Le 27 mars au matin, au 14e jour de paralysie des terminaux hydrocarbures de Fos et Lavera, l’espoir d’une reprise est réel en attendant l’assemblée générale des personnels concernés, un effectif de 228 agents affectés à ce secteur sur un total de 1 501 agents pour l’établissement public. Le protocole d’accord de crise, le second depuis le début du conflit, élaboré entre la direction générale du PAM et les représentants du syndicat CGT est le fruit de longues et difficiles transactions."Nous sommes parvenus aux limites de ce que la direction peut proposer", explique Guy Janin, directeur du Port autonome de Marseille (PAM). Si le texte n’aborde pas les opérations de branchement et de débranchement des navires sur le futur terminal méthanier, GDF2, objet direct du conflit, le principe d’une charte de l’emploi portuaire qui devrait définir pour tous les investissements et dans le cadre des nouveaux projets, les possibilités d’intervention des personnels du PAM est défini.
Alors qu’en rade de Fos, 51 navires (28 pétroliers, 17 chimiquiers, 6 gaziers) attendent de pouvoir accéder aux terminaux, l’AG décide dans l’après-midi une nouvelle reconduction de 24 heures de la grève. C’est la deuxième fois depuis le début du conflit que la base rejette un document négocié par ses représentants syndicaux. Le premier protocole avait vu décrocher du mouvement, une semaine auparavant, les personnels des autres terminaux marchandises. La direction du PAM exprime aussitôt dans un communiqué "son étonnement" devant le vote des salariés. "Le dossier restera mal ficelé tant que le problème GDF ne sera pas inclus dans le protocole", analyse-t-on du côté de la CGT dont les représentants se faisaient discrets. La garde meurt, mais ne se rend pas. Les grévistes maintiennent leur demande d’une nouvelle réunion en préfecture avec les dirigeants régionaux de GDF.
VERS UNE PÉNURIE D’ESSENCE?
Le coût de ce conflit en passe de devenir le plus long dans l’histoire des terminaux pétroliers de Fos-Lavera atteint des sommets. En 2005, lors du dernier conflit qui avait duré 14 jours, la facture s’était élevée à 25 M€. L’Union française des industries pétrolières (Ufip) chiffre à 500 000 $ par jour les pénalités versées pour l’immobilisation des navires en rade de Marseille. Jean-François Cousinié, son délégué régional, annonce que les trois raffineries locales en fonctionnement tournent à 65 % de leur capacité normale. Sans parler de celles de Feyzin (Lyon), de Reichstett (Alsace), et de Cressier (Suisse), totalement dépendantes du pipe sud-européen pour leur approvisionnement tandis que celle de Karlsruhe (Allemagne), l’est pour moitié. Des menaces de pénurie d’approvisionnement touchant la partie Est de l’Hexagone sont agitées. De son côté, le p.-d.g.d’Esso, filiale française de l’américain Exxon Mobil France, Francis Duseux estime que le conflit risque d’ébranler la confiance des actionnaires. Ils peuvent décider d’alimenter les raffineries allemandes par le pipeline de Trieste, avertit-il.
Une grève “injustifiable” à Marseille pour Armateurs de France
Le 28 mars, au 15e jour de perturbations portuaires marseillaises, le syndicat patronal Armateurs de France (AdF) réagissait officiellement.
“Depuis maintenant près de deux semaines, certains agents salariés du port de Marseille/Fos (PAM) ont déclenché une grève qui a touché tous les terminaux du port et affecte aujourd’hui encore les terminaux pétroliers. AdF proteste vivement contre la prise en otage une fois de plus, par une minorité de salariés, de l’activité du PAM qui devrait être parmi les plus compétitifs en Europe.
Les armateurs, français et étrangers, ont dû détourner nombre de leurs navires vers des ports concurrents, notamment en Espagne et en Italie. Aujourd’hui, c’est tout un pan de l’économie marseillaise qui est touché: le préjudice financier est lourd pour les armateurs, les industriels, les logisticiens. Mais surtout, cette grève apparaît incompréhensible et risque de ruiner les efforts du PAM et de ses partenaires pour reprendre des parts de marché et restaurer l’image du port”.
Selon Alain Wils, président d’AdF: “La meilleure des raisons ne suffirait pas à justifier que l’ensemble d’une activité – et toute la filière qui en dépend – soit bloqué par quelques protestataires.”