Les ports turcs à l’aube de l’occidentalisation

Article réservé aux abonnés

La géographie pèse aussi de tout son poids dans la recherche des raisons qui expliquent la diversité des rapports avec les mers. Un pied en Europe et le reste en Asie: est-ce là toute l’explication? Les points de contacts entre les deux parties du territoire qui permettent l’unité nationale (ou la coupure?) sont les détroits. Les rapports internationaux y ajoutent leurs problèmes qui ne sont pas tous résolus. Ce sont ceux issus d’une position de transitions politique, économique et maritime entre trois cultures: méditerranéenne, russo-slave et turco-islamique. Cela conduit à la multiplication des divergences et des intérêts et à des questions mal résolues. Elles constituent la matière de la vie quotidienne sur les rivages de ce pays, aux effets tantôt incitatifs, tantôt contraignants et qui pèsent sur les ports et les mers bordières.

La vie maritime est marquée d’une complexité qu’on ne retrouve guère ailleurs. Elle anime des ports diversifiés, dont certains très spécialisés et à fonctions internationales. Elle est dépendante d’activités de transit, dont les rythmes échappent à l’État. Elle a assumé des fonctions de relais pétroliers favorables sans doute, mais dépendantes. Tous ces cas relèvent de choix difficiles qui entraînent des répercussions lointaines. On y peut distinguer d‘abord ceux qui participent directement de l’économie nationale puis ceux sur lesquels pèsent des influences extérieures fortes, avec lesquelles il faut toujours composer.

POIDS DES PORTS DANS L’ÉCONOMIE NATIONALE

Le littoral est réparti sur trois mers principales, constituant logiquement trois façades ayant chacune ses caractères propres. Les détroits des Dardanelles et du Bosphore assurent leur réunion (voir carte ci-dessous). La nature géologique du socle d’Anatolie conduit à la multiplication des irrégularités côtières: caps, baies et archipels où la nationalité des eaux résulte d’un passé indécis. Ces côtes mesurent 8 378 km et ont été longtemps propices à la diversité des ports et à l’ancienneté des relations par mer.

Une vie portuaire active et dispersée. L’animation portuaire s’appuie souvent sur des sites millénaires, déjà des ouvertures extérieures du monde antique et témoins aujourd’hui d’une rare constance des faits maritimes.

De nombreuses raisons expliquent le développement d’échanges principalement tournés vers les pays de l’Ouest, surtout depuis la signature du traité d’union douanière avec la l’Union Européenne, qui a pris effet le 1er janvier 1996. C’est une orientation favorable aux ports. Le commerce extérieur, dont ils sont les instruments les plus actifs, s’élève à $ 65 milliards. Il correspond à celui d’une nation de rang moyen. Mais il est appuyé par une population nombreuse (60 Mh), au taux d’urbanisation élevé (69 %) et au niveau de vie croissant. Cela fait vivre 82 ports susceptibles d’avoir un minimum d’activité de pêche ou de commerce, dont 46 répertoriés pour leur capacité notable à intervenir en cabotage actif ou liaisons internationales.

Leur trafic global doit être exprimé avec précaution. Ces ports sont gérés par deux organismes différents: la Turkish Maritime Organisation, qui dépend du ministère des Transport; les Turkish State Railways, dont l’optique est aussi de valoriser la circulation ferroviaire. Une première source légale fournit des statistiques qui ne paraissent pas correspondre totalement à l’ampleur des animations littorales actuelles. Elles sont cependant officielles et donnent 41,5 Mt (en 2003) pour les sept premiers ports. Mais, les chiffres retenus ci-dessous sont plus conformes à une activité réelle. L’expression globale des mouvements de marchandises est de 132 Mt. en 2001, en concordance avec l’analyse de détail des divers équipements portuaires.

Quelques villes maritimes ont une force commerciale réelle.

