Voila plusieurs décennies, qu’en France nous n’avions pas assisté à un évènement de cette ampleur. Le 30 mars, date de l’inauguration officielle de Port 2000, restera donc marqué d’une pierre blanche dans l’histoire portuaire française.
Jusqu’au 28 mars, le Président de la République Jacques Chirac devait se rendre personnellement au Havre pour présider la cérémonie. Un calendrier bousculé pour des raisons de contestations sociales l’a retenu dans la capitale, laissant au ministre des Transports et de la Mer, Dominique Perben, le soin de procéder à l’inauguration. Cette absence ne doit cependant pas faire oublier le rôle de l’Élysée dans ce dossier. En effet, lors de son discours, Dominique Perben a rappelé que "le Président de la République a toujours soutenu le projet de Port 2000 depuis son origine, lorsqu’en 1995, il avait décidé de son lancement".
Aux côtés du ministre français, on trouvait deux commissaires européens, Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne et Danuta Hübner, commissaire européen en charge des questions de politique régionale, ainsi que la ministre déléguée au Commerce extérieur Christina Lagarde, le maire du Havre Antoine Rufenacht, le président du Conseil régional de Haute-Normandie Alain Le Vern et le préfet de la Région Haute-Normandie Daniel Cadoux. Aux côtés des politiques, le monde maritime s’est retrouvé au Havre.
Le premier navire à entrer dans le port se devait d’arborer les couleurs de la CMA CGM. Ce dernier exploite en effet, conjointement avec P&O Ports (racheté par DP World le 16 mars), les deux premiers postes à quai au travers de sa filiale de manutention, la Générale de manutention portuaire (GMP). Ce fut donc aux environs de 13 h 00 que le CMA-CGM-Tosca a franchi la digue pour venir accoster au Terminal de France sous les portiques de la GMP. Ce géant des mers de 8 500 EVP a été salué comme il se doit par des gerbes d’eau des remorqueurs qui l’ont conduit à son poste.
12 POSTES À QUAI
Port 2000 représente un investissement de plus d’un milliard d’euros financés par l’État, le Port autonome du Havre (PAH), l’Union européenne et les opérateurs privés (voir encadré). Au total, 4 km de quai accueilleront 12 postes à quai. Ce nouveau port s’étend sur une cinquantaine d’hectare pris sur la mer. Les travaux ont représenté plusieurs milliers d’heures de travail, des tonnes de remblai pour former les digues et construire les quais.
Opéré par la GMP donc, le Terminal de France est le premier terminal opérationnel sur Port 2000. Équipé de six portiques super-panamax et d’un portique ferroviaire, il comporte deux postes à quai, avec une option pour un troisième à l’Est des précédents.
Le Terminal Porte Océane (TPO) sera le second terminal à entrer en service (voir encadré). Avec ses deux postes à quai, il sera exploité par le groupement constitué par la société Perrigault (groupe Terminaux de Normandie) et APM Terminals (filiale de AP Møller Mærsk). Là aussi, une option est prise pour un 3e poste à quai.
Les six derniers postes à quai seront réalisés en fonction des besoins des opérateurs. Ainsi, le groupement constitué de Terminaux de Normandie et de MSC a signé en juillet 2004 une convention d’exploitation de terminal avec le PAH qui prévoit une option de transfert de ses activités sur Port 2000 dans quelques années.
L’ORGANISATION DU TRAVAIL, UN DOSSIER À FINALISER
Tout paraît prêt pour démarrer les activités commerciales. Il ne reste qu’un "détail" à régler, celui de l’exploitation. Port 2000 innove aussi à ce niveau. Depuis plusieurs mois, les partenaires sociaux se rencontrent pour mettre au point un système adapté à ce nouveau quai. "Pour rendre plus attractif les ports français, il faut répondre aux exigences de productivité des grands armements et ramener les coûts de passage au niveau de ceux de nos principaux concurrents", a indiqué le ministre des Transports lors de la cérémonie d’inauguration. Sur les nouveaux quais l’organisation du travail sera plus "fine", comme le déclare Jean-Marc Lacave, directeur général du PAH, avec plus de travail de nuits et des déshiftages plus fréquents. Avec ces nouvelles procédures, des primes sont prévues. Ce sont ces points qui achoppent encore.
Lors de la cérémonie d’inauguration, Jean-Marc Lacave nous a confié son optimisme sur la finalisation de cet accord. "Nous avons choisi les 24 portiqueurs qui œuvreront sur ce terminal. 98 % de l’accord est bouclé, il ne reste à négocier que les points d’organisation du travail et de primes", a-t-il indiqué. Si aujourd’hui les négociations ne sont pas encore finalisées, le directeur du port normand n’en demeure pas moins confiant. "Nous avons réussi, depuis le début des discussions entre les partenaires sociaux à bâtir de nouveaux fondamentaux sur l’organisation du travail", continue Jean-Marc Lacave. L’avenant des grutiers prévoit une mise à disposition du personnel pendant une période de trois ans, renouvelable. Dominique Perben a salué le travail mené par les partenaires sociaux et a demandé qu’un accord aboutisse rapidement pour que le premier navire en opération commerciale, le CMA-CGM-Makassa (2 900 EVP) attendu le 8 avril, puisse bénéficier de cette organisation de travail. Localement, représentant des grutiers, manutentionnaire et autorité portuaire ne semblent pas branchés sur le même canal. Des dissonances résonnent (voir rubrique Ports, Le Havre).
