Et de situer le contexte: "outre les vraquiers pour les pondéreux, les services rouliers ont longtemps été l’outil maritime le mieux adapté au lien rapide transméditerranéen pour les produits alimentaires, les textiles et biens manufacturés, notamment. Mais la conteneurisation, d’abord développée pour des liens plus longs depuis l’Europe du Nord, gagne la Méditerranée européenne, d’autant plus que les produits asiatiques nourrissent la croissance des trafics."
Premier constat, donc, si les opérateurs rouliers revendiquent performance et souplesse, la conteneurisation gagne du terrain. "Même si le fonctionnement des ports, parfois chaotique, empêche souvent la rationalisation des espaces portuaires entre les modes."
Quelques exemples: Rades, en Tunisie, a manutentionné en 2004, 175 000 remorques contre 279 000 conteneurs. Au Maroc, le conteneur reefer rogne progressivement la part du conventionnel sous température dirigée.
"La conteneurisation offre des solutions de massification qui sont encore peu utiles sur le marché maghrébin", estime Paul Tourret. "Elle crée des problèmes logistiques nouveaux (stockage, gestion des vides) qui ne peuvent être gérés que par des opérateurs connaissant bien le marché."
Et de citer CMA CGM, MSC, Mærsk, armements européens qui s’attaquent au marché algérien réduisant progressivement la part des petits armements qui étaient actifs sur ces lignes.
Tout en soulignant que la conteneurisation représente une nouvelle opportunité économique pour le Maghreb, l’auteur fait remarquer que, jusqu’à présent, les hubs ont été installés par les opérateurs sur la partie européenne de la Méditerranée: Algésiras, Valence, Cagliari, Gioia Tauro, Tarente et Marsaxlokk. "Ces ports sont devenus les pivots des lignes des grands opérateurs mondiaux que sont Mærsk, MSC, CMA CGM, Evergreen. Mais, pour beaucoup, la France a conservé son rôle d’interface, y compris pour les approvisionnements en Asie."
Maroc: Tanger Med va changer la donne
L’auteur note que Tanger et, dans une moindre mesure, Nador, traitent essentiellement les flux des services rouliers et ferries méditerranéens plus ou moins longs. Casablanca est un port généraliste où se concentrent les trafics de céréales, les produits industriels d’importation, les phosphates à l’exportation et les conteneurs en provenance d’Europe du Nord.
Les autres ports possèdent des trafics vraquiers: pétrole à Mohammedia, dérivés phosphatiques et engrais à Jorf Lasfar et Safi, phosphate à Laayoune.
Casablanca est le premier port à conteneurs du Maroc avec près de 500 000 EVP et un objectif à court terme de 700 000 unités impliquant une modernisation indispensable de l’outil de travail.
"La concurrence en matière de conteneurs va venir de Tanger Méditerranée", souligne Paul Tourret. Et de rappeler qu’en 2001 le Maroc s’est lancé dans la construction d’un nouveau port multifonctions (pétrole, conteneurs, rouliers, céréales) dont l’ambition est de traiter 4 millions d’EVP. Il devrait démarrer en 2007. Une première concession a été attribuée à Mærsk en partenariat avec la société marocaine Akwa. Une seconde sera exploitée par un consortium comprenant CMA CGM, Eurogate, Comanav et MSC.
Paul Tourret fait remarquer que ces attributions consacrent la mainmise des acteurs européens sur ce marché.
Tunisie: activité plus réduite
En l’absence de gros volumes pétroliers et en raison de flux d’import plus limités, l’activité portuaire tunisienne est plus réduite que celle de ses voisins. Le tiers du trafic se concentre sur La Goulette et Rades, notamment l’essentiel des conteneurs et des remorques. Les exportations de pétrole et de phosphate s’effectuent par les ports du sud, Gabes, Sfax et La Skhira.
L’objectif gouvernemental en matière de transport conteneurisé est d’atteindre les 700 000 EVP dans un contexte de libéralisation des services portuaires et de la mise en concession des terminaux.
"En terme de travaux et projets (voir article p. 34), l’effort tunisien porte avant tout sur l’extension du port de Rades dont la capacité devrait être portée à 400 000 EVP en 2010 et à 700 000 EVP en 2020", explique Paul Tourret.
Algérie: congestion générale
De nombreux ports jalonnent la façade maritime algérienne. Les principaux traitent les exportations de produits énergétiques: Arzew, Skikda et Bejaia. "En 2004, l’Algérie a exporté 91 Mt de gaz et de pétrole soit 97 % des exportations. Le reste de l’activité est consacré aux importations de vracs alimentaires, de produits industriels bruts et semi-finis et de biens manufacturés. Les ports des principales villes côtières, Alger, Oran et Annaba, sont tous intégrés dans les services transméditerranéens rouliers et conteneurs.
Aujourd’hui seul le port d’Alger traite des trafics importants de conteneurs. Mais l’ensemble des ports algériens bénéficie d’une bonne couverture de la part des armements conteneurisés européens CMA CGM, MSC, Taros, Contemar, qui assurent des services directs depuis le nord de la Méditerranée alors que des liens avec les hubs d’Algésiras (Mærsk), Valence (MSC) et Malte (CMA CGM) mettent en connexion les trafics est/ouest."
Les autorités du pays reconnaissent elles-mêmes le mauvais état du secteur des transports dont ils stigmatisent le manque d’efficacité. Mais cela est dû pour une bonne part à un cadre réglementaire inadapté et au rôle parfois confus de l’État.
"Principal port du Pays, celui d’Alger est, à l’évidence, inadapté à la croissance du trafic", note Paul Tourret. "L’attente des navires, y compris des porte-conteneurs, ainsi que les marchandises qui stationnent à quai sont préjudiciables aux performances du port. La congestion est générale et oblige à une politique rapide d’investissements et de modernisation qui doit s’étaler jusqu’à 2015".
Ceux-ci sont programmés. À Alger, un nouveau terminal de 500 000 EVP de capacité va permettre un doublement du trafic en 2010. En outre il est question de limiter l’usage des terrains du port aux seules activités commerciales et on attend davantage de professionnalisme de la part des acteurs portuaires.
La conclusion de Paul Tourret est relativement sévère. Il estime que le Maghreb maritime doit se mettre au niveau des enjeux commerciaux et de la concurrence. Que les ports ne doivent pas être l’un des freins de l’économie nationale car leur vocation, au contraire, est d’être les instruments du développement notamment dans le cadre du trafic international de conteneurs. La région possède des atouts pour offrir de nouveaux sites de transbordement et Tanger Med en est une bonne illustration.