On est passé pas loin de la déflagration à Marseille-Fos. Commencée de manière anodine, la grève d’avertissement de 24 h lancée sur le secteur pétrolier par la CGT s’est étendue sur l’ensemble des bassins et a duré une interminable semaine, du 14 au 21 mars.
Suffisamment pour voir s’agglutiner en rade des dizaines de navires pendant que des trafics étaient déroutés. La CMA CGM avec son service Med Caraïbes repositionné prudemment à Sète n’était d’ailleurs pas la dernière à prendre une telle mesure de sauvegarde. Déboussolées, les entreprises de la place voyaient à la fois monter l’incompréhension de leurs clients et le niveau des marchandises paralysées ou perdues.
Comme en octobre 2005 et en novembre 2001 où Marseille-Fos avait été entraîné dans une tourmente sociale d’une rare violence dont le vortex était l’établissement public, l’exposé des motifs de l’action syndicale se révélait mince en regard des moyens employés. Dans ce dernier cas, les opérations de branchement/débranchement et la maintenance des bras du terminal GDF2 qui entrera en opération avec le début de 2008. Pour l’investisseur et opérateur, l’extrême sophistication des procédés et la particularité du GNL qui arrive à −160o, contraignent à une spécialisation des intervenants et exclut toute idée de double commandement. Traduction, pour GDF il est impensable que des agents PAM viennent se mêler à un process complexe et délicat qui lui appartient et dont il a la responsabilité. C’est d’ailleurs le cas sur le terminal méthanier du Tonkin où GDF assure depuis 35 ans les opérations sur les navires.
Imperméable à ces arguments, la CGT qui a fait de la privatisation du PAM son cheval de bataille ramenait sans arrêt le dossier sur le tapis avec la direction du PAM et la préfecture. Ni le fait que les opérations visées représentent un quantum de 1 000 heures par an, soit le temps de travail d’un salarié, ni la promesse de réaliser un débat sur les gisements de création d’emplois publics dans le développement portuaire, n’ont pu détendre les différentes rencontres.
Le dialogue de sourds s’est poursuivi pendant toute la semaine du conflit pour parvenir in extremis, mardi 20 mars dans la soirée, à l’idée d’un protocole d’accord de sortie de crise reposant sur la programmation d’une rencontre entre la direction de GDF, celle du PAM et de leurs sections CGT respectives. Des dizaines de milliers de tonnes de trafic perdues, des entreprises menacées dans leur existence, une semaine de grève pour en arriver là… Ce n’est pas pour rien que le mot gaz vient du grec "kaos".