La délégation de service public de la continuité territoriale de la Corse prend une nouvelle tournure. Le 17 octobre, le tribunal de commerce de Paris a déclaré que le pacte d’actionnaire entre la SNCM et la CMN ne peut être rompu, comme l’a fait la CMN le 15 mars. L’instance a donné raison à la SNCM, lorsqu’elle a exercé, le 21 juillet, son option d’achat de 25 % des parts que détient la Stim d’Orbigny dans la CMP, holding de la CMN.
Du côté de la Méridionale, la déception est de mise. Sur l’air de "nous avons perdu une bataille, mais pas la guerre", les avocats de Stef-TFE, actionnaire de la CMN, ne désarment pas. Dès la décision rendue, ils ont annoncé qu’ils feront appel.
Un appel qui ne sera pas suspensif et donc obligera les actionnaires de la CMN à se soumettre à la cession de leur part. "Nous ne faisons pas les cartons, a insisté Pascal Wagner, secrétaire général de Stef-TFE en parlant de cette décision.
Notre armement continue de fonctionner avec ses propres organes de direction. Nous attendons la décision du tribunal administratif de Bastia qui doit statuer le 20 octobre sur la validité de l’appel d’offres."
Les avocats de la CMN, représentés lors de la conférence de presse par Me Michel Jockey, fourbissent leurs armes.
"Nous avons demandé au tribunal de surseoir à statuer en attendant la décision de la Commission européenne sur la recapitalisation, celle de l’autorité de la concurrence et le jugement du tribunal de Bastia. Ces demandes n’ont pas été entendues et nous voulons développer des arguments au fond."
Interrogés par France 3 Corse, les salariés de la CMN, par la voix d’un représentant du comité d’établissement, se disent inquiets, mais attendent d’en savoir plus. Le 18 octobre au matin, Francis Lemor, p.-d.g. de Stef-TFE devait recevoir les salariés. "En attendant, aujourd’hui nous avons un patron. Si demain nous devions en changer, nous aviserions à ce moment", a déclaré le représentant du comité d’établissement.
À la SNCM, le représentant de la CGT a indiqué, à la sortie de l’audience que, par cette décision, "les salariés des deux armements (SNCM et CMN, NDLR) ont gagné. Nous sommes très heureux parce que cette décision signifie qu’il existe un avenir pour les salariés". Veolia Transport, actionnaire de la SNCM et détenant la présidence de l’armement depuis le mois de mai, s’est dit rassuré par ce jugement. Avec celui-ci, la SNCM se voit ainsi attribuer les trois navires de la CMN, des unités qui lui manquaient pour répondre globalement à l’appel d’offres. Cette décision est aussi "politiquement correcte".
Me Florent-Meurice, un des avocats de la CMN, s’en est indigné. "La CMN est instrumentalisée dans ce dossier." Lors de l’accord de cession de la SNCM, négocié pendant le mouvement social de l’automne dernier, les repreneurs ont ajouté une clause suspensive qui stipule qu’en cas d’échec à l’appel d’offres sur la continuité territoriale de la Corse, ils pourront faire annuler la reprise. "Depuis le début du processus de privatisation de la SNCM, l’État veut se défaire de ce dossier. Il est prêt à tout pour qu’ils obtiennent gain de cause, y compris à donner la CMN", a continué l’avocat qui refuse de "passer sous les fourches caudines de la SNCM".
Dans cette bataille juridique intervient aussi le troisième armement, Corsica Ferries, qui a répondu à l’appel d’offres avec la CMN, en concurrence contre la SNCM. Que va devenir la réponse conjointe de CMN-Corsica Ferries sur l’appel d’offres après cette décision du tribunal? Pierre Mattei, directeur général de Corsica Ferries a regretté la teneur de ce jugement. "Notre offre continue et elle est la seule à engager la CMN. Nous avons signé ensemble un document pour répondre à l’appel d’offres de la collectivité de Corse", nous a précisé Pierre Mattei. Corsica Ferries a été reçu, en septembre, par l’OTC "sans qu’il nous parle de notre offre. Nous en concluons qu’elle n’est pas retenue".