"Nos prévisions pour 2006 sont optimistes"

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Journal de la Marine Marchande: Après une année record en 2005, les premiers mois de 2006 se calquent sur la même tendance?

Jean-Luc Peltier: 2005 fut en effet une année record avec un tonnage de 2,5 Mt. Sur les cinq premiers mois de l’année, le trafic est plus contrasté. Nous perdons 2 % à 1,03 Mt. Une diminution de nos volumes liée à deux courants de trafic majeurs: les sorties de volailles congelées et les entrées de vracs agroalimentaires.

S’agissant de ces derniers, la diminution de trafic maritime est principalement due à des changements de schéma logistique des importateurs. Ainsi, à titre d’exemple, la société Cargill, installée dans notre port, importe soit des graines de soja soit des graines de colza. Les premières viennent par mer alors que les secondes empruntent le train depuis le centre de la France. Elles n’entrent donc pas dans nos statistiques maritimes portuaires. Depuis le début de l’année, une majorité des graines triturées dans l’usine de Cargill sont du colza. Alors, Cargill a augmenté son activité sans que nous ayons un report sur les chiffres de trafic.

Le même phénomène se produit sur les huiles. À l’origine, elles partaient presque en totalité à l’export. Aujourd’hui elles sont intégrées dans l’alimentation animale locale et ne rentrent plus dans nos statistiques malgré une activité en croissance l’usine.

JMM: Second poste phare du trafic brestois, les hydrocarbures enregistrent aussi une diminution de leurs flux. Quelles en sont les causes?

J.-L.P.: Les hydrocarbures perdent 6 % à 442 485 t. Il nous paraît difficile d’expliquer ce phénomène. La baisse des hydrocarbures n’a pas une cause unique mais plusieurs. Il est difficile aujourd’hui de dire laquelle a le plus de poids dans cette diminution de trafic: l’hiver doux, la tendance à utiliser d’autres sources d’énergie…

JMM: Enfin, pour faire un tour d’horizon des trafics du port de Brest, les diverses ont connu des sorts divers sur les premiers mois de l’année. D’un côté, les trafics de volailles congelées s’essoufflent alors que d’autres flux à l’image du sable et des ferrailles augmentent. Pensez-vous que le port de Brest vive en ce moment un changement de ses trafics?

J.-L.P.: L’aspect portuaire évolue avec son temps. Sans parler de changements, nous accompagnons les évolutions de nos clients que leurs trafics soient à la hausse ou à la baisse. Ainsi, les trafics de volailles congelées ont été parmi nos principales préoccupations de cette année. Destinées aux pays du golfe arabo-persique, ces volailles ont subi les effets de la grippe aviaire. En 2005, cette maladie n’avait pas eu, dans ces pays, le retentissement médiatique que la France a connu. Dès le début de l’année, les gouvernements locaux ont pris des mesures contre les volailles françaises après les premiers cas déclarés. Les produits que nous exportons ont fait l’objet d’un embargo. Les deux exportateurs qui utilisent nos installations, les sociétés Doux et Tilly-Sabco ont fortement réduit leurs exportations. Sur les quatre premiers mois de l’année, nous avons perdu 35 % en tonnes et 40 % en nombre de conteneurs. Le bout du tunnel est proche. La levée de l’embargo a été annoncée le 18 juin. Les trafics devraient reprendre sur le dernier semestre de l’année.

Outre ce trafic, les autres courants des diverses enregistrent des tendances encourageantes. Les ferrailles bénéficient d’un marché en pleine expansion et les exportations depuis nos quais vers l’Espagne progressent. Les trafics d’importation d’huile de palme, de sables et d’une manière générale les pondéreux continuent d’augmenter. Au global, nous affichons 11 % de croissance sur les marchandises diverses.

JMM: Au vu de ces premiers mois, pensez-vous que 2006 marquera un nouveau record de trafic?

J.-L.P.: Nos prévisions pour 2006 sont optimistes. À la fin du mois de mai, nous affichions un résultat en baisse de 2 % de notre trafic en comptant les dysfonctionnements des volailles. Si la reprise de ce trafic se confirme sur le second semestre, même sans égaler les chiffres 2005, nous pensons que nous atteindrons, au moins, les résultats de 2005.

