Guerre des prix en facultés

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La croissance de la Chine a généré une explosion du fret maritime. Son taux grimpant, le niveau des primes d’assurance aurait logiquement dû suivre une courbe identique. Il n’en est rien en raison d’une concurrence accrue, en particulier de la Norvège et des pays de l’Asie du Sud. Ainsi, pas moins d’une trentaine de compagnies d’assurances interviennent sur le marché français des facultés. Un secteur très concurrentiel et fortement cyclique, avec des périodes de hausses des cotisations, puis de baisses. Le volume de marchandises transportées suit une courbe régulière et ascendante depuis 1995. Or celle des primes facultés encaissées, qui logiquement devrait être parallèle, est erratique, avec une baisse de 1995 à 1999, suivie de deux années de stabilité, puis une hausse de 2001 à 2004 et enfin un nouveau cycle baissier depuis l’année dernière. Des "coups de barre" qui ne sont bons ni pour les assureurs, ni pour les assurés.

2005, une année de réductions tarifaires

En 2005, l’heure était à la déflation, en moyenne de 10 à 15 %, pour des raisons commerciales et techniques. Les compagnies ont amorcé des réductions tarifaires qui, concurrence exacerbée aidant, se sont traduites sur quelques appels d’offres symboliques par un véritable effondrement de la prime demandée.

Depuis toujours, Londres reste la plus grande place d’assurance maritime, mais en dépit de son prestige et de ses capacités à couvrir des risques complexes, la capitale britannique perd peu à peu du terrain. Elle ne capte plus aujourd’hui que 21 % de parts de marché, alors que la Norvège, au contraire, progresse. Elle attire, en effet, de plus en plus d’affaires internationales en raison de sa compétitivité et surtout de sa capacité à mobiliser d’importantes capacités. Le marché du sud de l’Asie (Singapour, Hong Kong, Malaisie) se développe, lui aussi, rapidement. Il répond à une forte demande domestique et participe à la baisse des prix.

"Risques catastrophiques"

Cette situation ne durera probablement pas, notamment en raison des dérèglements climatiques. Ainsi, le marché américain qui jusqu’à présent se distinguait par une forte rentabilité jamais démentie depuis 2000, affichera des résultats médiocres en 2006 à cause des pertes liées aux ouragans. Second facteur jouant en faveur de hausses tarifaires, la course au gigantisme des navires fait monter le coût moyen du sinistre. Les porte-conteneurs sont ainsi passés en quelques années de 6 000 à 8 000, puis 10 000 et demain 12 000 EVP. Ces futurs "12 000 boîtes" transporteront des cargaisons pouvant valoir 500 M€. Le Hyundai-Fortune qui a brûlé en 2005 représentait un sinistre d’une centaine de millions d’euros pour les marchandises et de 75 millions pour le navire. Nils Ygout, de Groupama Transports, voit dans cette course au gigantisme un "risque catastrophique. 60 % des valeurs transportées dans le monde voyagent par mer, mais ces valeurs se concentrent de plus en plus sur les mêmes navires, les porte-conteneurs. L’organisation hub and spokes entraîne une massification en cascade des flux, et au final, nous nous trouvons face à un maximum de valeur concentrée sur un seul navire: le méga porte-conteneurs qui a été alimenté par un nombre important de feeders". D’où pour Nils Ygout "un risque catastrophique, celui de l’avarie commune. Si nous prenons un navire de 10 000 EVP avec une moyenne de 100 000 € par conteneur, nous nous trouvons face à une exposition de 1 Md€. Avec une avarie commune de 60 %, c’est une contribution de 600 M€ qui sera demandée aux intérêts cargaisons sauvés c’est-à-dire aux propriétaires des marchandises ou à leurs assureurs. À titre d’information, il est important de rappeler que 600 M€, c’est approximativement la totalité de l’encaissement des compagnies du marché français pratiquant l’assurance facultés".

Un renversement de cycle imminent

En 2005, le rapport sinistre/prime en facultés atteignait 67 %, un taux trop important si l’on tient compte des commissions et des frais de gestion, généralement de 35 %. Un renversement de cycle semble donc imminent, car les prix baissant depuis trois à quatre ans, un retournement interviendra logiquement tôt ou tard. Beaucoup d’acteurs annoncent une baisse. Ils s’appuient pour cela davantage sur leur expérience que sur des éléments tangibles. Pour Xavier Conti, directeur des assurances transports à la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances), "aucun signe objectif n’indique un tel phénomène. Les marges restent cependant faibles compte tenu des expositions aux risques évoqués. Et on ne peut s’attendre à un retournement d’envergure".

Matthias Kirchner, manager Marine et Aviation chez Axa, plaide pour plus de transparence et la connaissance par l’assureur des cargaisons transportées. "Les polices calculées au prorata du chiffre d’affaires annuel, sans déclaration des expéditions à l’avance en raison de la charge de travail que cela représentait pour le client et l’assureur, n’ont plus de raison d’être, au vu des progrès de l’informatique que tous les membres de la chaîne d’approvisionnement emploient", assure-t-il.

Matthias Kirchner voit plusieurs avantages dans une déclaration exacte des marchandises transportées, à commencer par une plus grande stabilité et justesse tarifaire. Mais surtout, "les assureurs de facultés ne se heurteraient plus à un problème de fond: le manque de rentabilité sur le long terme en raison d’une approche empirique des garanties". Pendant que les échanges mondiaux progressaient de 50 % en dix ans, les primes de facultés n’augmentaient que d’un peu plus de 5 %.

Le maritime prime

Pour le transport de marchandises, la police maritime prime sur le terrestre ou l’aérien quelle que soit la répartition choisie entre les différents modes de transport. Ainsi, le contrat d’assurance couvrant une cargaison de céréales traversant toute l’Europe par le fer ou la route, pour n’utiliser le bateau qu’entre Marseille et la Corse, sera considéré comme une police maritime. En règle générale, les garanties sont souscrites d’un bout à l’autre de la chaîne du transport par un contrat unique. Les ports constituent donc des carrefours incontournables. Même si son poids diminue, Marseille reste probablement hors Paris la seule place d’assurance maritime en France.

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