Quels sont les grands axes prévus par le port pour développer la logistique?
Julien Bas: "En priorité, nous voulons garantir l’accès nautique. C’est essentiel pour le port de Bordeaux dont la plupart des terminaux sont situés en fond d’estuaire, du fait que nous recevons des navires de plus en plus volumineux et que nous sommes également soumis à des contraintes environnementales de plus en plus importantes. Pour nous assurer que les bateaux remontent dans de bonnes conditions économiques, de sécurité et environnementales, on a donc lancé cette année une grande étude sur l’évolution de la passe ouest de l’estuaire qui a tendance à s’ensabler, ainsi que des travaux d’approfondissement du chenal en amont de l’accès du terminal de Bassens, notamment pour naviguer malgré les seuils rocheux. Avant d’améliorer la logistique proprement dite, améliorer l’accès nautique paraît être une priorité stratégique. Plus on gagne sur la profondeur du chenal, plus on peut accueillir de gros navires et plus le coût du passage portuaire ramené à la tonne est faible. C’est un des premiers points pour être compétitif."
Des projets étaient en cours en début d’année pour améliorer la logistique du pôle pétrochimique d’Ambés. Qu’en est-il?
J.B.: "Devant le confortement de ce pôle qui représente 50 % du trafic import/export du port, on va entreprendre la modernisation des appontements pétroliers. Le poste 511, de plus en plus sollicité depuis le report du trafic hydrocarbures de Pauillac-sur-Ambés, subira des travaux pour augmenter les tirants d’eau et sécuriser les procédures d’amarrage. On met en place également un travail avec les collectivités territoriales afin de faire d’Ambés un territoire attractif pour l’implantation d’entreprises. Le port peut mettre à leur disposition des terrains et faire le lien avec les infrastructures maritimes. Nous devons aussi participer à la prospection pour attirer ces entreprises en nous servant de nos connaissances du tissu industriel, de nos réseaux, et de nos contacts avec des acteurs régionaux. Enfin, pour améliorer l’accès à la presqu’île, le port étudie à ce jour la reprise des installations ferroviaires de Bassens et Ambés sous gestion RFF."
Les opérateurs installés à Ambés, notamment DPA et EPG, tous deux importateurs et stockeurs d’hydrocarbures, participent-ils à la volonté de dynamiser ce pôle?
J.B.: "Oui, pour preuve, le trafic a bel et bien augmenté en 2006 sur ce terminal. EPG a boosté son tonnage d’hydrocarbures de 10 % en un an. En 2005, DPA a importé et stocké dans de nouvelles cuves 60 000 t d’huile de palme pour l’entreprise Cognis. Ces deux sociétés, en 2005 et 2006, ont et vont agrandir leurs capacités de stockage et d’importations, notamment à terme avec le développement des biocarburants. Le groupe Saipol-Lesieur qui va installer une unité de production de diester à Bassens, pourrait utiliser leurs cuves, le diester pouvant être acheminé de Bassens à Ambés par pipe. Avec Saipol-Lesieur, c’est tout de même une garantie de trafic maritime d’au moins 100 000 t, en importation ou exportation d’huile, méthanol qui a été signée avec le Port."
Qu’est-il prévu à Bassens, l’autre terminal phare du port de Bordeaux?
J.B.: "On veut améliorer la productivité portuaire, notamment dans le traitement des vracs et dans certains secteurs tels que charbon, tourteaux de soja, laitiers… La performance manutentionnaire a fait l’objet de toutes nos attentions ces dernières années. Depuis 2000, on a rationalisé le parc grutier: nous avions 30 grues sur cinq sites, aujourd’hui, nous sommes passés à 16 grues sur deux sites. En six ans, la productivité de la manutention a connu ainsi une augmentation de 51 %. Nous disposons désormais d’outils taillés pour faire de la cadence: de 162 t/h en 2000, on atteint désormais en moyenne 244 t/h. Le port va continuer dans ce sens en achetant une nouvelle grue dans les deux ans à venir pour le terminal de Bassens. Mais ces améliorations n’existeraient pas si Sea-Invest n’avait pas fait par ailleurs des investissements et des améliorations à Bassens. Depuis 2004, le port est convaincu qu’il faut jouer la carte des partenariats public-privé pour être plus performant, gagner en productivité et ainsi réduire le coût du passage portuaire. A Bassens, les surfaces de stockage seront également étendues. Le parc conteneurs devrait être agrandi de 20 000 m2 et les quais seront renforcés pour l’accueil de navires de plus en plus grands."
