En frappant un couloir maritime et une région qui abrite 4 000 plates-formes pétrolières produisant le quart de la consommation américaine, Katrina a fait d’énormes dégâts (1,4 milliard de dollars pour la branche transport). Cette catastrophe représente pour les assureurs un coût dix fois supérieur au sinistre le plus important enregistré en matière d’assurance maritime, avec en première ligne des syndicats, la Lloyd’s particulièrement impliquée dans le secteur grands risques. La capacité disponible sur le marché a pu faire face sans mettre en péril l’équilibre des compagnies. Les agences de notation n’ont d’ailleurs que très peu baissé les notes des assureurs ou réassureurs. Mais Katrina a entraîné au niveau mondial une forte réduction de la capacité des compagnies et même le désengagement de certaines du maritime. Parallèlement, de nombreux contrats ont été revus avec une augmentation des taux et des franchises, et une réduction des couvertures. Les compagnies ont durci leurs règles de souscription, n’hésitant pas à refuser certains risques dans les zones sensibles. La catastrophe a alerté les assureurs sur le danger des cumuls de risques. Katrina n’avait rien de véritablement exceptionnel en termes de puissance, mais le cyclone a touché une zone maritime particulièrement sensible. Or le risque cyclonique dans l’Atlantique s’aggrave et la fréquence de ce type d’événements climatiques extrêmes a doublé en trente ans. Aujourd’hui, les experts s’accordent pour estimer qu’un ouragan aussi puissant s’abattra en moyenne une fois tous les dix ans sur le golfe du Mexique. Heureusement, les prévisions météo de plus en plus fiables et précoces permettent le plus souvent aux navires de ne pas couper la trajectoire des cyclones. Mais les plates-formes pétrolières ne peuvent que faire le dos rond. Les changements climatiques, les concentrations géographiques des richesses, l’augmentation de la valeur des cargaisons vont contraindre les assureurs à ne plus couvrir certains risques, ou à mutualiser les coûts des sinistres sur une population plus large. Nous touchons ici aux limites de la segmentation pourtant de plus en plus utilisée par les assureurs, notamment grâce aux progrès de l’informatique. Faire payer à l’assuré le juste prix en fonction de sa sinistralité potentielle revient pour une compagnie à proposer dans certaines zones des tarifs exorbitants. À l’inverse, répartir ce risque sur l’ensemble du portefeuille fera fuir les bons risques, attirera les mauvais, ce qui constitue une attitude suicidaire dans un environnement concurrentiel. C’est clairement la première solution que les acteurs de l’assurance maritime ont choisi. Il est déjà délicat de faire coter un risque en zone cyclonique ou dans une région sensible et cela le deviendra de plus en plus. "Assurer un navire seul, même neuf et géré de façon européenne devient très difficile s’il est basé en Afrique ou dans une zone cyclonique", regrette Karine Tramier, gérante du cabinet Harrel Courtes. La réponse des compagnies semble donc s’orienter davantage vers la sélection des risques que vers des hausses généralisées.
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Katrina laisse encore des traces
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