Recyclage et transport des combustibles nucléaires: complexité, sûreté et sécurité

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La loi française oblige de renvoyer les déchets et combustibles usés à leurs propriétaires, à savoir EDF et les compagnies d’électricité étrangères disposant de réacteurs nucléaires. Le transport de matières nucléaires, multimodal, très spécifique et complexe, intervient à différentes étapes du cycle de l’énergie nucléaire. En France, le traitement, le recyclage et la logistique des combustibles nucléaires sont du ressort de BUL (Business Unit Logistique), composante du groupe énergétique Areva (58 760 personnes en 2005), présent industriellement dans 40 pays et commercialement dans plus de 100. Le transport porte à porte proprement dit est assuré par TN International (ex-Cogema Logistics), implanté à Saint Quentin-en Yvelines, Cherbourg et Chusclan et qui achemine le plus de combustibles et déchets nucléaires dans le monde. Nous reviendrons ultérieurement en détail sur la partie purement maritime.

DU MINERAI AU COMBUSTIBLE

L’uranium, métal gris, dur et très dense, est fort répandu sur l’écorce terrestre, à raison de 3 g par tonne.

Mais sa prospection et son extraction sont pratiquées seulement au Niger, au Kazakhstan, en Australie et surtout au Canada. L’uranium est extrait et traité à proximité des mines et se présente sous forme d’une poudre jaune ("yellow cake"). Mais pour en faire du combustible utilisable par les réacteurs nucléaires français, ce "yellow cake" est purifié chimiquement en tétrafluorure d’uranium (UF4) à Malvési (près de Narbonne), puis en hexafluorure d’uranium (UF6) au Tricastin (Drôme).

Ce produit, qui se présente sous la forme de cristaux, devient gazeux à 65 oC. On en extrait de l’isotope 235 (uranium enrichi) et de l’isotope 238 (uranium appauvri), par diffusion gazeuse ou par centrifugation. Il s’agit de faire passer la teneur de l’uranium 235 de 0,7 % à 3 % pour le rendre utilisable. Le combustible se présente sous la forme d’une poudre (dioxyde d’uranium, UO2) composée de 3 % d’uranium 235 et de 97 % d’uranium 238 et qui est ensuite comprimée en pastilles cylindriques de 10 g. Cuites au four comme des céramiques industrielles, celles-ci sont contrôlées en dimension et en densité avant d’être introduites dans des tubes en alliage de zirconium. Chaque tube ou "crayon" de 3,85 m de long contient de l’hélium (gaz inerte) et environ 300 pastilles mises bout à bout.

Première barrière d’étanchéité, il empêche les fuites de produits radioactifs vers l’extérieur malgré les fortes contraintes mécaniques et thermiques. Ces "crayons" sont groupés en faisceaux de 264 pour constituer un "assemblage". Les "assemblages" sont placés dans le réacteur et en constituent le "cœur", où s’effectue la fission nucléaire qui dégage une chaleur importante. Celle-ci transforme de l’eau, injectée par une pompe, en vapeur qui est acheminée vers un turboalternateur pour la production d’électricité. Enfin, la composition de la céramique des pastilles de combustible et les matériaux des tubes-guides des "assemblages" font l’objet de recherches pour augmenter le taux de combustion et donc produire plus d’énergie avec la même quantité de matière.

TRAITEMENT ET RECYCLAGE

Les "assemblages" combustibles restent environ cinq ans dans un réacteur, s’usent et se transforment. La teneur en uranium 235 diminue et, à partir de l’uranium 238, se forme du plutonium qui participe par fission à la production d’énergie. Il faut donc remplacer le combustible usé, moins performant et plus radioactif que le neuf. Un seul "assemblage" contient environ 480 kg d’uranium (96 %), 5 kg de plutonium (1 %) et 15 kg de déchets irrécupérables (3 %). Il reste donc 97 % de matières utilisables après traitement et recyclage. Les "assemblages" retirés du réacteur sont alors entreposés un certain temps dans des piscines adjacentes pour les refroidir et réduire partiellement la radioactivité avant leur acheminement à l’usine de traitement. Il n’existe que quatre usines dans le monde: celle de La Hague (1 700 t par an en 2005) exploitée par Cogema (Areva), celle de Sellafield en Grande-Bretagne (1 200 t) par British Nuclear Fuels Limited (BNFL), la russe de Tcheliabinsk (400 t) par Minatom et la japonaise de Rokkashomura (800 t) par Japan Nuclear Fuel Limited (JNFL). Le traitement permet de réduire par 10 la toxicité du combustible usé et par 5 son volume. Il commence par un nouveau séjour des "assemblages" en piscine de 5 à 8 ans pour y poursuivre leur "désactivation". Ceux-ci sont alors cisaillés en tronçons de 3 à 4 cm. La matière nucléaire à l’intérieur est dissoute dans de l’acide nitrique. Ensuite, des solvants séparent l’uranium du plutonium (récupérés à 99 %) et des déchets. L’uranium est concentré en nitrate liquide.

