Un petit vent frais et maritime a facilité "l’effeuillage" du rapport public 2005 que la Cour des comptes a publié, il y a peu. Une trentaine de pages sont consacrées à l’administration exotique des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), notamment au sujet des "nombreux et coûteux dérapages" résultant de la mission logistique attribuée au Territoire.
"La cour avait déjà souligné en 1996 le caractère surdimensionné du Marion-Dufresne-II (M-D-II; 1) au regard des besoins des TAAF. Le surcoût de fonctionnement occasionné par le recours à ce navire dont la capacité était supérieur de 35 % au précédent, évalué alors à 1,8 M€, a été financé à hauteur de 0,6 M€ par l’IFRTP (2) 1,2 M€ par le Territoire, sans que la subvention versée par le secrétariat d’État à l’outre-mer n’ait été accrue".
Après l’affrètement satisfaisant d’un plus petit navire réellement adapté aux besoins logistiques, le M-D-II étant "réservé" à la seule rotation "lourde" d’été, une nouvelle convention est signée en avril 2003 prévoyant une telle substitution. Mais le M-D-II poursuit cependant ses missions logistiques pour lesquelles il est surdimensionné.
Pour tenter de contourner le double problème de la sous-utilisation scientifique et du surdimensionnement, le Territoire et l’Institut ont mené divers types d’opérations qui visaient à utiliser au mieux les capacités du navire, note la Cour.
"Mais, en raison tant de la complexité du système d’affrètement que des relations difficiles entre les deux organismes, ces opérations ont souvent abouti à des conflits et à des dérapages qui se sont avérés coûteux pour le Territoire".
Exemple? La croisière supposée à visée commerciale du Millénaire du 24 janvier 1999 au 10 "janvier" (sic) 2000 (3): 38 passagers au total dont 4 seulement payants… les autres, proches du Territoire, sont invités "pour la grande majorité".
La Cour recommande donc de mener "une réflexion sur les différentes hypothèses envisageables à l’issue de la période d’activité du M-D-II. La solution à retenir doit permettre d’éviter la complexité des circuits financiers actuels qui a été la source de nombreux conflits, et surtout doit être mieux adaptée aux besoins réels du Territoire et de la recherche scientifique et donc plus soucieux d’économie".
Le RIF est TAAFicide
"Les recettes provenant des immatriculations sous "pavillon Kerguelen" écrit sans nuance la Cour des Comptes, "sont (…) loin d’être négligeables, avec des montants qui oscillent autour de 0,8 ME ces dernières années". Avec l’arrivée du RIF et donc la fin programmée du registre des TAAF, seuls les navires de plaisance et de pêche pourront conserver une immatriculation locale. "La perte de recettes pour le Territoire représente un peu plus de 3 % des recettes inscrites à son budget en 2005". La Cour recommande donc que soit menée une réflexion sur l’évolution prévisible de ses diverses ressources de fonctionnement afin d’éviter que la politique d’investissement du Territoire ne le conduise à une situation financière "dangereusement dégradée".
DU 17È À LA RÉUNION: FORTES MAJORATIONS DES SALAIRES
La Cour rappelle que selon une note du ministère de l’Outre-mer d’avril 1997, les principaux objectifs de la "délocalisation" de l’administration des TAAF à la Réunion ne visaient aucunement la diminution des coûts de fonctionnement. Et c’est mieux ainsi car le surcoût de fonctionnement est de 7 500 000€E. En effet, les fonctionnaires civils "délocalisés" à la Réunion ont vu leurs rémunérations augmenter de 53 % et les personnels militaires, de 35 %. Disposer d’une ZEE de 1,73 millions de km2 soit près de 5 fois la ZEE de métropole et un espace maritime plus grand que la moitié de la Méditerranée, a un coût certain.
Le prochain rapport "iodé" de la Cour devrait être rendu cette année et concerner la gestion de certains ports autonomes. Il ne sera pas public, prévient le service de communication de la Cour; contrairement à celui de 1999, ajouterait-on.
Le rappel sur la page d’accueil du site internet de la Cour des comptes de l’article 15 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen est-il bien pertinent (4)?
1) petit paquebot pouvant accueillir 110 passagers et capable de charger 4 000 t de marchandises sèches et liquides. C’est également un navire océanographique très sophistiqué. Livré en 1995, il est techniquement géré par CMA CGM, héritage CGM.
2) Institut français pour la recherche et la technologie polaires, devenu en 2002, l’Institut Paul Émile Victor.
3) La critique est aisée mais la relecture est un art difficile…
4) "La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration".