Le mouvement de décentralisation en matière portuaire a débuté en 1983 pour les ports départementaux et communaux. Il s’est accéléré à partir de 2002 avec le transfert des ports d’Ajaccio et de Bastia à la collectivité territoriale de Corse, pour aboutir à la loi du 13 août 2004 modifiée pour le transfert des ports d’intérêt national au profit des collectivités territoriales ou de leur groupement.
UNE ÉVOLUTION DE LA PORTÉE DE LA DÉCENTRALISATION
La démarche suivie en 2004 est différente de celle qui avait été retenue en 1983. Lors de la première étape qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1984, la gestion des ports maritimes secondaires de commerce et de pêche et des ports de plaisance, a été transférée d’autorité aux collectivités territoriales, tandis que pour la seconde étape résultant de la loi du 13 août 2004 modifiée le transfert de gestion des ports d’intérêt national a donné lieu dans un premier temps à un appel à candidatures de la part des collectivités territoriales et de leur groupement, et en second lieu, le Préfet doit désigner la collectivité attributaire.
La décentralisation des ports d’intérêt national emporte un transfert de compétence pour leur gestion, mais aussi de propriété à titre gratuit pour les biens affectés à un usage portuaire.
L’ÉPOQUE DU TRANSFERT
Si la loi prévoit que la décentralisation en matière portuaire devait intervenir pour le 31 décembre 2006, aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de ce délai. En outre, "pour chaque port transféré, une convention conclue entre l’État et la collectivité territoriale ou le groupement intéressé, ou, à défaut un arrêté du ministre chargé des ports maritimes dresse un diagnostic de l’état du port, définit les modalités du transfert et fixe sa date d’entrée en vigueur". Ce n’est donc qu’à partir de cette date que le transfert de compétence et de propriété aura lieu. Ainsi, la décentralisation ne produira pas ses effets à la même date pour tous les ports d’intérêt national.
LES PORTS TRANSFÉRÉS
Tous les ports maritimes métropolitains d’intérêt national et le port du Larivot (Guyane), à l’exception des ports maritimes autonomes font l’objet d’un transfert de compétence et de propriété.
Le Code des ports maritimes précise d’une manière très schématique que la région ou la collectivité territoriale de Corse est compétente pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de commerce, tandis que cette compétence revient au département pour les ports de commerce et de pêche qui lui sont transférés en application de la loi du 22 juillet 1983, et que les communes, ou le cas échéant, les communautés de communes, les communautés urbaines ou les communautés d’agglomération exercent ces compétences pour les ports maritimes dont l’activité principale est la plaisance.
Après la présentation de la candidature d’une collectivité territoriale, la loi du 21 décembre 2006 lui permet de créer un groupement composé de plusieurs collectivités ou groupements territorialement intéressés pour assurer la gestion du port.
Les ports maritimes d’intérêt national concernés par la décentralisation sont: Calais, Boulogne-sur-mer, Dieppe, Caen-Ouistreham, Cherbourg, Saint-Malo, Brest, Le Fret, Roscanvel, Concarneau, Lorient, La Rochelle (port de pêche), Bayonne, Port-la-Nouvelle, Sète, Toulon, Nice, et Le Larivot (Guyane française).
LES COMPÉTENCES ÉTATIQUES
L’État fixe les règles relatives à la sécurité du transport maritime et des opérations portuaires. Il établit les règlements généraux de police applicables aux ports de commerce, de pêche et de plaisance, de même que les règles relatives au transport et à la manutention des marchandises dangereuses. De plus, il est responsable de la définition des mesures de sûreté portuaire.
Le représentant de l’État dans les ports relevant des collectivités territoriales et leurs groupements a la qualité d’autorité investie du pouvoir de police portuaire, et à ce titre, il exerce la police des plans d’eau qui comprend notamment l’organisation des entrées, sorties et mouvements des navires, bateaux ou engins flottants. Il assure également la police des marchandises dangereuses.
Le périmètre des zones de sûreté portuaire et des zones d’accès restreint est défini par arrêté préfectoral.
L’État définit la réglementation sociale applicable aux transports. Il fixe les règles de protection sociale des personnels portuaires et l’organisation de la main-d’œuvre dans les entreprises de manutention portuaire. Il contrôle la mise en Œuvre de cette réglementation.