Izmir (l’antique Smyrne) et ses diverses installations occupent la première place avec 34 621 000 t. C’est la deuxième ville de Turquie avec 3,2 millions d’habitants et le principal centre économique, hors des deux capitales. Son arrière-pays est actif par son agriculture d’exportation et son activité manufacturière différenciée. C’est l’une des rares agglomérations à disposer d’un véritable réseau local autoroutier. Le site est celui d’une baie protégée sur la mer Égée et au fond de laquelle se trouvent les installations aux fonctions multiséculaires. Le chenal d’entrée exige quelques précautions de navigation à cause d’enrochements près des Pelican Banks. Mais la rade externe reste sûre, fermée au sud par l’île grecque de Chio. Ce secteur est très fourni en archipels (les Sporades). Cela n‘a pas trop gêné la fréquentation. C’est aussi un port polyfonctionnel dans une agglomération industrielle et qui justifie plus de la moitié des trafics constitués de vracs secs en entrées et d’une forte part de marchandises diverses en sorties. Ainsi, s’explique la présence de cinq portiques à conteneurs. Pourtant, il s’y fait encore une part de transbordements sur allèges. En valeur ajoutée, c’est le premier port de Turquie.

À 45 km au nord, se trouve le port pétrolier d’Aliaga avec un trafic de 21,3 Mt. Une nouvelle jetée permet une réception récente de navires-citernes jusqu’à 300 000 tpl. Mais les équipements de pompage restent un peu limités, quoiqu’on affirme qu’ils atteignent 1 600 t/h. Les réceptions comportent aussi une partie de vracs secs pour les usines locales. Le complexe portuaire est donc séparé en deux éléments voisins et diversifiés par leurs fonctions. Il est desservi par un bon aérodrome.

Plus original est le complexe d’Istanbul, qui a représenté 17,5 Mt en 2003. C’est un port d’éclatement à fonctions multiples. Le site est complexe (voir carte page 32). Il se trouve à l’entrée et au bord nord du Bosphore, à l’endroit où la petite vallée de la Corne d’Or vient échancrer le rivage du détroit. Le chenal de navigation est resserré, non sans dangers, à 1,5 km au droit de la ville et encaissé de 150 à 200 m dans les versants tout du long. Là, les navires circulent sans interruption dans ces eaux, où sont engloutis un passé millénaire et l’ombre de mille conquérants aux exploits oubliés.

Du point de vue du commerce maritime, l’ensemble est divisé selon les fonctions. Les équipements primitifs et séculaires se trouvent sur la rive nord à la confluence de la Corne d’Or. Ils demeurent encore fréquentés avec les Quais de Galata et de Karakoy et aussi au-delà du Galata Bridge par une partie du trafic de marchandises diverses et les voyageurs, y compris ceux des multiples navettes de liaison avec le versant sud. Le grand Eurasian Bridge, qui dessert l’agglomération, ne peut répondre à tous les besoins de la circulation entre les deux rives. Ces quais ne peuvent suffire. Ils supportent en effet tout le poids de l’énorme pression urbaine de quelque 13 millions d’habitants. Leur usage n’est pas sans inconvénients: le chenal est affecté de courants (voir ci-dessous). Cela explique le prestige accordé il y a plus de deux millénaires aux Argonautes aventureux. Il y a cependant eu des transbordements sur corps morts jusqu’à la fin du XIXè siècle qui ont progressivement disparu quand la fonction portuaire majeure s’est fixée sur la rive sud. Celle-ci a été colonisée, surtout à partir de 1892 quand s’est développé Haydarpasa, grâce à la protection de deux petites digues sur des fonds de 12 m et où s’ouvre la petite baie locale d’Izmit. Là se trouve le véritable port, avec un bon équipement de manutentions pour les trafics divers: deux postes roll on/roll off, des portiques à conteneurs et de silos pour quelques vracs, à savoir produits énergétiques, grains, agroalimentaire en importation. Il s’agit de répondre aux besoins d’une agglomération capitale. Aussi, les trafics débordent vers cette petite baie d’Izmit, dont les berges sont bordées par les quais secondaires de Tuzla, Gebze, Dernice et Gemlik qui, sur près de 60 km, constituent l’environnement de commerce et d’industries maritimes de Haydarpasa et amplifient son trafic de marchandises jusqu’au niveau ci-dessus indiqué.