UNE ÉCLUSE POUR LE FLUVIAL
Dans son discours d’inauguration, le ministre n’a pas oublié les aspects de dessertes terrestres de ce terminal. "Nous devons faire aussi bien, voire mieux que les grands ports d’Europe du Nord. Nous devons renforcer les modes fluvial et ferroviaire. À moyen terme, au moins 30 % des conteneurs devront emprunter ces modes de transport." Et Dominique Perben se fixe un objectif ambitieux avec un doublement du transport ferroviaire au Havre dans les cinq prochaines années. Quant au fluvial, dont le ministre n’a cessé de souligner les bonnes performances au cours des dernières années, il a voulu rassurer les opérateurs: "On ne doit pas perdre de vue l’objectif de réaliser l’écluse fluviale, dont j’arrêterai le dimensionnement avant l’été." Cette écluse doit permettre de relier directement les quais intérieurs du port à ceux de Port 2000. En attendant, la desserte directe de port 2000 sera réalisée par des automoteurs fluviaux spécialement adaptés et par la SAITH, société qui gérera la traction ferroviaire des quais de Port 2000 vers les terminaux intérieurs.
À peine achevée la cérémonie d’inauguration, le président du Port Autonome du Havre, Jean-Pierre Lecomte, ne veut pas se reposer sur ses lauriers. "Nous travaillons à d’autres projets. Nous allons capitaliser sur la dynamique lancée par Port 2000", a-t-il indiqué. Ces projets projettent le port dans les années 2015-2020. Il s’agit de gagner de la place sur les quais existants en reconditionnant certains des terminaux. Pour permettre l’accès des plus gros porte-conteneurs, le port prévoit de doubler l’écluse François 1er par une autre qui acceptera des unités pouvant mesurer jusqu’à 400 m de long. De plus, le grand canal du Havre sera allongé de 5 km pour rejoindre celui de Tancarville.
Port 2000: un coût de 1 088 M€
Investissement: 1 088 M€ pour six postes à quai. Ont participé au financement des infrastructures et des aspects environnementaux: le Feder (Fonds européen de développement économique régional), la Région Haute-Normandie, le Département de Seine-Maritime, l’État et le Port autonome du Havre (PAH) pour un total de 693 M€. Les dessertes proches, qui représentent 101,15 M€, ont été financées par le RTE, le Feder, la Région Haute-Normandie, le Département de Seine-Maritime, RFF-SNCF et l’État. Les dessertes terminales, représentant 19,1 M€ ont été prises en charge par l’État, le PAH et les opérateurs privés. Enfin, les superstructures ont représenté un investissement de 275 M€.
H.D.
TN et Mærsk construiront le Terminal Porte Océane
TPO: trois initiales pour Terminal Port Océane. Trois lettres qui signent aussi le nom d’une nouvelle société, co-entreprise entre Terminaux de Normandie (TN) et AP Møller-Mærsk. TPO sera le deuxième exploitant à entrer en service à Port 2000 après la Générale de manutention portuaire (GMP) et son Terminal de France.
Compte tenu des difficultés à trouver un accord avec les grutiers du PAH sur la conduite des portiques privés, le groupe Mærsk avait annoncé, il y a quelques semaines, qu’il suspendait son implantation sur Port 2000. Les décisions clairement prises par le Conseil d’administration du port, en décembre puis tout début février, de confirmer la mise à disposition du personnel du port aux opérateurs privés pour une durée de trois ans, ont levé le doute. La convention d’exploitation avec le Port autonome devrait être signée dans quelques jours. Mærsk et TN s’engagent donc dans le nouveau port. “Mais nous avons pris un an et demi de retard”, regrette Christian de Tinguy, le directeur général de Terminaux de Normandie.
Au mieux, le Terminal Porte Océane devrait ouvrir ses portes en septembre 2007. TPO utilisera deux postes à quai de 350 m chacun. D’ores et déjà, l’entreprise est sur les rangs pour exploiter un troisième poste. Pour aménager son terminal, TPO investira 85 M€. Dans ce programme, 25 M€ sont destinés à l’achat de quatre portiques de dernière génération. Ils vont être commandés aux chantiers chinois ZPMC. “Leur technologie permettra de prendre en même temps deux conteneurs de 40 pieds”, souligne Christian de Tinguy. Avec ses deux premiers postes à quai, TPO traitera 430 000 EVP par an. “Avec un troisième poste, nous monterons à 610 000 boîtes”, annonce Christian de Tinguy.
Stéphane Siret