Il est envoyé par voie terrestre à Pierrelatte pour une reconversion en hexafluorure pour ré-enrichissement ou une transformation en oxyde en vue d’un recyclage ultérieur quand le marché le justifiera. Les déchets irrécupérables dans l’industrie, dits "ultimes", sont conditionnés selon leurs nature et radioactivité, en vue de leur entreposage définitif. Enfin, le plutonium est conditionné sous forme d’oxyde en boîtes étanches en vue de son intégration au "Mox", combustible recyclé une seule fois en pratique et contenant également de l’uranium.

Comme le combustible neuf, le "Mox" se présente sous forme de pastilles, introduites dans des "crayons", groupés en "assemblages". Ce combustible est utilisé dans 35 réacteurs européens et bientôt 18 réacteurs japonais. En France, le "cœur" de la plupart des réacteurs est constitué à 30 % d’"assemblages Mox" et à 70 % d’"assemblages" contenant de l’uranium enrichi. En consommant le plutonium, le "Mox" évite d’avoir à l’entreposer et permet d’économiser l’uranium et le gaz naturel. À titre indicatif, un gramme de plutonium peut générer autant d’électricité qu’une tonne de pétrole!

CONDITIONNEMENT À TOUTES ÉPREUVES

À chaque étape du cycle de l’énergie nucléaire correspond un conditionnement spécifique, en fonction de sa dangerosité. Il existe une douzaine d’emballages adaptés et fabriqués selon les normes de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire. Ainsi, l’uranium naturel est transporté en fûts de 55 gallons (208 l) par des lignes maritimes régulières. Par contre, à l’autre bout de la chaîne, le combustible usé et les déchets radioactifs sont emballés dans des "châteaux".

Les déchets "ultimes", qui concentrent la presque totalité de la radioactivité du combustible usé, sont conditionnés au fur et à mesure de son traitement. Ils sont incorporés à du verre, coulé ensuite dans des conteneurs en acier inoxydable. L’ensemble verre + conteneur s’appelle "canister". Selon TN International, la durée de vie d’un conteneur de verre est supérieure à 100 000 ans. Le résidu vitrifié perd 95 % de sa radioactivité en un siècle et retrouve la radioactivité naturelle en 300 ans. Les "assemblages", non recyclables, sont classés moyennement radioactifs. Ils sont cisaillés en petits morceaux, compressés en galettes et empilés dans des conteneurs métalliques similaires à ceux des déchets ultimes. Cette standardisation facilite la manutention, le transport et l’entreposage. Les emballages doivent recevoir l’agrément de l’autorité de tutelle, composée d’experts techniques et de personnalités qualifiées et administrativement indépendante. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire effectuent des tests d’étanchéité en simulant des accidents au-delà des cas ordinaires. En Allemagne, les emballages sont largués par hélicoptères à 200 m d’altitude sur une dalle en béton. En Grande-Bretagne, des camions chargé ont foncé à 160 km/h sur un mur en béton. Aux États-Unis, des trains ont heurté des emballages posés en travers d’une voie ferrée. Un emballage peut être utilisé entre 20 et 30 ans, selon la réglementation, et subit régulièrement des contrôles de maintenance. Areva en vend à la Belgique, à la Suisse et à l’Allemagne. En France, les transports se font par voies routière et ferrée. Le train est en effet le moyen le plus simple, par exemple vers l’Allemagne, en plaçant les produits radioactifs à l’avant ou à l’arrière d’un convoi ordinaire. Aux États-Unis, le retraitement n’étant pas autorisé, les combustibles usés restent sur les sites des centrales.

TN International a fourni des systèmes d’entreposage. Dans le cadre de l’opération "Eurofab" en 2004-2005, il a assuré le transport exceptionnel de 140 kg de plutonium militaire des États-Unis vers la France pour le transformer en "Mox".

DES NAVIRES UNIQUES

Les transports maritimes de matières nucléaires par TN International se font habituellement entre Cherbourg, l’Australie, la Namibie, le Niger, le Canada, la Russie et surtout le Japon. Ce dernier, qui ne peut pas traiter plus de 800 t par an, envoie l’excédent en Europe, de quoi garantir des transports pendant encore une dizaine d’années. Ceux-ci sont assurés par l’armement Pacific Nuclear Transport Limited (PNTL), dont les actionnaires sont BNFL, les compagnies japonaises d’électricité et Cogema. Ses trois navires, armés par des équipages britanniques, ont été construits au Japon pour ce type de transport. Ils sont certifiés INF 3 (niveau le plus élevé), c’est-à-dire autorisés à transporter plus d’une dizaine de tonnes de combustibles irradiés ou plusieurs centaines de kg de plutonium. Le franchissement du détroit de Malacca et du canal de Suez leur étant interdit, ils empruntent le canal de Panama, la route du cap Horn ou celle du cap de Bonne-Espérance. Ils effectuent environ six voyages par an d’une durée de 50 à 70 jours. Pour les transports sensibles ("Mox" et plutonium), ils voyagent par deux en escorte mutuelle, évitent Panama et signalent régulièrement leur position par satellite. Leur protection est assurée par la Grande-Bretagne dans les eaux internationales et le Japon et la France dans leurs eaux territoriales. Depuis 1975, PNTL a effectué plus de 170 acheminements sans incident.

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