Le complexe de Méditerranée orientale constitue le troisième groupement important d’organismes littoraux, qui assurera le transit pétrolier pour les pays de la Caspienne à partir de 2006 (voir la 2è partie). Mais, il est déjà actif et le fut plus dans le proche passé. Pendant la guerre du Liban, ce fut une zone de trafic occulte d’armes et de marchandises annexes, venues des pays du Comecon pour ravitailler les belligérants. Les camions arrivaient d’Europe de l’Est par mer et reprenaient la route jusqu’aux abords de l’Irak. Il n’y avait en effet pas d’autres points de débarquement sûrs le long de la côte du Moyen-Orient, et la discrétion était suffisante. Puis ce furent les ports de sortie du pétrole de Mossoul jusqu’aux guerres du Golfe. Actuellement, quelques aspects sont à évoquer pour un ensemble dont la vocation majeure demeure celle du transit d’exportation.

Mersin a sa propre personnalité. Il est l’héritier de l’ancien port regmon de Tarse, celui de l’antique capitale de la Cilicie. Il a une animation diversifiée et dispose de 25 postes à quai et de bonnes installations roulières et de conteneurisation. Sa zone franche y attire des trafics de marchandises diverses. Son poste d’embarquement de gaz reçoit des méthaniers et transporteurs de gaz de pétrole. Né à l’époque de la Bible, il bénéficie de la proximité de la grande ville industrielle d’Adana (Ceyhan) de1,7 million d’habitants. Mersin a aujourd’hui un trafic de 16 Mt, pendant plusieurs années plafonné à 14 Mt.

Iskenderun et sa baie constituent l’autre élément important de ce secteur. Ensemble montagneux qui prolonge le Taurus vers l’est, il est coupé par la Porte de Syrie, ouverture vers l’Orient des plaines mésopotamiennes et lieu de passage des caravanes antiques. Sa situation stratégique de l’Antiquité, retrouvée voici peu de décennies puis perdue avec les conflits du Moyen-Orient, peut encore être reprise une fois la paix revenue. Cette baie, entourée de hautes collines, est large d’une vingtaine de km et profonde d’autant. Le port est placé à la sortie sud-est, protégé par des digues isolant trois petites darses de 10 m de tirant d’eau. Cela offre quelques bonnes possibilités de trafic tout près de la Syrie du Nord. Son trafic aujourd’hui n’est plus que de quelque 3 Mt. La proximité de l’aciérie d’Isdemir explique l’entrée de quelques vracs secs et la sortie de fer et de cuivre avec, en plus, quelques milliers de conteneurs. L’essentiel est la présence des installations pétrolières de Ceyhan, Dortyol (ancien port et ruines d’Issus) et d’Yumurtalik dans le fond et sur les bords Nord de la baie. Certains de ces équipements littoraux reçoivent déjà des ULCC. Ce sont des ports qui disposent d’un puissant potentiel de transit du pétrole.

Comme on le verra ci-dessous, il y aurait bien d’autres sites à signaler parmi ces villes portuaires de Turquie. En fait, la vie maritime s’y regroupe en trois secteurs à cause des impératifs de la géographie; Il y a d’abord le complexe des détroits où, depuis l’entrée des Dardanelles à Canakkale (point d’appui des pilotes, jusqu’à la mer Noire), vingt et un ports sont en mesure d’avoir un minimum d’activités commerciale. Il y a ensuite la forte ponctuation autour d’Izmir sur la mer Égée, puis l’ensemble précédent de la Méditerranée orientale. Le rivage turc de la mer Noire n’a ni le poids, ni les perspectives d’avenir de ces trois secteurs. Mais cette mer fermée est parfois considérée commercialement comme un "finismer". Des ports y sont vivaces et seront évoqués sous d’autres angles ci-après, surtout sous celui de la stratégie maritime.

LES ACTIVITÉS D’ARMEMENT

La flotte nationale totalise 6,5 Mtjb, soit une capacité de 11 Mtpl mais les Lloyd’s lui attribuent 24 ans d’âge moyen. En outre, 450 000 tjb sont placés sous des pavillons étrangers. Il s’agit essentiellement de navires conçus et utilisés pour le cabotage, sauf les dix pétroliers de 60 000 tpl en moyenne destinés au transport du naphte. D’autres assurent la redistribution des produits raffinés.

