Dunkerque veut élargir son hinterland

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On était sûr du roulier, il est là. Avec près de 9 Mt et 380 000 poids lourds transbordés (+ 8 %) en 2005, la route Dunkerque/Douvres a trouvé sa place sur le détroit. On espérait le conteneur, il a déçu avec 200 000 EVP,en hausse de 2 %, ce qui laisse Dunkerque loin des grands du genre. Si la place prise par les diverses est appréciable avec 23 % du tonnage total en 2005, c’est bien au roulier qu’elle le doit. Et si ce trafic est stable par rapport à 2004, il plus que doublé en cinq ans. Pour la sidérurgie, la conjoncture a provisoirement donné un coup d’arrêt aux minerais (− 8 %). Mais si chacun attendait à Dunkerque une hausse des produits pétroliers (+ 24 %), après une année 2004 marquée par les arrêts successifs de toutes les grandes installations, personne n’avait anticipé un record aussi élevé dans les échanges de produits raffinés (+ 30 %). Au final, Dunkerque reste d’abord le port de la grande industrie. La seule sidérurgie (minerais, charbons pour hauts fourneaux, laitiers, chargements d’aciers) et les hydrocarbures pèsent ensemble presque 50 % du tonnage global du port.

Dunkerque est aussi le port de l’énergie. Par le pétrole, bien sûr, mais aussi avec les quelques 4 Mt de charbon livrées aux centrales thermiques d’EDF et à celles de Powergen au Royaume-Uni, (groupe EON) en transbordement. C’est ainsi que le charbon a progressé de 3 % à nouveau.

Proximité concurrentielle

Après sa révolution culturelle de 1992 et la scission au sein du syndicat majoritaire des dockers, qui a donné naissance à la CSOPMI, les dunkerquois mesurent à la fois le chemin accompli et la difficulté de franchir certaines barrières.

En dix ans, les tarifs des droits de port ont été progressivement ramenés au niveau de la zone ARA (Amsterdam-Rotterdam-Anvers). Sans grève pendant cette période, malgré des années difficiles, le port a su gagner la confiance des clients. Les grands industriels le prouvent en investissant massivement dans leurs installations et en augmentant leurs trafics. Au-delà de l’hinterland immédiat, différents trafics de vracs se sont développés. Chaque année ou presque apporte son lot de nouveautés, qui varient ensuite selon les marchés. Ferrailles, chaux, métaux non ferreux, granulats d’importation, Dunkerque a prouvé son savoir-faire, en particulier grâce au manutentionnaire Sea-Bulk. Cette année, ce furent par exemple les sels de déneigement.

Malgré cela, les réalités sont tenaces. Dunkerque se trouve encore à l’écart de la zone des deltas et de la grande vallée rhénane. Le transit semble fonctionner à sens unique, pour des raisons de tradition, de géographie et d’économie: les grands volumes étant concentrés côté rhénan, les escales et les dispositifs logistiques s’y accumulent également, donc tout autant les avantages tarifaires. Autrement dit, les transitaires anversois ont tout loisir d’opérer sur le nord de la France, mais en aucun cas des lignes touchant Dunkerque ne peuvent envoyer du fret à Duisbourg ou Strasbourg.

Sans les premières bananes des Antilles françaises débarquées fin 1996, le terminal exploité par NFTI aurait perdu la taille critique nécessaire pour investir et simplement fonctionner. Mais le passage du belge IFB aux commandes aura été très bénéfique. Aujourd’hui, NFTI opérateur unifié est un terminal en ordre de marche.

C’est si vrai qu’après des années d’hésitation, quelques uns des plus grands chargeurs nordistes ont fait pression dès le début des années 2000 pour obtenir une escale directe d’un service sur l’Extrême-Orient à Dunkerque. Il s’agit de la grande distribution et de la vente à distance à l’importation, de Roquette Frères à l’exportation. Mærsk Line s’est lancé en juillet 2004 avec son service AE7, prenant ainsi des parts de marché au nez et à la barbe de CMA CGM. Mais exclusivement sur le marché français, semble-t-il. En réaction, l’armement français a feederisé Dunkerque depuis Zeebrugge. Cela a permis de franchir une nouvelle marche, pour dépasser les 200 000 EVP. Seuls une logistique intégrée en "haulier carriage" contrôlée par l’armateur et un recours à des solutions efficaces et innovantes de massification par fer semble pouvoir troubler le jeu rhénan. Mais les deux principaux protagonistes investissent simultanément dans le port voisin de Zeebrugge. Que penser?

Rien de bon. À moins que le développement logistique de Delta 3, relié au terminal dunkerquois par voie d’eau, et plus tard du port Ouest ne vienne troubler des cartes apparemment jouées d’avance, en créant de nouveaux circuits. Car le marché du nord de la France est encore loin d’être gagné. De ce côté, la vertu pourrait finir par payer, après tant d’années d’efforts. Nul n’est à l’abri du succès.

Fortunes diverses

Les importations cuivres du Chili, un trafic destiné aux tréfileries de Nexans dans le Pas-de-Calais et la Haute-Vienne sont maintenues, malgré une hausse très pénalisante des tarifs de Fret SNCF. Les aciers reculent d’environ 15 % avec 1 Mt de transbordement maritime, mais l’activité fluviale s’accroît.

Comme on pouvait le prévoir, les sucres se tassent de nouveau avec 250 000 t, soit moins de la moitié de la capacité du terminal, mais nul ne peut prévoir quelle sera l’évolution à venir en raison de la réforme récente de la politique commune du sucre. Car si d’un côté, le panel Brésil-Australie-Thaïlande force l’Union européenne à mettre fin aux subventions à l’exportation, de l’autre une grande part de la production brésilienne est consacrée au bio-carburant. Les chargements de Nord Céréales ont augmenté de près de 23 % en 2005, il est vrai après une année 2004 faible. La campagne 2005-2006 se poursuit à un bon rythme.

Quel avenir à moyen-long terme?

Discrètement, le Port autonome lance les prémisses d’une étude de projet directeur à l’horizon 2015-2020. De grands choix doivent être opérés. Première question, que faire du port historique? Quels bassins et terre-pleins doivent être remis à la ville, quel développement commercial est encore possible à l’est? Dunkerque manque de quais à flots pour le développement de trafics spécialisés non conteneurisés, comme les fruits ou certains vracs solides ou liquides, au contraire de Gand ou Flessingue, ses concurrents directs. Seconde question, comment dessiner le futur développement du port Ouest malgré la concurrence de Zeebrugge? Si ce dernier a un moins bon potentiel nautique, il est plus proche géographiquement et culturellement du cœur anversois et rhénan des affaires. Aujourd’hui, il faut choisir entre le creusement plus au sud de la darse de l’Atlantique, à présent en bout de course, barrée par la voie ferrée des Huttes, ou le creusement d’une darse du Pacifique, plus à l’est. Ne faudrait-il pas étudier également l’hypothèse d’une darse à flots à l’ouest, ou celle d’un développement du port à marée gagné sur la mer? Travaux pharaoniques, sans doute. De ceux qui permettent aux concurrents de Dunkerque de lui tenir la dragée haute.

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