Pour le Rina, le commandant n’a pas compris ce qu’il faisait

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La première partie de l’audience du 19 a tenté de déterminer minute par minute quand le cdt Mathur a décidé seul ou non, de faire route sur Donges; qui était ou non au courant des manœuvres qu’il effectuait pour réduire la gîte; quelles connaissances possibles il pouvait ou non avoir de l’état des structures du navire; qui savait quoi de ces dernières?

Pour tenter de s’y retrouver, le président Parlos donna lecture des déclarations du cdt Mathur, de celles d’Antonio Pollara, représentant Panship, gestionnaire technique du navire et des constatations du collège expertal nommé par le tribunal de Dunkerque. Sans surprise, apparurent plusieurs décalages dans la présentation des faits et de leur chronologie.

Schématiquement donc, quelque part entre 14 h 30 et 16 h 27, l’Erika met le cap au 85o sur Donges qui se trouve à 160 miles. Ce port a été choisi par le commandant en concertation avec Panship. Lorient, La Rochelle et Brest ont été éliminés pour des raisons de tirant d’eau disponibles.

La gîte est alors maîtrisée. Le commandant confirme qu’il s’attendait à un renforcement de la houle en se rapprochant du plateau continental, mais pas à ce point.

Vers 16 h 30, via Radio-Monaco, le cdt Mathur parvient enfin à joindre Panship pour l’informer de la situation, notamment de la présence de fissures. Le commandant expliquait également qu’il avait transformé son mayday en "sécurité"; message qui devait être purement et simplement annulé en fin d’après-midi, précisait le Cross Etel.

"Comment saviez-vous que les fissures avaient été annoncées au Cross Etel? demandait le président Parlos à Antonio Pollara. "Cela avait été annoncé au Fort-George (navire sur zone qui relayait les messages; ndrl) sur la fréquence de détresse 21,82 que veille obligatoirement le Cross", répondait l’ancien navigant. Pas de chance, la communication était inaudible, confirmait M. Lejeune, responsable du Cross Etel ajoutant que part la suite aucun message écrit n’évoquait le présence de fissures. Le navire ayant rectifié sa gîte, annulé son mayday et faisant route vers un port de refuge, tout revenait nominal pour le Cross Etel qui en informait la prémar.

Entre temps, le commandant s’était livré à plusieurs opérations de transfert de ballasts en faisant en sorte que, selon le calculateur de bord, les contraintes subies par la coque restent supportables. "Quel soutien de la part de Panship, a-t-il reçu?" interrogeait le président Parlos. "Nous avons essayé de trouver les causes de fuites de fuel avec le commandant" répondait Antonio Pollara soulignant que la réalité des faits ne peut être appréciée que part le commandant.

C’est alors que les représentants du Rina ont exprimé un avis contrasté: "la crainte du commandant de voir chavirer son navire chargé n’avait aucun fondement. Il n’a pas compris qu’une défaillance de la coque s’était produite. Le temps excessif pour réduire la gîte aurait dû lui faire penser à des problèmes de coque. La communication entre le cdt Mathur et Panship n’a pas été suffisante".

Fidèle à lui-même, A. Pollara réagissait en notant que le Rina affirmait sans démontrer. Représentant le cdt Mathur, Me Quimbert demandait rapidement des explications aux représentants du Rina. Selon ces derniers, il était possible de mettre le navire dans une position d’attente le temps nécessaire de se faire une idée plus précise de la situation.

Une question ne fut pas posée: pourquoi le commandant aurait-il mieux perçu l’état structurel du navire dans une tempête que les ingénieurs du Rina depuis plusieurs mois, navire à quai?

Technical Adviser ou pas? quelle importance?

La seconde partie de l’audience du 19 fut consacrée en grande partie aux accords entre le Rina et Panship. Le président désirait savoir si le RINA avait géré la crise comme il le devait. M. Pingierri, l’un de ses deux représentants, répondait qu’une société de classification n’a pas à gérer une crise. “Le Rina était-il bien le technical adviser (TA) de Panship pour l’Erika?”, demandait le président Parlos. M. Pingierri rappelait donc que le service de TA est une prestation spécifique et payante dont l’armateur peut demander à bénéficier dans le cadre d’un contrat particulier. Alors la société de classification entre en ordinateur toutes les données du navire afin de se tenir prête à effectuer tous les calculs de structure et de stabilité du navire après que ce dernier lui ait fourni les éléments disponibles au moment de l’avarie. Il s’agit d’un service mobilisable 24 h sur 24. M. Pingierri soutenait que Panship n’avait jamais souscrit un tel contrat. A grands renforts de gestes, M. Pollara soutenait lui que tous ses navires bénéficiaient du TA dont le prix était inclus dans les “block fees”.

Après de très longues minutes consacrées à ce sujet, le président Parlos s’interrogeait sur la pertinence de la question car “à supposer que le Rina ait bien été le TA de l’Erika, la mise en œuvre de cette prestation ne fut pas actionnée”. Pouvait-elle l’être si le bord ne savait pas s’il y avait bien un TA?

Autre sujet indécidable mais qui occupa longuement les débats: Panship a-t-elle oui ou non “falsifié” la page 86 du plan Sopep (résultant de la convention Marpol sur la prévention des pollutions) présent à bord de l’Erika comme le prétend le Rina?

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