L’après conférence maritime est flou

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Cela fait une dizaine d’années que les chargeurs européens ont commencé à;uvrer contre le règlement 4056. Le travail de sape d’un système déjà bien affaibli par les transporteurs eux-mêmes, a connu un tournant crucial le 14 décembre 2005 lorsque la Commission européenne a officiellement proposé l’abrogation, dans les deux ans à venir, de l’exemption par catégorie dont bénéficient les conférences maritimes (JMM du 23−12−2005, p. 5). Avant la fin des conférences, la Commission devra avoir publié ses lignes directrices sur l’application des règles de concurrence à la ligne régulière (et au tramp ainsi qu’au cabotage, ne l’oublions pas). Rappelons également que 1er décembre 2005, le Parlement européen avait le mis sèchement en garde la Commission contre tous errements relatif à l’abrogation du règlement 4056.

Trois mois plus tard, côté chargeurs, les choses sont simples. Ainsi le représentant de Michelin, M. Cambon (1), estime que les principes vertueux qui, dans les années 80, pouvaient encore justifier le système des conférences, ont disparu. Il souhaite pour l’avenir une vraie politique tarifaire évitant de brutales variations, bien sûr la confidentialité des conditions tarifaires à l’image de ce qu’il se pratique aux États-Unis depuis l’OSRA de 1998; des "taux gate in/gate out" généralisés et une qualité de service et d’information réelle. À ce sujet, le suivi des conteneurs reste encore perfectible.

Le responsable des transports maritimes du groupe Mulliez (Auchan, Décathlon, etc.) partageait totalement ce point de vue, ajoutant que l’offre de transport de ligne était très fortement concentrée; les cinq premières compagnies représentant près de la moitié de l’offre.

Côté transporteur, de façon assez surprenante si on se souvient de la teneur de la décision du Parlement européen, M. Berlet, représentant CMA CGM semblait avoir acté la disparition des conférences tout en insistant sur la nécessité de disposer d’un mécanisme mondial de gestion des capacités. Reprenant les propositions de l’European Liner Affairs Association (présidée par Jacques Saadé depuis décembre dernier), Édouard Berlet explicitait les besoins de coopération armatoriale en matière de suivi, desserte par desserte, des capacités mises en œuvre; des évolutions des demandes de transport par type d’équipement; des parts de marché des uns et des autres; de la constitution d’indices de prix par "trade" et par type d’équipements; et last but not least, de la définition acceptée par tous, de formules de calcul des surcharges et autres frais annexes.

PAS DE BENCHMARKING DANS LES SERVICES DE TRANSPORT MARITIME

Pour des raisons encore mystérieuses, contrairement aux chargeurs de grands vracs (pétrole; minerais; etc.), les "épiciers" de la ligne régulière disent n’avoir aucun besoin d’indicateurs de prix, surtout pas fournis par les transporteurs. Ils savent parfaitement de combien les marchés montent ou descendent. L’instinct sans doute. Les discussions internes du Conseil maritime des chargeurs français servent à cela, explique en coulisse Philippe Bonnevie, délégué général de l’AUTF. Le doute est permis.

Encore plus simple, M. Cambon ne voit aucune raison d’accorder au secteur du transport maritime de ligne des avantages auxquels aucun autre secteur économique ne peut prétendre.

Parfaitement serein avec ses 1,9 million d’EVP chargés en 2005, le représentant de la filiale française de Kühne + Nagel, Jean-Pierre Hennebique était le plus modéré (2) vis-à-vis des conférences dont les "tarifs sont déjà largement ouverts". La possible disparition de toute forme de régulation des marchés semble préoccuper M. Hennebique qui aurait pourtant des raisons professionnelles de s’en réjouir après avoir entendu s’exprimer les deux chargeurs directs. Avec leurs modestes, pour ne pas écrire autre chose, 170 000 EVP Michelin et 60 000 EVP du groupe Mulliez, ces deux "PME" n’ont pas besoin d’outils de benchmarking pour savoir où elles en sont. Cela devrait ouvrir de singuliers horizons aux commerciaux grands comptes de Kühne et Nagel, de DHL-Danzas (1,4 MEVP; JMM du 24−2−2005, p. 11) voire de Panalpina (0,995 MEVP)…

La concentration de l’offre est toujours "à risque", poursuivait Jean-Pierre Hennebique, ajoutant qu’il est alors plus facile de s’entendre de façon informelle ou non (3).

Bien évidemment, on n’échappa pas à la question de savoir pourquoi les compagnies maritimes n’investissaient pas dans un directeur financier de bon calibre capable de se couvrir à terme en dollar (4) ou d’acheter à terme du fioul lourd à prix convenu. Pas de réponse de la part d’E. Berlet ou de M. Patier, directeur général d’OOCL France. Heureusement que Jacques Saadé expliquait en décembre dernier que sa compagnie était couverte à terme jusqu’en 2011 pour ses combustibles (JMM du 23−12−2005, p.4).

Si à plusieurs reprises, des expressions"obscènes" furent prononcées comme effondrement des taux de fret, réaction irrationnelle (comme si la formation des prix en maritime avait une rationalité), personne n’osa donner des indications chiffrées. Saluons toutefois la franchise de Léandre Boulez, directeur général de Auchan Import Export: "si les taux de fret remontent, par ex. d’Asie, j’achèterai nos produits dans des pays plus proches”. La sauvegarde des marges commerciales transcende la problématique des conférences…

1) Après être passé par CGM, M. Cambon a réalisé une partie de sa carrière chez OOCL, notamment à Londres. Il connaît donc de l’intérieur le fonctionnement des transporteurs de lignes.

2) Une sorte de tradition en quelque sorte. En effet, en juillet 1996, le groupe de pression Freight Forward Europe, regroupant les neuf plus gros commissionnaires de transport européens dont K&N, avait envoyé à la DG IV à l’époque, un courrier de soutien au TACA (JMM du 9/8/1996; p. 1907). Souvenir.

3) Dow Chemicals, États-Unis, doit encore s’en souvenir après avoir déposé plainte en juin 2003 contre JO Tankers, Stolt-Nielsen et Mitsui OSK Lines pour une entente sur les prix. Les deux premiers ont plaidé coupable; le 3e a payé une amende de $ 19,5 millions.

4) Personne n’eut l’idée farfelue de souligner que les quatre compagnies conteneurisées sur les cinq premières, sont européennes. Elles pourraient donc raisonnablement jouer la solidarité européenne en essayant de facturer leurs prestations en €. À une époque déjà ancienne, le "spirit of imagination" animait les directions générales.

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