Terminaux conteneurisés: la base avancée des ports

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Sur le Rhin, la conteneurisation a démarré dès la fin des années soixante, lorsque les premiers navires chargés de conteneurs ont débarqué à Rotterdam. L’approvisionnement des bases militaires américaines en Allemagne a amené les forces armées à utiliser ce contenant. Dès lors, la nécessité de construire, le long de cette voie navigable, des terminaux capables de manutentionner les conteneurs s’est fait sentir. "Il est regrettable qu’il ait fallu plus de 20 ans pour voir les autres bassins fluviaux français démarrer ces mêmes lignes", indique François Bordry, président de VNF. Et le président de déplorer l’attitude des ports maritimes français qui se sont attachés à privilégier leurs relations avec les armateurs maritimes plutôt que de regarder leur hinterland. Les ports du range nord de l’Europe ont eu une position inverse en privilégiant l’ensemble des modes de transport terrestre. Aujourd’hui, le fluvial intervient pour 50 % des pré- et postacheminements terrestres des conteneurs à Rotterdam. Un chiffre qui s’établit à 40 % pour le port d’Anvers.

Dans ce contexte, le premier terminal fluvial à conteneurs a été implanté en France sur le port de Strasbourg. Dès la fin des années quatre-vingt, d’autres terminaux ont vu le jour à Paris, Lille, Lyon et Mulhouse. Et concurremment, des lignes de transport fluvial sont nées pour relier ces terminaux aux ports. Hormis celles du Rhin, c’est à Lille que revient le prix de l’audace. Le port s’est délibérément engagé dans la mise en place d’une ligne, dès 1991, avec Anvers et Rotterdam. Un choix qui démontre où le fluvial est le plus à même de se développer à cette époque. Suivant cet exemple, des opérateurs rhodaniens – puis d’autres sur la Seine – initient des services.

De cette lente évolution, est né le fluvial d’aujourd’hui, un élément déterminant dans les dessertes terrestres des ports maritimes et les terminaux fluviaux sont également amenés à jouer un rôle.

En 2006, le trafic conteneurisé global des ports fluviaux enregistre une nouvelle hausse, "mais plus réduite que celle des années précédentes en raison de la baisse des trafics de la place de Mulhouse", précise François Bordry. Les autres terminaux fluviaux enregistrent des hausses. "La révolution culturelle des ports maritimes n’est pas achevée. Certains établissements omettent d’intégrer ce mode dans leur plan de développement. Ainsi, sur Fos 2 XL, le futur grand terminal marseillais, le fluvial n’a pas une place prépondérante. Au Havre, la décision de construire une écluse pour permettre aux bateaux fluviaux d’accéder aux quais de Port 2000 n’a été décidée qu’après l’ouverture du terminal et encore, cette infrastructure ne fait pas partie des priorités du port", continue François Bordry. Malgré cette attitude, le président de VNF agit pour le développement de ces plates-formes. Les ports maritimes subissent régulièrement des congestions. Les boîtes ont parfois du mal à accéder au quai ou à sortir pour rejoindre leur lieu de consommation. Les terminaux fluviaux interviennent alors comme base avancée des ports maritimes. Un tel système fonctionne déjà sur le Rhône ou Lyon et Marseille ont signé un accord en ce sens. Preuve est donc faite que la révolution culturelle est en marche.

Le président de VNF demeure convaincu de l’utilité des terminaux fluviaux. "Chaque terminal doit faire l’objet d’une étude de marché locale qui prenne en compte l’aspect économique, mais aussi éco-modale." Le fleuve offre un avantage indéniable, selon François Bordry, il permet de traverser, sans encombre des zones à forte densité de population, où le train ne peut aller. En conjuguant les avantages du fer et du fleuve, les terminaux intérieurs deviennent de véritables enjeux pour le développement économique et l’aménagement du territoire. Compte tenu de ces éléments, VNF pari sur des sites pour y développer de nouveaux terminaux. Ainsi, Pagny-sur-Saône, situé à la limite nord de la Saône à grand gabarit, constitue une place de choix pour approvisionner la région. À Nogent-sur-Seine, sur la rive opposée de Soufflet, le port en pleine expansion offre une plate-forme intéressante pour le marché local. À Montereau, un terminal devrait voir le jour dans les prochaines années. Il permettrait de rabattre les conteneurs de la région, mais aussi ceux d’Orléans, situé à quelques tours de roue de ce port. La région orléanaise est particulièrement intéressante en raison de la présence de nombreux entrepôts logistiques.