Quelles sont les entreprises qui se sont implantées à Bassens ou ont prévu de le faire?
J.B.: "L’entreprise Silverhood Bois s’est installée début 2005. Cette année, on compte sur l’arrivée de Stora Enso, leader européen du bois à scier. C’est un opérateur majeur qui devrait booster ses importations entre 30 000 à 70 000 t suivant les années. Pour l’inciter à s’installer, le Port autonome a imaginé des solutions clés en main pour la location du terrain, l’optimisation dans l’occupation des terre-pleins, la recherche de solutions pour le stockage. Sur Bassens, on trouve également Lafarge Ciments qui poursuit les travaux pour sa nouvelle usine de broyage de laitiers(1). La société Cimalit vient également de signer un engagement de trafic par voie maritime, effectif dès cette année, de 40 000 t par an pour ses importations de ciment."
La logistique du site de Grattequina de Blanquefort risque d’être prochainement complément transformée?
J.B.: "L’idée est, en effet, qu’il devienne un terminal dédié à l’importation maritime de granulats. Les entreprises BTP du département accusent un déficit de ce produit pour la construction routière. Ce besoin est d’autant plus pressant depuis l’interdiction d’exploitation des granulats de l’estuaire. Le fret maritime s’étant allégé, les opérateurs maritimes s’y intéressent. Le projet à l’étude consisterait à faire venir des navires de 30 000 t depuis le Nord de l’Europe, l’Écosse et la Norvège. Les opérateurs sur les rangs, des armateurs et propriétaires de carrières, assureraient toute la logistique de ce nouveau trafic. Un premier navire pourrait arriver en 2007. L’objectif à atteindre est de 500 000 t sur le port par an. Vingt hectares vont être dégagés pour ce trafic à Grattequina et Bassens. Même si les opérateurs peuvent encore se rétracter, ils ont néanmoins d’ores et déjà versé de l’argent pour la réservation de ces terrains. Du côté du port, ce projet nécessitera la réalisation d‘un front d’accostage pour accueillir les navires. L’investissement correspondant est prévu pour les années 2007 à 2009. Le port s’est aussi déjà engagé au côté du Conseil général dans le renforcement de la RD 209 qui dessert cette zone."
Le terminal du Verdon, qui lui attend toujours l’arrivé du feeder dédié de Delphis, offre–t-il des perspectives réelles de développement?
J.B.: "Il y a des choses à faire. Des aménagements significatifs pourraient intervenir sur le foncier et sur l’ancien appontement pétrolier. Un projet énergétique majeur se dessine peu à peu. Reste que malgré la mise en place de la navette ferroviaire, la RN 215 qui souffre d’encombrements chroniques constitue toujours un handicap pour ce terminal."
Justement, les projets de différents tracés pour le grand contournement de l’agglomération bordelaise ont été dévoilés officiellement en avril, suscitant la polémique dans le département. Quelle est la position du PAB ?
J.B.: "Le port a été sollicité par la préfecture pour participer à la concertation et donner son opinion d’ici fin juin. Nous allons donc débattre de la question. Tout ce que je peux dire, c’est que lors d’une première concertation en 2003, le port autonome était d’accord sur la nécessité de réaliser ce grand contournement et avait exprimé son souhait d’en faire un outil pour désenclaver le Verdon, notamment en prévoyant un échangeur qui permettrait de relier la nationale du Verdon au grand axe autoroutier. Ce souhait devrait rester prioritaire."
(1) 300 000 t de laitier de sidérurgie devraient être acheminées annuellement par voie maritime.