Le reste de cette flotte est de taille adaptée aux mers périphériques, sauf l’exception ci-dessous. Les vraquiers représentent près de la moitié de la capacité de transports.

Cette marine, visiblement vieillie, a donné cependant des preuves d’innovation. On compte six armements ayant acquis une notoriété réelle, dont certains solidement structurés. Ainsi Turkon Lines, qui appartient au groupe Kasif Kalkawan, est le seul à assurer des liaisons régulières transatlantiques. Les autres sont orientés naturellement vers la Méditerranée, à cause des dispositions géographiques et de l’organisation du commerce extérieur. Depuis 1996, East Mediterranean Express Services (EMES), garantit neuf départs réguliers depuis les ports turcs. Les récents conflits des Balkans ont interdit longtemps les liaisons routières vers l’Autriche et l’Europe centrale, où il y a une solide clientèle pour les produits agricoles à l’export. Ils ont conduits à renforcer les lignes de l’Adriatique, sous pavillons italien (Grimaldi) et turc. La compagnie U.N. y a créé une véritable autoroute maritime de services réguliers entre Hyderpasa et Cesme d’une part, et Trieste d’autre part. Elle est organisée, par les groupements d’agriculteurs et sans l’aide de l’État, pour les camions transportant leurs produits vers Vienne et au-delà. En outre, la Turkish Maritime Pilots’Association, qui assure la sécurité de conduite dans les détroits, possède sa flotte, gère son site sur Internet pour tous contacts de navigation et supplée à certaines insuffisances de services publics, dont la publication des statistiques de trafics.

Grâce à ces compagnies, la Turquie bénéficie donc d’une bonne desserte de lignes régulières avec l’Europe communautaire. En 2006, pour les seuls ports français, on compte onze départs hebdomadaires ou bimensuels, pour des destinations prolongées souvent jusqu’en mer Noire. C’est le cas des deux services Bosphore Express 1 et 2 de CMA CGM. Les relations sont nombreuses avec la grande rangée portuaire de l‘Europe du Nord-Ouest.

D’autre part, la conteneurisation se développe activement. À Istanbul, la société Marport a créé trois terminaux à partir de 1996: ceux dits East et Main Terminals de 300 000 EVP; le West Terminal, en cours d’extension, portera à 1,3 MEVP la capacité globale pour desservir la grande ville. Signe supplémentaire de développement, D P World (Dubai), dernier arrivant des géants mondiaux de la manutention des conteneurs, a décidé de créer son propre centre d’éclatement à Yarimca, à l’ouest d’Ismit sur la mer de Marmara.

Ce sont des preuves de l’ouverture de la Turquie sur des horizons plus lointains que ses propres rivages et qui aident à expliquer le trafic global de 132 Mt.

COUPURE TERRITORIALE: RÔLE PESANT DES DÉTROITS

Les détroits constituent une rupture, une discontinuité territoriale d’origine tectonique. C’est une coupure sous différents aspects:

• dans le territoire et l’économie turque, il y a seize ports sur la rive sud, dont certains importants;

• quelques autres ports au nord, sans grande puissance;

• elle sépare le monde russo-slave des mers libres, origine de nombreux problèmes.

Sur le plan physique, c’est une dépression noyée lors de la dernière transgression marine, marquée par deux passages étroits: les Dardanelles (l’ancien Hellespont de 37 km de long) et le Bosphore (17 km). Ils sont unis par la petite Mer de Marmara (110 km). Ces passages prennent souvent l’allure de défilés, car leur largeur varie le plus souvent de 1 000 à 2 500 m. Des courants les parcourent, portant à l’ouest en surface, car la mer Noire a un niveau supérieur de 20 cm à celui de la Méditerranée. Ces courants peuvent être augmentés par vent de secteur sud. Ils deviennent alors le flux d’Ordoz qui peut atteindre 7 à 8 nœuds, et être une gêne pour les navires lèges. Un contre-courant en profondeur existe, car l’eau de la mer Noire, moins salée et donc moins dense, recule devant l’eau de la Méditerranée. L’ensemble peut conduire à imposer quelques restrictions ou précautions pour la conduite des navires. Le chenal est assez profond de façon générale, mais est assez sinueux. Les pilotes disent qu’il provoque 14 changements de cap, dont un ou deux presque à angle droit. La navigation est donc toujours délicate dans ce couloir très fréquenté. Elle se fait selon deux rails séparés, que certains petits caboteurs ne les respecteraient pas: celui du sud vers la mer Noire et celui du nord en sens inverse. Ces rails sont recoupés par de multiples itinéraires transversaux.

