Fin 2003, les équipages des Abeille Piriac et Abeille Iroise, les deux remorqueurs portuaires exploités à Brest, n’avaient pas caché leur inquiétude face à une situation financière dans le rouge vif (755 000 € de déficit cumulé entre 2000 et 2003). Une situation qui aurait amené les Abeilles à brandir la menace d’un arrêt pur et simple de l’exploitation. Le problème est bien connu: dotés de moyens modernes de propulsion leur offrant une autonomie de manœuvre suffisante, les navires se passent de plus en plus couramment de remorqueurs pour accoster ou appareiller. "Conformément aux souhaits de la commission portuaire, nous entretenons deux remorqueurs… mais sans les utiliser. En fait, nous regardons les bateaux passer", commentait alors Michel Valentin, directeur des Abeilles brestoises.
Mais, dans le même temps, les responsables de la réparation navale brestoise se plaignent d’un manque de remorqueurs lors des manœuvres d’entrée et de sortie des gros navires ou des impressionnants engins d’offshore pétroliers fréquentant les grandes formes de radoub. "Sans l’indispensable appoint de remorqueurs et de pousseurs de la Marine nationale palliant ce manque, il serait utopique d’envisager de telles manœuvres." Au final, entre trop de moyens d’un côté et pas assez de l’autre, le remorquage brestois continue à souffrir et à poser problème. La CCI brestoise a provisoirement réglé la question: mettant la main à la poche, elle a pris en charge le deuxième remorqueur sur l’année 2004.
Un seul interlocuteur
Mais il n’était pas question pour autant de laisser ce provisoire devenir définitif. "Avec pour objectif une complète remise à plat du remorquage, nous avons lancé un appel d’offres pour trouver un opérateur", rappelle-t-on à la direction des équipements portuaires en expliquant que la solution n’était pas forcément simple à définir et que bien des questions restaient en suspens. Faudra-t-il deux remorqueurs? L’opérateur choisi arrivera-t-il à l’équilibre sans aide financière? Quel sera le montant de cette aide éventuelle? "Face à cette problématique, nous avions volontairement laissé tout ouvert, de manière à pouvoir analyser toutes les solutions et propositions et ne pas enfermer les candidats dans un schéma trop figé." En clair, la CCI attendait non seulement des offres de services mais espérait également que des candidats allaient lui apporter des solutions inédites auxquelles elle n’avait pas forcément pensé.
En avril dernier, la décision est tombée. Remportant l’appel d’offres, les Abeilles vont rester à Brest sans aucune subvention. Elles ont même promis un nouveau remorqueur d’ici 2009. Neuf ou d’occasion? "Cela va dépendre des trafics", répond le directeur Michel Valentin, un peu lassé par ailleurs d’attendre l’agrément de l’État qui ne vient toujours pas. "Nous faisons beaucoup d’efforts pour réduire les coûts mais les clients ne renvoient pas toujours l’ascenseur. Ils souhaiteraient bien avoir trois remorqueurs de 45 t en sécurité commerciale… mais sans les rémunérer lors des temps morts. C’est notre gros problème aujourd’hui."
Délégué de la CGT des marins de Brest, Jean-Paul Hellequin avait tenté de remédier à cet état de fait en envisageant plutôt un soutien des pouvoirs publics. Mettant en avant la notion de sécurité publique dans la rade, il avait tiré la sonnette d’alarme: "Sur les navires à risque tels que les pétroliers et les gaziers par exemple, seuls 15 % font appel aux remorqueurs." Pour lui, la solution passait donc par l’obligation de l’assistance d’un remorqueur "au même titre que le pilotage et tel que ça se pratique déjà dans d’autres ports comme Dunkerque, Le Havre, Lorient, La Rochelle, Marseille ou Saint-Nazaire". Mais l’action qu’il avait initié en ce sens en 2004 auprès du préfet du Finistère est toujours sans réponse…