le Port autonome de Papeete cherche de la place

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Le changement de majorité à la tête du gouvernement de Polynésie n’a pas été favorable à la stabilité de celle du Port autonome de Papeete (PAP): directrice générale depuis octobre 1997, Béatrice Chansin était remplacée en avril 2005 par Georges Lan Ah Loi, directeur au ministère polynésien de l’Équipement de 1999 à 2003. En juin 2006, il était remplacé par Yves de Montgolfier (École nationale des travaux publics, Lyon). Ancien directeur adjoint du PAP, il n’avait pas été reconduit dans ses fonctions par Georges Lan Ah Loi alors en poste. Autant écrire que les douze derniers mois furent incertains pour les 150 salariés du port autonome.

Cela tombait d’autant plus mal que les actuelles concessions d’acconage doivent se terminer en novembre 2007 et qu’il avait été convenu que les négociations sur les nouvelles concessions seraient bouclées au 30 juin 2006. "Des discussions ont été entamées", notait Yves de Montgolfier, le 9 juin, mais il n’existe pas de documents de synthèse. Pour faire bonne mesure, les acconiers réunis au sein de l’UNIMAP (Union des entreprises de manutention portuaire) et les syndicats représentant leurs personnels doivent renégocier avant la fin de l’année leur convention collective. Faute de savoir comment allait se régler le problème des concessions portuaires, les acconiers refusaient de s’engager au-delà de 2007. Une fois n’est pas coutume, patronat et salariés envisageaient donc fermement de faire grève pour "débloquer" la situation. Depuis l’automne 1987, période qui marqua la disparition du statut de docker, il n’y avait pas eu de grève dans la manutention portuaire, souligne un manutentionnaire.

Le 6 juillet au matin, jour annoncé de grève, le gouvernement de Polynésie acceptait de reconduire les concessions d’acconage pour 20 ans à partir de novembre 2007 et les acconiers obtenaient une revalorisation de 12 % du tarif de manutention portuaire "long courrier"; produits de première nécessité et ciment exclus. Déjà très élevé par rapport à ceux des Antilles et de la Réunion, le tarif de déchargement des conteneurs pleins devrait donc encore augmenter: selon une compagnie maritime, il était en juin dernier de 405 € par EVP, directement payables au manutentionnaire qui peut se montrer plus souple sur le prix du positionnement si ce dernier lui est confié.

Cette augmentation "correspond d’une part à un rattrapage des années durant lesquelles aucune revalorisation des tarifs n’est intervenue depuis 1995, et d’autre part à l’indemnisation partielle par le pays du surcoût engendré par les revendications salariales exprimées de longue date par se secteur d’activité", précise le communiqué du gouvernement de Polynésie.

Astucieux, il présente un tableau de l’incidence de cette hausse sur les produits de grande consommation: nulle pour le ciment; + 0,25 % pour un téléviseur couleur; + 0,32 % pour des couches bébé.

30 % en trois ans sur les redevances portuaires

Autre revalorisation, mais plus ancienne, celles du tarif de lamanage et des droits de port: + 10 % par an depuis trois ans.

Réalisée à la demande de l’UPACCIM, une étude publiée plus ou moins discrètement selon les DOM/TOM en mars 2003 montrait que le prix du lamanage pour un porte-conteneurs de 2 272 EVP à Papeete était très inférieur à celui de la Guadeloupe (363 € contre 624 €). Il était même ridiculement bas par rapport à celui de la Réunion (1 828 €). Même constation pour les droits de port. Ces anomalies furent promptement rectifiées.

De toutes les façons, ces coûts sont quasi automatiquement transférés à la marchandise et, in fine, au consommateur, avec au passage une hausse proportionnelle de la marge de l’importateur.

Une dizaine d’années de sursis

Le vrai sujet de préoccupation durable du PAP est le manque de surface de terre-pleins marchandises ainsi que la faiblesse des tirants d’eau.

Plusieurs solutions peuvent être raisonnablement envisagées pour augmenter les surfaces disponibles. Fin 2012, se termine la concession d’un dépôt pétrolier d’une capacité de 40 000 t. Ce dernier pourrait être transféré ailleurs, par exemple dans l’éventuel futur port de Faratea, à proximité de la presqu’île. Une zone industrielle est en train d’y être aménagée (voir article p. 48).

