Le Centre international de la mer organise, à la Corderie royale de Rochefort une exposition rétrospective sur le commerce du thé entre la Chine et l’Europe, prolongée jusqu’au 26 novembre.
En fait, la première caisse de thé serait arrivée en Europe en 1606! Cette boisson, qui devient à la mode au siècle des Lumières, fait la fortune des "Compagnies des Indes orientales" britannique, néerlandaise et française. Au XIXe siècle, la Grande-Bretagne domine les lignes océaniques et introduit la culture du thé dans son empire des Indes. Par la suite, le thé sera acclimaté en Afrique, en Amérique du Sud et même en Australie.
L’exposition présente des objets, gravures et peintures anciens et originaux, venus du musée de la Compagnie des Indes de Port-Louis, alors que jusqu’ici la plupart des expositions en Europe et en Asie recouraient aux collections britanniques. En outre, les textes explicatifs sont rédigés en français anglais… et chinois! L’exposition s’articule en quatre thèmes:
• le goût du thé, dans un salon style Louis XV;
• le commerce maritime avec une fresque du port de Canton, des maquettes de navires et des archives;
• la plante thé ou "camelia sinensis" avec des machines à parfums, pour en apprécier les différentes nuances, et une présentation photographique des rites de dégustation.
Le visiteur est aussi invité à passer à l’action au "Café des longitudes", en face de la Corderie royale. S’il veut tout savoir sur cette boisson aux vertus légendaires, il se délectera à la lecture de l’ouvrage de la collection des "Cahiers de la Corderie", qui lui est consacré.
SAGA MARITIME
Intitulé "Thés & Cie", cet album abondamment illustré relate l’histoire du commerce de cette plante depuis le XVIIe siècle.
Les Portugais et non les Anglais introduisent cette boisson en Europe. Présents à Canton depuis 1517, ils s’installent à Macao quarante ans plus tard et traitent avec les intermédiaires japonais et coréens, car le commerce avec les Occidentaux est interdit aux Chinois. L’Empire du Milieu entreprend l’exportation du thé grâce à trois innovations:
• la diffusion de la porcelaine (tasses, vases et assiettes) qui, stockée dans la cale des navires, assure une meilleure navigabilité et isole le thé de l’humidité;
• la production du thé noir pour l’Occident, alors que les Chinois préfèrent le thé vert;
• l’entreposage est facilité par la compression des feuilles de thé noir en "briques", qui résistent mieux à l’humidité.
Le rattachement du Portugal à l’Empire des Hasbourg entre 1580 et 1640 affaiblit ses positions coloniales et ses circuits commerciaux. Les Pays-Bas et la Grande-Bretagne en profitent et font entrer massivement le thé en Europe en le présentant comme un remède à consommer avec une autre denrée coloniale, le sucre de canne. Par la suite, la France et la Suède font également du commerce avec la Chine à partir de Canton, seul port entrouvert aux étrangers jusqu’à la guerre de l’opium en 1842, qui donne Hong Kong à la Grande-Bretagne.
En France, Lorient devient le port d’importation du thé… qui est réexporté aux trois quarts. Cette boisson n’est en effet prisée que par l’élite, alors qu’en Angleterre, elle est appréciée par toute la société et remet en cause la prédominance du gin! La lourde taxe qu’impose le gouvernement britannique sur le thé entraîne une contrebande massive en Angleterre et même la guerre d’indépendance des colonies américaines (Boston Tea party 1773). Le thé frais, très recherché par les consommateurs britanniques et américains est à l’origine des fameux "clippers", ces voiliers racés qui relient les ports chinois à Londres et New York en trois mois au mieux de six. L’ouverture du canal de Suez (1869) et la machine à vapeur réduisent encore ce délai. Aujourd’hui, le thé, vendu dans le monde entier, se décline en vert, noir, semi-fermenté et parfumé, sans compter les mélanges.