire preuve de bon sens concerne la détection d’éventuelles matières radioactives.” Là aussi, la fausse bonne idée consisterait à vouloir tout contrôler partout sans tenir compte des réalités géographiques, légales et internationales ainsi que de la nature réelle des trafics des ports ou de leur organisation. Ainsi les ports qui ont de nombreux trafics de transbordement sont bien plus difficiles à contrôler que leurs homologues dont tous les pré- et post-acheminements empruntent le même accès. “Tout cela pour vous dire que le bon sens doit nous guider pour maximiser la sûreté portuaire tout en prenant soin de ne pas déstabiliser le commerce maritime que nous cherchons à protéger.

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