Commencé le 19 mai dernier, le bras de fer politico-économique se poursuit donc au nom du maintien "des équilibres économiques et sociaux" d’une petite île au lourd passé.
Le 19 mai, pour "accueillir" le MSC-Calédonien (affrété de 800 EVP géométriques) attendu le 22 pour être manutentionné par la SATO (groupe Malmezac), l’USTKE bloquait complètement le port durant quelques jours. Puis, elle permettait le travail de tous les navires sauf celui de MSC, prenant à sa charge le contrôle des accès portuaires en lieu et place des gardiens du Port autonome. Cette subsidiarité faisait mauvais genre d’autant que le code ISPS sur la sécurité et la sûreté des installations portuaires ne la prévoit pas explicitement. À la surprise de plusieurs opérateurs portuaires, surtout tahitiens qui l’avaient bien connu, le Haut-Commissaire de la République en poste actuellement en Nouvelle-Calédonie ordonnait le dégagement des accès portuaires: environ 130 gendarmes mobiles et 60 policiers s’y employèrent le 8 juin en moins d’une heure sous plusieurs jets de pierre. Deux membres des force de l’ordre étaient légèrement blessés. Dix-sept membres du syndicat indépendantiste dont le secrétaire général, Gérard Jodar, furent placés en garde à vue. Ils en sortaient après une trentaine d’heures sous les acclamations de leurs amis venus réclamer leur libération au commissariat central de Nouméa. L’USTKE déposait un préavis de grève générale dans tout le territoire qui devenait, quelques heures plus tard, conditionné au retour des navires de MSC. Le MSC-Calédonien était à quai le 14 en milieu d’après-midi. Le matin même, l’USTKE commençait à bloquer certains lieux de Nouvelle-Calédonie, comme la route menant à l’aéroport. Le port autonome restait, lui, sous la protection des forces de l’ordre. Une centaine de manifestants attendait à l’extérieur du port.
SOUS L’ÉCUME
Si l’USTKE ne fait référence qu’aux "équilibres économiques et sociaux" de l’île, il faut savoir que son président d’honneur est Louis Kotra Uregeï, co-actionnaire de la SAT, acconier de CMA CGM et unique actionnaire de Manutrans, acconier de Pacific Direct Line, compagnie appartenant directement ou indirectement à Bill Ravel.
Le service MSC entre l’Australie et la Nouvelle-Calédonie et son équivalent Mærsk entrent directement en concurrence avec ceux des opérateurs historiques qui, de gré ou de force, notamment en 2004, ont su préserver les "équilibres": en clair, faire travailler la manutention kanak. La taille de Mærsk et MSC inquiète un peu tout le monde, y compris le patronat armatorial local. Un de ces membres remarque que dès qu’un produit est fabriqué localement, il bénéficie souvent d’une protection douanière ou réglementaire qui limite singulièrement la concurrence des importations étrangères. Seul le maritime serait totalement "libéral" au bénéfice, a priori de la SATO, acconier "importé". L’argument de la grue mobile mise en place récemment par cette société pour attirer MSC et Mærsk pourrait être de courte durée. D’ici à la fin de l’année, Manucal (groupe Ballande) associé à Sofrana (groupe Didier Leroux) devraient disposer d’une grue équivalente.
Compte tenu du trafic portuaire de Nouméa (moins de 650 000 t), cela peut laisser rêveur d’autant qu’il n’est pas assuré que la présence de deux grues portuaires préservent bien les "équilibres économiques et sociaux".
De notre envoyé spécial Michel Neumeister