De plus en plus de grues

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Pour traiter à peine plus d’un million de tonnes de trafic international, la place portuaire de Papeete compte trois acconiers (au sens méditerranéen du terme, c’est-à-dire travaillant d’ordre et pour compte de la marchandise puis du navire): Cowan créé en 1919 (et non pas en 1928 comme l’indiquait la brochure du 40e anniversaire de la création du Port); Sat-Nui fondé en novembre 1963 par le néo-calédonien René Malmezac; et Cotada crée en 1977 pour résister à la forte position de la CGM. Très clairement, pour Cowan et Cotada, la manutention portuaire est une activité complémentaire au principal; c’est-à-dire l’importation de ciment (marchandise quasi stratégique en Polynésie), de matériaux de construction et/ou de denrées alimentaires non-conteneurisées. Ces marchandises faisant l’objet d’affrètements, "naturellement" la manutention est confiée à la société dont l’importateur est actionnaire. Selon l’estimation d’un acconier, le ciment représente environ 30 % du chiffre d’affaires de l’acconage de la place.

Au fil des années, tous se sont mis au conteneur. Sat-Nui, qui jusqu’en 2005 dominait le marché du conteneur, serait lui lié d’une façon ou d’une autre, à quelque gros producteurs de boissons plus ou moins alcoolisées (1).

Le rachat de P&O Nedlloyd par Mærsk a constitué une très mauvaise affaire pour Sat-Nui. En effet, cet acconier traitait les trois navires Nedlloyd et les trois Contship qui étaient membres du Vessel Sharing Agreement (VSA), formé également par CMA CGM qui alignait quatre navires, Marfret et Columbus avec un navire chacun. Pour respecter les exigences de la Commission européenne en matière de droit de la concurrence, P&O Nedlloyd se retirait du service et Columbus, filiale de Hamburg-Süd, enlevait son navire. Sat-Nui perdait ainsi une grande partie de son fonds de commerce conteneurisé. Et la fréquence hebdomadaire du VSA est à ce jour non-compensée.

Mais Sat-Nui créait l’évènement en fin novembre 2004 en faisant débarquer à Papeete une grue Gottwald HMK 300 E neuve. Elle complétait ainsi la Gottwald qui, en poste à Nouméa, avait été achetée à Contship. Pour faire bonne mesure, Sato, filiale d’acconage du groupe Malmezac en Nouvelle-Calédonie, réceptionnait également une HMK 300 E neuve.

En octobre 2004, Éric Malmezac, directeur général de Sat-Nui, expliquait un investissement (défiscalisé) de l’ordre de 5,7 M€ (les deux grues en CAF) par la nécessité d’assurer la fiabilité des opérations commerciales des navires non-gréés et la perspective rapprochée de voir arriver des 4 000 EVP jamais gréés à Papeete.

Deux Gottwald; une Liebherr

Compte tenu d’un trafic conteneurisé total de 69 000 EVP (dont 55 % de pleins), il semblait raisonnable que les trois acconiers puissent s’associer pour investir dans les grues. Pour de multiples raisons, notamment d’ordre relationnel, cela ne fut pas le cas. Sat-Nui avait sa/ses Gottwald; Cowan eut sa Liebherr LHM 400 en juillet 2005 avec, en complément, un accord de location passé avec Cowan. Celui-ci devrait assez probablement commander lui aussi sa Liebherr.

Les 4 000 EVP peuvent venir (un jour), ils seront bien accueillis… s’ils parviennent à franchir la passe du port.

En attendant, cette course à la productivité dans les opérations commerciales est dangereuse socialement, estime Vincenzo Silvestro, secrétaire général de Cowan. Les conditions de travail en plein soleil, les accidents et les baisses de rémunération des salariés dockers qui, travaillant de moins en moins après 18 h, ne sont plus payés en heures supplémentaires, risquent de déclencher des mouvements de grèves. Évènements qui avaient disparu depuis novembre 1987. Que les compagnies maritimes soient favorables au raccourcissement du temps d’escale est une évidence, mais les éventuelles économies ne bénéficient pas directement aux transporteurs, car le fret est coté "free out". Par contre, la question de l’impact des gains de productivité sur l’ensemble de la chaîne de transport, et notamment sur les prix à la consommation, reste grandement ouverte.

Pour fixer les idées, avec deux grues, Sat-Nui réalise 53 mouvements à l’heure, explique Richard Bernaix, direction des opérations à condition que les grues ne travaillent jamais à vide: elles déchargent un plein et chargent, dans le mouvement inverse, un vide. "Les grutiers polynésiens sont très bons", commente-t-il après avoir passé une quinzaine d’années dans la manutention havraise.

Vers une meilleure organisation des terres-pleins

Après de multiples réunions de travail, les trois acconiers ont réussi cet été à signer un accord de mise en place d’un nouveau terminal, avec procédures communes, afin d’optimiser l’utilisation des surfaces. Il n’est pas question, comme à la Réunion, d’un regroupement des opérateurs, mais de mettre en place quelques mesures de bon sens plus en rapport avec l’importance du trafic.

1) Le site internet de Sat-Nui renvoie curieusement à celui des Brasseries de Tahiti.

Un hub à Fidji?

Président de l’Union des industriels de la manutention de Polynésie française, Éric Malmezac s’intéresse aussi à ce qu’il se passe dans les îles “voisines”, notamment aux Fidji. Le port de Suva a dû recevoir au printemps deux grosses grues portuaires. Suva a vu transité 77 % des 80 250 EVP représentant le trafic 2005 des Fidji. Le solde passe par le port de Lautoka, qui a également réceptionné une grue portuaire. D’où l’idée, ou plutôt la crainte, que le port de Suva se trouve la vocation de faire du transbordement. D’autant qu’îles pauvres de plus de 900 000 habitants, les Fidji ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour assurer leur dévelopement. Le salaire mensuel moyen serait de l’ordre de US $ 200. Ainsi, exportent-t-elles de l’eau minérale vers les États-Unis; 4 000 EVP par an selon Heremana Malmezac, directeur de Sato en Nouvelle-Calédonie. Elles exportent également des vêtements et des chaussures vers l’Australie, etc. Ce n’est peut-être pas un hasard si en sortie d’Auckland, Mærsk touche maintenant Nouméa dans sa boucle desservant Fidji.

L’Établissement des grands projets (EGT), qui entre autres tâches réfléchit à l’aménagement portuaire de Tahiti, intègre par exemple dans ses réflexions la constitution d’une zone portuaire de 200 ha à Fidji.

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