Grâce à l’escale du service AE7 de Mærsk et à un feeder de CMA CGM, Dunkerque a gagné plus de 10 points de parts de marché sur sa région. Pour aller au-delà, l’optimisation de l’utilisation de la voie d’eau et l’harmonisation avec la future voie Seine-Nord, comme l’arrivée de nouveaux opérateurs prêts à desservir une escale ambitieuse au conteneur, sont indispensables.
Pour conserver ses positions auprès d’Arcelor Lorraine et pour espérer prendre quelques parts sur le marché allemand qui renoue avec l’importation de charbon, Dunkerque doit par ailleurs se placer en trains lourds de vrac vers le continent.
Route: l’A25 à refaire, l’A16 saturée
Dunkerque est bien desservi par réseau routier vers l’hinterland et la Grande-Bretagne. L’A16 mène vers l’est à toute l’Europe du Nord et orientale, vers l’ouest aux terminaux calaisiens et vers le sud à la France et l’Espagne de manière très directe. L’A25, via Lille et sa région, mène en particulier à la Wallonie, au Valenciennois et à l’Avesnois. L’A26 permet de gagner le sud-est de la France et de l’Europe. Que demander de plus? Rien en termes de réseau, sinon quelques améliorations locales, comme une liaison expresse à quatre voies directe vers la région de St-Omer et sa grande industrie verrière. Encore faut-il que ce réseau existant soit maintenu. Or l’État n’a pas su faire face à la dégradation de l’autoroute A25 sur le tronçon Dunkerque/Lille. Une véritable reconstruction de la chaussée de cet axe est en cours, qui menace, par petits tronçons successifs de prendre plus de dix ans. Quant à l’autoroute A16, non concédée sur cette partie du parcours, elle a été très vite saturée entre Dunkerque et Calais, tronçon critique qui rassemble les trafics locaux, le transit régional Lille-Calais-Boulogne-Le Touquet, le transit Belgique-transmanche par Lille, et le transit Europe du Nord – transmanche par les Flandres belges. La chaussée montre des signes de dégradation accélérée, et le moindre tronçon en travaux se traduit immédiatement par des ralentissements importants. À signaler enfin que, sans trop d’espoir, le monde économique dunkerquois par les voies de Dominique Naëls, président de la CCI, et Alain Auvray, président de l’Union maritime et commerciale (UMC), s’est exprimé en faveur d’un tracé de la future A24 (la liaison Amiens/Lille/Belgique) aboutissant le plus près possible au nord du littoral. Mais il est très probable que le tracé via la métropole lilloise, qui a la faveur de l’État comme de nombreux élus, aura gain de cause.
Rail: le PAD investit
Côté ferroviaire, Dunkerque parie sur le moyen terme, avec le soutien des collectivités territoriales et de l’Europe. En mai dernier, l’État a délégué 150 000 € de crédit d’études au Port autonome pour engager la première phase de l’opération de désenclavement ferroviaire du port Ouest connue sous le nom de "barreau de Saint-Georges". Les débuts des travaux sont attendus en 2007. Il s’agit de permettre d’une part la création de trains de fret combiné, en faveur du trafic de conteneurs. Et d’autre part de développer également le trafic de navires"cape sizes" au port Ouest.
L’activité des hauts fourneaux lorrains d’Arcelor (2,5 à 2,8 Mt de trafic pour le Quai à pondéreux Ouest) doit disparaître en 2010. Pour le remplacer, Sea-Bulk et le PAD visent le marché allemand du charbon, qui devrait se développer fortement à partir des années 2010, sans négliger l’approvisionnement futur du site à chaud d’Arcelor Dunkerque, qui pourrait emprunter en partie cette voie. Le barreau de Saint-Georges est un ouvrage de 7 400 m qui reliera le faisceau d’accès au terminal à pondéreux ouest, vers le sud à la voie Calais/Dunkerque. Le projet prévoit dans sa première phase une voie unique pour un investissement de 24 M€. Trois maîtres d’ouvrage sont concernées: le PAD (terrassement, réseaux et paysagement), RFF (voie ferrée), et le Département du Nord pour les rétablissements routiers. Le financement est assuré par la Région Nord-Pas-de-Calais à hauteur de 7,1 M€, le Feder pour 5,5 M€, le Département pour 5,4 M€, l’État pour 3,2 M€ et le PAD pour 2,8 M€. Cette première phase permettra de soulager l’accès actuel, partagé entre conteneurs et pondéreux. Les études sont actuellement en cours. Le tracé préserve la possibilité de creuser le bassin de l’Atlantique vers le sud, tout en satisfaisant les préventions des riverains, après une rude bataille de terrain.
Déblocage
À court terme, des progrès immédiats ont permis de débloquer une situation compromise. La hausse brutale des tarifs de Fret SNCF pour tirer les trains vers la Lorraine (de l’ordre de 25 %, de source non vérifiée) avait conduit Arcelor à remettre en cause la filière Dunkerque face à Rotterdam. Deux mesures ont permis de contrer cette menace, grâce à des gains de productivité qui ont permis en partie de refaire le terrain économique perdu. Il y a eu d’abord la mise en service de trains hyperlourds de 2 500 t, grâce à des efforts conjoints de RFF pour l’infrastructure, de Fret SNCF pour la traction, du loueur de wagon ainsi que de son fournisseur. Les premiers trains lourds ont débuté fin 2004. Ensuite, l’électrification de la voie des Huttes, la voie qui relie le triage de Dunkerque Grande-Synthe avec les terminaux ouest a été prise en charge par le Port autonome, pour la bagatelle de 5 M€. Cet investissement rondement mené permet d’atteler directement au terminal à pondéreux Ouest les locomotives qui tireront les trains lourds jusqu’en Lorraine. Les gains sont considérables.