L’ÉTENDUE DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES
Quel que soit le statut du port, le transfert de compétence concerne l’aménagement, l’entretien et la gestion du domaine public portuaire, l’exploitation des outillages publics, ainsi que la fixation du tarif des redevances (droits de port, redevances d’usage des outillages publics, redevances domaniales).
L’Ordonnance du 2 août 2005 attribue la police de l’exploitation portuaire à la collectivité affectataire du port. Cette police comprend notamment l’attribution des postes à quai et l’occupation des terre-pleins. L’exécutif de la collectivité a la qualité d’autorité portuaire et exerce en outre la police de la conservation du domaine public portuaire. Cette autorité est chargée d’élaborer un plan de sûreté portuaire. C’est l’exécutif de la collectivité gestionnaire qui adopte le règlement particulier de police du port, toutefois il peut se borner à modifier le règlement existant avant la décentralisation en tant que de besoin. La collectivité gestionnaire du port est habilitée à construire et gérer les voies ferrées situées à l’intérieur des limites administratives du port.
LES COMPENSATIONS FINANCIÈRES
La décentralisation s’accompagne d’un transfert de propriété au profit de la collectivité ou du groupement de collectivités du patrimoine de l’État composé des biens affectés aux activités portuaires. Il s’agit des terrains et ouvrages faisant partie du domaine public portuaire, ainsi que les biens meubles affectés aux activités portuaires. C’est l’affectation des biens au moment du transfert qui doit être prise en compte et non leur seule existence à l’intérieur des limites administratives du port, ainsi que le précise la circulaire no 2005-51 du 2 août 2005 du ministre chargé des ports maritimes.
Les biens de retour financés par les concessionnaires, mais revenant gratuitement au concédant font partie du transfert de propriété au profit du gestionnaire du port.
Une compensation financière est accordée par l’État en contrepartie des charges résultant de la décentralisation. Les ressources attribuées sont équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, par l’État, à l’exercice des compétences transférées, déduction faite des réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts.
Le droit à compensation des charges d’investissement transférées par la loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes et hors fonds de concours, constatées sur une période d’au moins cinq ans. Ces charges sont actualisées en fonction de l’indice des prix de la formation brute de capital fixe des administrations publiques, tels que constaté à la date des transferts.
LE TRANSFERT DE SERVICES ET D’EMPLOIS
Outre les biens, le transfert de compétence donne lieu à un transfert des services ou parties de services de l’État et par voie de conséquence d’un transfert de personnel.
Dans les trois mois à compter de la publication du décret approuvant une convention type de mise à disposition des services, une ou plusieurs conventions conclues avec les collectivités bénéficiaires constatent la liste des services ou parties de services qui sont, pour l’exercice de leurs missions, mis à disposition.
Dans l’attente de la signature de ces conventions, ou à défaut d’un arrêté interministériel, à compter de la date du transfert des compétences, l’exécutif de la collectivité bénéficiaire du transfert donne ses instructions aux chefs des services de l’État en charge des compétences transférées.
Dans le délai de deux ans à compter de la date de publication des décrets en Conseil d’État fixant les transferts définitifs des services, les fonctionnaires de l’État exerçant leurs fonctions dans un service ou une partie de service transféré à une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peuvent opter soit pour le statut de fonctionnaire territorial, soit pour le maintien du statut de fonctionnaire de l’État.
LA SITUATION DES CONCESSIONS
À la date du transfert de compétence, la collectivité gestionnaire du port est substituée dans les droits et obligations de l’État concédant. Les concessions venant à échéance avant le transfert du port ou au cours de l’année suivant le transfert, sauf opposition des concessionnaires, sont prorogées.
Une loi du 5 janvier 2006 permet, dans un délai de trois ans, à la collectivité propriétaire du port, à la demande du concessionnaire, d’autoriser la cession ou l’apport de la concession à une société portuaire dont le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, dont la chambre de commerce et d’industrie dans la circonscription de laquelle est situé le port. La société ainsi créée devient concessionnaire. Un nouveau contrat de concession est conclu à cet effet pour une durée qui ne saurait dépasser 40 ans.
Le processus de décentralisation en matière portuaire a donné lieu à divers ajustements législatifs et réglementaires, et des adaptations seront certainement encore nécessaires. L’avenir dira si les collectivités attributaires ont la capacité à régler les conflits d’intérêts en matière portuaire, et sont en mesure de supporter les charges nouvelles qui leur incombent.