L’évaluation et surtout la comparaison des trafics portuaires mondiaux sont un exercice toujours difficile. Chaque port, chaque pays a ses particularités géographiques et économiques qui conditionnent les volumes manutentionnés. Traditionnellement, la proximité des lieux d’extraction énergétique et minéralière d’un côté et les capacités de raffinage et sidérurgique de l’autre constituaient les bases des trafics portuaires les plus importants. Avec le développement industriel chinois, et maintenant indien, ce fait n’a guère changé. Les produits agricoles (céréales, soja, fruits) constituent l’autre base des grands trafics de pondéreux.
Avec les années, les biens industriels progressent aussi. La globalisation de l’économie mondiale, sous le double effet de la libéralisation des échanges et de l’émergence de nouveaux marchés, pousse vers l’avant l’ensemble des marchandises générales (bois transformés, produits sidérurgiques, engrais, véhicules…). Mais surtout, désormais, la conteneurisation "pèse" dans les performances portuaires partout dans le monde, à la fois dans les ports de départ (en Chine en premier lieu), dans les ports de transbordements (où les conteneurs comptent double) et dans les ports de réception. Les nombreux conteneurs vides a priori ne sont pas comptabilisés, mais les tares des boîtes finissent par peser elles aussi.
La suprématie asiatique
Le classement des plus grands ports du monde est révélateur de plusieurs phénomènes de l’économie mondiale. En 2005, avec ses 443 Mt, Shanghai s’est hissé à la première place mondiale devant Singapour (423 Mt) et Rotterdam (370 Mt). La troisième place du géant européen n’est pas assurée puisque dès 2006, le port de Ningbo – uni maintenant à son voisin de Zhoushan – devrait le devancer.
Certains ports asiatiques tirent leurs performances de la redistribution locale vers des systèmes fluviaux remplis de nombreux ports. Ainsi, Hong Kong et Shanghai sont des ports qui transbordent de grandes quantités de marchandises vers la Rivière des Perles et du Yang Tsé et pas seulement des conteneurs. À Hong Kong, les trafics portuaires non océaniques s’élèvent à 68 Mt. À l’inverse, les ports européens et les ports nord-américains ne comptabilisent pas leurs trafics fluviaux.
Le top 30 mondial est donc constitué des grands ports traitant quasiment tous plus de 100 Mt. Ils sont liés au pétrole (Houston, Chiba, Gwangyang), au charbon (Kawasaki, Ningbo, Qinhuangdao), aux conteneurs (Anvers, Hambourg, Kaohsiung, Busan) et souvent à plusieurs de ces trafics (Rotterdam, Shanghai). Les ports asiatiques dominent avec huit ports chinois, sept japonais (deux suivent immédiatement), deux taïwanais et deux coréens. Le Brésil entre avec Tubarao qui souffle de justesse la 30e place à Dubaï.
En Europe, les trois colosses du range Nord sont encore présents en représentant pour diverses raisons les grandes portes maritimes d’un continent qui, tout en "consommant" un nombre toujours plus grand de conteneurs, reste une grande région d’activité industrielle. Les Français seront heureux de retrouver Marseille, bien que désormais 5e port européen derrière le port russe de Novorossiysk tiré par ses exportations pétrolières. Il faut aussi signaler quelques bonnes performances, avec d’un côté l’effet du boom des conteneurs asiatiques comme à Barcelone (+ 4,4 Mt), à Anvers (+ 7,7 Mt), à Hambourg (+ 11,2 Mt) et de l’autre une croissance remarquée des vracs liquides dans les ports d’expédition comme Riga ou Bergen et dans les ports de raffinage tels Marseille, Dunkerque, Milford Haven et Nantes/Saint-Nazaire.