En faisant migrer la construction et la réparation navale vers Faratea, il est également possible de gagner de la place pour le trafic marchandise. Et ce d’autant plus rapidement qu’accidentée en 2002, la cale de halage a vu sa capacité réduite de moitié à 400 t. Cela est insuffisant pour entretenir les caboteurs desservant les îles. Il faut donc trouver un moyen de levage pérenne. La restructuration des espaces portuaires permettrait ainsi de gagner une dizaine d’années avant la saturation, estime le nouveau directeur du Port. La réorganisation du travail sur le terminal conteneurs pourrait également faciliter, mais cela supposerait que les trois acconiers puissent s’entendre durablement et cela échappe à l’autorité portuaire.

Plus délicat à faire passer pour des raisons à la fois écologiques et de sécurité, notamment, une extension du Port sur le platier situé à l’Est, après les autres stockages pétroliers. Les premières études sont en cours.

L’autre grand et coûteux dossier concerne le tirant d’eau de la passe (− 10,37 m) et celui du quai au long cours (− 10,50 m). Malgré la modestie probablement durable du trafic conteneurisé, agents maritimes et armateur rêvent de navires de 4 000 EVP faisant escale à Papeete. Or avec ces tirants d’eau, ce type de navire n’entre pas.

Techniquement, il n’est pas évident d’approfondir la passe, car le corail est ici extrêmement dur. Le recours à l’explosif semble inévitable. Par ailleurs, il est techniquement impossible de creuser au pied du quai au long cours. Cela dit, ce quai pourrait être allongé afin de faciliter les opérations commerciales. Il pourrait également être judicieux d’allonger le quai de la zone sous douane qui, lui, peut être amené à − 13,50 m.

Encore faut-il décider de ce que l’on veut réellement faire, à Papeete, à Faratea ou ailleurs, compte tenu des montants financiers à mettre en œuvre.

Un patronat portuaire morose

Rencontrés en juin dernier, les patrons du portuaire de Papeete étaient majoritairement moroses et inquiets de l’avenir de l’île. Certains regrettaient l’année d’immobilisme qui avait marqué le port autonome, depuis l’arrivée du directeur choisi par le nouveau gouvernement. Son remplaçant, métropolitain, a été nommé en juin.

Les déclarations du président Oscar Temaru ont également rendu perplexe le plus grand nombre. Lassés par les dérives du système mis en place par Gaston Flosse (et toléré par le représentant de l’État), plusieurs patrons portuaires se sont laissés tenter par l’alternative Oscar Temaru. Ils le savaient indépendantiste, mais avaient bien entendu ses paroles selon lesquelles la question de l’indépendance de la Polynésie ne se poserait pas avant une quinzaine d’années. Osons donc, faute d’autre choix possible. L’actuel résultat n’est pas à la hauteur des espérances: la distribution de portefeuilles ministériels utilisée comme ciment de la cohésion des partis de la majorité a déçu. Mais ce sont surtout les déclarations du président, principalement faites à l’étranger, concernant l’indépendance du territoire qui ont inquiété les esprits. L’attitude présidentielle, plutôt agressive ou désinvolte vis-à-vis du gouvernement de la métropole, a renforcé le sentiment d’incompréhension. Portuaire ou non, le patronat local ne peut se faire aucune illusion sur la capacité de la Polynésie à maintenir son niveau de vie sans les transferts massifs de la métropole. La perle noire, le jus ou la purée de noni (1) et quelques gousses de vanille ne risquent pas de les compenser. La consommation se porte bien, note le représentant d’une agence maritime, mais devant l’incertitude, de plus en plus de patrons polynésiens investissent ailleurs, en Nouvelle-Calédonie, par exemple. Plutôt proche de l’actuel gouvernement, un autre portuaire note qu’il va falloir rapidement rassurer les gens sur l’avenir et donc cesser les déclarations à l’emporte-pièce. Plus facile à espérer qu’à obtenir.

M.N.

1) Fruit polynésien aux vertus médicinales très recherchées par les consommateurs des pays développés. Redécouvert par un scientifique américain au début des années 1990, l’exportation du noni (ou nono) a rapporté l’équivalent de 9,5 M€ à la Polynésie; à comparer aux 103 Md€ générés par la perle noire. Selon l’Institut de la statistique de la Polynésie française, le taux réel de couverture (exportations locales/importations civiles) était de 10,6 % en 2005.

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