Jusqu’au dernier moment, on a pensé – comme cela figurait sur l’invitation officielle – que Jacques Chirac, président de la République, inaugurerait le site de Port 2000. Outre l’importance "planétaire" de l’événement, sa proximité politique avec le maire de la ville Antoine Ruffenacht qui fut son directeur de campagne, lors des dernières élections présidentielles semblait rendre sa présence incontournable
Or, la veille de l’inauguration, le cabinet de l’Élysée annonçait que, compte tenu des événements politiques récents, le Président de la République annulait tous ses déplacements en France. Seul restait prévu sur son agenda du jeudi 30 mars un entretien avec Condoleezza Rice, secrétaire d’État américain.
Il devait être remplacé au pied levé par Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, dont le déplacement, en revanche, n’était pas prévu à l’agenda hebdomadaire. Un chemin qui lui était presque familier. D’ailleurs, on rappellera que, tout au long de sa vie de projet, le nouvel espace portuaire a bénéficié de la bienveillance de la classe politique dans son ensemble. On ne compte plus, en effet, les ministres qui, au cours des cinq dernières années, et encore tout récemment, se sont succédés sur le chantier pour apporter au projet leur soutien plein et entier.
PREMIÈRE DU GENRE…
Pas plus tard que la semaine dernière, le 23 mars, le Port autonome du Havre accueillait la première conférence portuaire interrégionale.
Souhaitée et mise en place par les deux Régions normandes, à l’instigation de Philippe Duron, président de la Région Basse-Normandie, et d’Alain Le Vern, président de la Région Haute-Normandie, cette conférence a réuni, une semaine très précisément avant l’inauguration de Port 2000, les principaux acteurs, professionnels et institutionnels, concernés par les questions maritimes au sens large. Les liaisons transmanches ont notamment été évoquées, ainsi que la sûreté et la sécurité maritime, devant une centaine de participants.
UN DIALOGUE FRUCTUEUX
Première du genre, cette conférence a permis de jeter les bases d’un débat sur les grands enjeux liés au secteur portuaire, un élément essentiel de l’économie du Grand Ouest.
Depuis plusieurs mois, les deux Régions ont entamé un dialogue fructueux: au nombre des dossiers déjà abordés, figuraient notamment les liaisons ferroviaires entre les deux capitales régionales, une démarche qui a permis d’améliorer les moyens de transport qui lui sont affectés.
Cette fois, les deux présidents se sont intéressés au secteur portuaire sous plusieurs de ses aspects: les liaisons transmanche, le tourisme et la plaisance, le commerce, la pêche, la sûreté et la sécurité maritime.
Le moment de la tenue de cette réunion n’est pas neutre: les deux collectivités travaillent à l’élaboration de leur Schéma Régional d’Aménagement et de Développement du Territoire (SRADT) et souhaitent donc disposer d’un maximum d’informations.
MUTUALISER LES APPROCHES
De plus, ces collectivités vont être appelées à prendre en charge plusieurs ports d’intérêt national dans les mois à venir. "Nous souhaitons mutualiser notre approche sur ces sujets", souligne Alain Le Vern.
La Normandie est particulièrement bien dotée en équipements portuaires. Dans ce contexte, les responsables régionaux soulignent: "L’existence de nombreux ports de commerce et de pêche entraîne nécessairement de fortes interactions entre eux. La concurrence entre les ports ne doit néanmoins pas empêcher le développement de la coopération interportuaire, qui peut être bénéfique à plus d’un titre pour l’ensemble des partenaires."
Évoquant le transmanche, l’un des principaux thèmes abordés au cours de cette réunion, Alain Le Vern a souhaité que celui-ci soit aussi, au-delà de sa fonction "transport, un élément de tourisme".
Un autre sujet d’importance a été évoqué, celui de la possibilité de réaliser un nouveau franchissement ferroviaire de l’estuaire. Des études vont être menées sur cette question comme autant d’outils d’aides à la décision le moment venu.
"Les activités portuaires sont primordiales pour l’emploi dans nos régions", ont rappelé les deux présidents. Aussi, ce dossier demande une grande attention et un suivi. C’est d’ailleurs dans ce sens que les protagonistes ont prévu de se rencontrer à nouveau à la rentrée sur les terres bas-normandes cette fois-ci.
Près de cinq années de travaux
Démarrés à l’automne 2001 et prévus pour une durée de 4 ans, les travaux de Port 2000 devaient s’achever au 1er semestre 2005. Ils furent d’abord reportés à la fin de l’année et le problème des grutiers n’étant toujours pas résolu, repoussés à la fin du premier trimestre 2006.
Port 2000 est un terminal dédié aux conteneurs qui permettra au port du Havre de doubler son trafic annuel qui tourne actuellement autour des 2 millions de boites. Sur une longueur totale de 4 km, il offrira, à terme, 12 postes à quai de 350 m chacun auxquels seront adossés de larges terre-plein conçus pour favoriser simultanément un service rapide aux navires et un rendement élevé des équipements.
Dans sa première phase, Port 2000 va ouvrir 4 postes à quai sur une longueur de 1,4 km qui ont déjà été livrés aux opérateurs. Leur tirant d’eau permet l’accès des navires à 14,5 m sans contrainte de marée. Les terre-pleins ont une largeur moyenne de 500 m. Deux postes à quai supplémentaires sont déjà financés. Ils ouvriront en fonction des besoins des opérateurs. Les six autres seront construits ultérieurement. Les postes les plus à l’ouest permettront d’accueillir les navires jusqu’à 17 m de tirant d’eau. D’autre part, ce nouveau terminal bénéficiera de meilleures dessertes terrestres. À proximité immédiate des quais, un embranchement ferroviaire a été réalisé avec 2,5 km de voies pour permettre la formation de trains entiers. Un terminal fluvial dédié desservira directement Port 2000, dont les accès routiers ont également fait l’objet d’aménagements.
Le CMA-CGM-Tosca attendu à Port 2000 le 30 mars
Il était initialement prévu que le CMA-CGM-Force inaugurerait les essais techniques sur Port 2000 et son arrivée était attendue pour le lundi 27 mars, trois jours avant l’événement. Ce navire aurait pris du retard et devrait être remplacé par le CMA-CGM-Tosca, un porte-conteneurs de 8 500 EVP. Il devrait accoster le 30 au Terminal de France, le jour de l’inauguration avant de se présenter au quai des Amériques pour les opérations commerciales…si celles-ci ne sont pas bloquées par les dockers. Ceux-ci, en effet, avaient manifesté leur intention de faire grève pour protester contre les emplois précaires à l’occasion de la visite de Jacques Chirac…