VNF réfléchit au développement en participant à l’extension des terminaux existants. Ainsi, à Strasbourg, l’établissement public participe au financement du nouveau portique. "Dès lors que l’infrastructure existe et qu’une étude de marché détermine la pertinence de ces terminaux ou du développement de sites existants, nous aidons financièrement les opérateurs", déclare François Bordry.

Après la création de ces différents terminaux le long des voies navigables, il apparaît une nouvelle tendance, donner à des sociétés dont c’est la spécialité le soin de gérer ces terminaux. "Nous avons aujourd’hui besoin d’un opérateur portuaire qui organise le réseau portuaire intérieur pour favoriser une meilleure massification des flux." Et le Port autonome de Paris suit le mouvement et devrait, dès le début de l’année prochaine, lancer un appel à candidatures pour ses terminaux. Duisbourg, premier port fluvial européen à d’ores et déjà ouvert la voie. P&O Ports, aujourd’hui sous le giron de DP World, s’est implanté dans le port fluvial dès la fin des années quatre-vingt-dix.

Trois questions à François Bordry, président de Voies Navigables de France

Journal de la Marine Marchande: Il semble qu’il existe, depuis plusieurs années, sans que ce phénomène n’ait véritablement disparu, un désintérêt des ports maritimes pour le transport fluvial de conteneurs. Pensez-vous que cette idée est toujours véhiculée par les autorités portuaires?

François Bordry: "Le transport fluvial n’a jamais été intégré dans les grands schémas de transport de conteneurs. Les deux grands projets de terminaux maritimes projetés en France, à savoir Port 2000 inauguré en mars, et Fos 2XL à venir dans les prochaines années, semblent omettre ce mode. Le Port autonome du Havre réfléchit aujourd’hui à la création d’une écluse pour un accès direct aux quais de Port 2000 alors même que le terminal est opérationnel. Et cette écluse ne constitue pas, à ce que nous en constatons, une priorité pour ce port. Quant à Marseille-Fos, il a fallu attendre la fin des années quatre-vingt-dix pour voir arriver un directeur général qui prenne en considération l’hinterland du port et intègre le fluvial dans l’appel d’offres des manutentionnaires. Cette attitude évolue aujourd’hui et tend à véritablement prendre en compte notre mode. Quand des armements comme le groupe CMA CGM et Mærsk Line investissent dans le fluvial, les ports emboîtent le pas."

JMM: Avec un trafic allant crescendo, le fluvial démontre sa capacité à s’intégrer dans la chaîne logistique avec un handicap de taille, l’absence de liaisons à grand gabarit entre les bassins. Pensez-vous que le projet Seine-Nord doive tendre vers une direction particulière pour favoriser la conteneurisation?

F.B.: "Seine-Nord-Europe, projet de canal à grand gabarit entre la Seine et le nord de l’Europe, n’est pas une voie pour les conteneurs. D’autres trafics emprunteront ce canal comme les vracs solides ou liquides, mais aussi des marchandises conventionnelles. Il reste que dans les études et l’avant-projet remis au ministre des transports, Dominique Perben, nous avons intégré la dimension de plate-forme multimodale pour que les conteneurs y trouvent leur place. L’idée est de prévoir concomitamment à la réalisation de l’infrastructure la construction de ces plates-formes financées par des syndicats mixtes et gérées par des opérateurs privés. Je souhaiterais que nous sortions du système de la concession traditionnelle trop lourde pour passer à un système plus souple."

JMM: La conteneurisation est sur toutes les lèvres. Ne pourrait-on imaginer un autre contenant plus approprié aux trafics terrestres?

F.B.: "Le conteneur maritime est en plein développement parce qu’il constitue un standard international. Le véritable avenir se situe dans une caisse mobile gerbable. Les conteneurs ont un handicap; ils ne peuvent pas prendre plus de deux rangées de palettes. Les caisses mobiles ont cet avantage. Ces dernières ne sont pas gerbables alors que le conteneur l’est. Il faudrait réfléchir à un concept de caisse gerbable sur trois hauteurs pour que ce soit rentable. Cette réflexion est actuellement menée par la Commission européenne. Avant que cette solution ne devienne réalité, la conteneurisation demeure un potentiel de développement important pour le fluvial. Nous avons réussi à relever le pari du transport des déchets avec ce contenant."

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