La première chose qui surprend lorsque l’on quitte la ville finlandaise de Turku pour aller rejoindre le chantier naval d’Aker Yards ce sont les arbres, les pins. Le chantier lui-même est installé dans un écran de verdure, entre terre et mer. Ce chantier naval, comme deux autres plus petits en Finlande (Helsinki et Rauma), sont la propriété du groupe norvégien Aker Yards qui a racheté les Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, et ALN à Lorient, le 1er juin dernier, Alstom gardant 25 %. Ces cinq chantiers font partie désormais de la même branche au sein du groupe Aker Yards, Cruise & Ferries, spécialisée essentiellement dans la construction de navires de croisière et de ferries. "Ce qui n’empêchera pas de construire des navires spécialisés en France, en fonction des possibilités. Nous sommes intéressés par les porte-avions", précise le président de Cruise & Ferries, Yrjö Julin.
DES CALES DE MONTAGE PLUS GRANDES À SAINT-NAZAIRE
Après avoir rappelé qu’avec Alstom la construction navale n’était pas le cœur de métier du groupe français, alors qu’avec Aker Yards c’est le cas, Yrjö Julin a indiqué que le management restait local, tout en s’inspirant des autres chantiers. C’est pourquoi, la direction finlandaise de Cruise & Ferries et les chantiers français ont lancé une phase d’intégration de 100 jours. Pour ce faire, 12 groupes de travail ont été constitués, soit 250 personnes.
Les avantages des chantiers nazairiens se trouvent, entre autres, dans la taille des cales de montage. Turku propose 365 m de long. À Saint-Nazaire, il y a une cale de 900 m de long et un bassin de 450 m sur 90 m de large transformé en cale sèche pour le Queen Mary 2.
Le chantier finlandais de Turku pourra encore construire le Genesis pour RCCL, un navire de croisière de nouvelle génération de 220 000 tonnes pour 360 m de long et 47 m de large capable d’embarquer 5 400 passagers. Mais il ne pourra pas en fabriquer de plus gros. Et comme Yrjö Julin "ne voit pas de limite à l’augmentation de la taille des navires, ce sera Saint-Nazaire qui prendra le relais". Autre différence à l’avantage des Nazairiens: pour fonctionner l’hiver, les chantiers finlandais sont obligés de travailler dans des hangars chauffés et 7 M€ sont dépensés chaque année pour le chauffage.
PAS DE CRAINTES AVEC LES CHANTIERS ASIATIQUES
Comme en France, la construction de paquebots nécessite l’intervention de nombreux sous-traitants. À Saint-Nazaire, on compte jusqu’à 800 sociétés différentes. En Finlande, elles sont un peu moins nombreuses, environ 600.
Aussi, un cluster maritime, en d’autres termes un réseau maritime, est en place dans ce pays. Plus de 80 % de la valeur des navires sont achetés au cluster.
Face à la concurrence asiatique dans le domaine de navires de croisière, Yrjö Julin n’y croit pas: "l’expérience de nos chantiers remonte à plus d’un siècle. Le mode de fonctionnement des chantiers asiatiques n’est pas adapté aux prototypes. Faire un paquebot, c’est comme construire une formule 1. Les ferries asiatiques ont des technologies beaucoup plus sommaires". Il donne l’exemple d’un petit paquebot acheté par les Coréens en 1988, le Delphin-Clipper, construit à Rauma: "Ils l’ont démonté, mais n’ont pas réussi à en faire un autre…"
Trois secteurs d’activité à Aker Yards
Le groupe Aker Yards possède 17 chantiers navals, employant 20 000 personnes, répartis dans sept pays: Brésil, Finlande, France, Allemagne, Norvège, Roumanie et Ukraine. Il est coté à la bourse d’Oslo depuis juin 2004, année où il a été fondé suite à la fusion des activités de construction navale d’Aker et de Kvaemer. Aker Yards fait partie du groupe Aker, une société multi-industries qui compte plus de 50 000 employés pour un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros.
Aker Yards repose sur trois secteurs d’activité:
– la construction de navires de croisière et de ferries;
– la construction de navires marchands porte-conteneurs, de transporteurs de produits chimiques et de produits raffinés, et de petits navires-citernes;
– la branche bâtiments de haute-mer et de navires spécialisés.
Un seul syndicat ouvrier en Finlande
“Quand nous sommes arrivés en France, nous avions l’impression que les ouvriers étaient toujours en grève. Suite à une étude, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait plus de grèves en Norvège”, constate Yrjö Julin, président de la branche finlandaise Cruise & Ferries du groupe norvégien Aker Yard. En Finlande, il n’y a qu’un seul syndicat ouvrier, mais 99, 7 % des ouvriers sont syndiqués.
À Turku, le conseil d’administration est composé de neuf membres, dont trois représentants du personnel ayant chacun une voix. "Même si nous sommes minoritaires, tout est discuté. Le dialogue est ouvert. Nous recherchons des solutions. Il y a rarement des conflits. Il n’y a pas eu de grève depuis longtemps", explique le délégué syndical Ari Rajamaki tout en précisant que le contexte économique est favorable. "Face à la main-d’œuvre étrangère qu’il a fallu faire venir pour honorer les contrats", le délégué syndical reproche le manque de qualification qui pose des problèmes de sécurité, et les difficultés à contrôler le respect du code du travail dans les entreprises.