À noter que RFF ne s’implique pas ou très peu financièrement dans ces opérations. Il est d’ailleurs de plus en plus probable que RFF transfère la propriété de ces voies au PAD. De son côté, ce dernier est très sollicité ces derniers mois par les opérateurs susceptibles "d’épauler" un Fret SNCF quelque peu dépassé par la libéralisation du fret ferroviaire.
Voie d’eau: au mieux avec l’existant
Dunkerque est traditionnellement un port ferroviaire. Longtemps, sa relation avec la voie d’eau a été insuffisante. Mais l’environnement s’est structurellement retourné. Devant les insuffisances de capacité et de qualité de service du fer, les industriels et les portuaires ont dû par nécessité se tourner vers la voie d’eau. Le résultat est là.
En 2005, le volume transporté par voie fluviale dans le Nord-Pas-de-Calais a augmenté de 3,2 % en tonnes et de 4,8 % en tonnes kilomètres. Le trafic international (70 % de l’ensemble) a crû de 3,1 % à 5,65 Mt et le trafic intérieur du Nord-Pas-de-Calais (18,5 % de l’ensemble) de 13,2 % à 1,5 Mt. Les acheminements fluviaux du port de Dunkerque ont eux, progressé de 18 %. Philippe Rattier, directeur régional de VNF à Lille souligne que cette croissance est due avant tout à "l’armature régionale des ports fluviaux", et plus encore au port de Dunkerque, de loin le premier port fluvial de la région avec un trafic de 1,95 Mt (+ 18 %), un record absolu. Ce record s’explique par des expéditions de charbon multipliées par 3 en tonnes kilomètres et des réceptions de coke importantes en provenance de Liège, tant pour Arcelor que pour EDF ou d’autres industriels.
Côté conteneurs, sur l’ensemble du réseau Nord-Pas-de-Calais, les pré et post-acheminements maritimes ont augmenté de 6,1 % à 50 929 EVP. L’activité de NCS (Nord Conteneurs Service), grâce à la bargeCarina affrétée au port de Lille, alignée désormais entre Dunkerque, Lille et Dourges a pratiquement doublé son volume à 8 407 EVP, dont 7 900 pour le seul port de Dunkerque. C’est encore peu, mais la progression est notable. Elle s’explique en particulier par la nécessité de massifier les transports de conteneurs importés de Chine entre le terminal Ouest de Dunkerque et le Port de Lille (à destination des chargeurs métropolitains), et du Japon pour Toyota (usine de Onnaing près de Valenciennes), via le port de Prouvy, géré par l’opérateur privé CCES.
Quand les premiers échanges entre le port de Dunkerque et la plate-forme Delta 3 de Dourges ont eu lieu, VNF et le Port autonome ont signé un contrat de progrès le 21 février 2005 en présence de François Goulard, alors secrétaire d’État à la Mer. Les parties s’engageaient à lever tous les freins administratifs à la progression du trafic, et à regarder une par une les demandes des opérateurs et chargeurs pouvant être résolues par une meilleure coordination des parties (horaires, taxes…). Un premier bilan annuel devrait être dressé prochainement.
Les "bretelles" de Seine-Nord Europe
Le milieu économique dunkerquois, qu’il s’agisse de l’Union maritime et commerciale, de la CCI ou du PAD, s’inquiète de l’ouverture de la liaison Seine-Nord-Europe (SNE) au seul profit des ports du Benelux, tout en s’affirmant constamment favorable à cette ouverture. Il demande par conséquent, tout comme les chargeurs situés au bord du canal Dunkerque/Valenciennes, que les caractéristiques de la liaison SNE, prévue pour 2015, soient étendues au réseau Nord-Pas-de-Calais. Il y a à faire. On pense d’abord aux conteneurs. Les écluses sont limitées à 145 m sur 12 m, le tirant d’eau, théoriquement à 3 m, n’est plus vraiment assuré au-delà de 2,50 m, et le tirant d’air est limité autour de 4,50 m. La liaison SNE autorise des convois de 180 m de long avec un tirant d’air de 7 m. Le contrat de plan Etat-Région prévoit une remontée des ponts à 5,25 m, ce qui permettra le passage de deux couches de conteneurs de manière relativement confortable. Une étude est en cours, à l’initiative du PAD, pour concevoir le matériel fluvial qui offrirait la plus grande productivité possible compte tenu de l’infrastructure existante. La première piste est d’utiliser en totalité la largeur de l’écluse, de manière à accueillir une rangée supplémentaire de boîtes à bord. La seconde consisterait à draguer pour retrouver 3 m de tirant d’eau. Avec une barge ballastable et un pied de pilote réduit, un exercice acrobatique serait alors possible à trois couches de conteneurs.