JMM: Votre enveloppe d’investissements est d’environ 4 M€. sur quels ouvrages allez-vous concentrer vos efforts?

J.-L.P.: Cette enveloppe va se concentrer principalement sur la plate-forme multimodale. En année normale, elle est saturée par notre trafic de conteneurs qui atteint aujourd’hui environ 30 000 EVP. Le projet consiste en une restructuration et un aménagement des installations qui tournent autour du conteneur. Nous voulons installer un poste de lavage et de réparation des conteneurs. De plus, le poste d’inspection frontalier va être déplacé. Il est actuellement installé dans la partie ouest du port alors que les conteneurs arrivent à l’est. Une grande partie de nos trafics se réalise sur des produits comme de la viande congelée. Il est illogique de devoir emmener le conteneur au poste frontalier à l’ouest du port et le ramener à l’est. Nous construirons donc un poste sur la plate-forme.

Par ailleurs, nous avons un besoin urgent de place pour stocker les boîtes vides. Une partie de notre enveloppe sera donc consacrée à l’agrandissement de la zone d’entreposage de 5 hectares pour atteindre au total 10 hectares. Il ne nous paraît pas opportun pour le moment d’investir dans de nouveaux engins de manutention.

JMM: Cette plate-forme multimodale dispose d’une passerelle ro-ro qui, à l’origine, servait pour la ligne vers la Russie. Depuis la fin de cette ligne, cet outil a perdu de son activité. Quel est son avenir?

J.-L.P.: Cette passerelle ne sert plus beaucoup. Elle est utilisée pour des opérations "spot", notamment lorsque nous recevons des ferries en réparation navale qui doivent décharger du matériel. Aujourd’hui nous observons les évolutions du marché du ferry. Pour installer une ligne pérenne sur un port, nous avons besoin d’un fond de cale mais aussi d’un armement solide financièrement pour assurer des liaisons régulières et avec de la fréquence. Nous regardons avec beaucoup d’intérêt ce qui passe au large de notre port pour voir la pertinence d’un arrêt d’un de ces navires de lignes régulières à nos installations.

JMM: Une partie de vos investissements sera consacrée au "polder", espace gagné sur la mer. Quel type de trafic accueillera cet espace?

J.-L.P.: Le "polder" est en effet en cours d’aménagement. Il sera surtout dédié aux vracs et pondéreux secs. Nous avons déjà une demande pour des trafics de sables de mer. Ces produits entrent de plus en plus dans la constitution du béton prêt à l’emploi en raison de l’épuisement des ressources terrestres. À moyen terme, nous prévoyons un trafic de 500 000 t à 600 000 t par an. Ainsi, outre l’aménagement de cet espace, nous allons construire deux ducs d’Albe pour faciliter l’accostage des navires. Quant à la suite de nos travaux, ils dépendront des besoins des clients. Et quand le "polder" sera saturé nous disposerons d’une réserve foncière de 100 hectares situés à quelques tours de roues, à Porstrein.

JMM: Le port de Brest est un acteur important de la réparation navale en France. Une partie de vos investissements sera-t-elle consacrée à ce secteur d’activité?

J.-L.P.: Nous sommes le premier port dans la réparation navale et nous avons une activité soutenue. Nous avons des projets concernant surtout la forme no 1 située dans la partie occidentale du port. Cette forme dispose d’une cuve en escalier. Nous voulons l’agrandir de 10 m pour conserver une largeur utile de 27 m. Les travaux devraient êtres achevés fin 2007. Ils sont effectués sous maîtrise d’ouvrage de la Direction départementale de l’équipement.

JMM: Nous parlons de réparation navale, il nous paraît aussi inévitable d’aborder la filière déconstruction surtout depuis le bâtiment Clémenceau est revenu à Brest. Pensez-vous qu’une telle filière puisse être économiquement installée sur votre port?

J.-L.P.: Désamianter un navire n’est pas une chose difficile à réaliser. Nous pouvons le faire, mais nous n’avons pas de projets sur cette filière. Il faut rester lucide. Une telle filière ne peut vivre sans subventions face aux coûts sociaux annoncés par les pays actifs dans ce secteur comme l’Inde ou le Pakistan. La solution est avant tout politique.

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