Cependant, des règles sévères sont périodiquement réactualisées, car les navires et les besoins de navigation changent. Révisées pour la dernière fois en 1998, elles précisent notamment que:

• les navires doivent transmettre 24 heures à l’avance leur plan de passage et les grands pétroliers trois jours avant;

• le parcours doit être fait de jour en cas de cargaisons dangereuses; deux navires en transportant ne doivent pas être en même temps dans le chenal;

• la vitesse est limitée à 10 nœuds et un intervalle de 8 encablures doit séparer deux navires;

• le pilotage n’est pas obligatoire mais fortement recommandé;

• des équipements de remorquage et de sécurité sont prépositionnés dans les ports, nombreux sur les rives et qui participent à la circulation.

Les accidents sont nombreux et leurs conséquences sont aggravées par la densité de fréquentation et l’accroissement des tonnages. Les conditions naturelles et la très forte pression urbaine autour d’Istanbul augmentent les risques. Dans les années 1990, il y eut parfois 15 à 18 collisions, échouages, incendies, etc. par an. Ces règles de sécurité sont donc révisées périodiquement. Pour ces raisons, des consultations internationales ont eu lieu entre juin 2003 et juin 2005 en concertation avec l’OMI et l’Union Européenne, pour établir une organisation renforcée sous la forme du Turkish Straits Vessels Traffic Service. Il a été alors décidé de mettre en place treize contrôleurs gestionnaires de surveillance et d’intervention de la circulation. Huit se trouvent dans le Bosphore, en particulier autour de Kandilli, secteur le plus délicat.

Les recommandations sont doublées d’un statut juridique connu, dont seuls les aspects généraux sont rappelés ici. Ce statut, qui n’est qu’un point d’aboutissement, s’explique par l’ampleur des exigences internationales de circulation et les intérêts stratégiques en présence. Déjà en 1774, la Russie avait fait reconnaître son droit de libre passage pour ses navires marchands. Ce fut la première affirmation d’internationalisation de ces détroits. Le texte de base actuel reste la convention de Montreux du 20 juillet 1936 signée par onze États, les États-Unis l’ayant ratifiée à part. Ces détroits sont confiés à la Turquie.

L’article 2 précise une totale liberté et gratuité de circulation en temps de paix pour les navires de commerce. En cas de conflit et si la Turquie est belligérante, cette liberté est suspendue pour ceux de ses adversaires. À l’origine, la fréquentation est libre pour les navires de guerre, sous le régime du passage inoffensif pour les pays riverains de la mer Noire. Pour les non-riverains, une limitation à 40 000 t a été introduite et, en cas de guerre, le passage reste libre pour les navires des non-belligérants ou ceux des belligérants regagnant leur base. Ces stipulations ont été plusieurs fois amendées, notamment par la SDN puis pendant la guerre froide en ce qui concerne les porte-avions ou porte-aéronefs. Mais cela n’a guère empêché l’URSS d’entretenir sa puissante "Sovmedron" en Méditerranée. La convention de Montego Bay (1982) a introduit les notions de passage inoffensif sans entrave (art. 19) et de droit de passage continu.

Il reste que la flotte militaire des États-Unis a obtenu un droit d’ancrage dans le Bosphore même et en d’autres endroits, dans le cadre des accords avec l’OTAN.

CONSÉQUENCES MARITIMES DES DÉTROITS

La circulation des navires est très développée dans les détroits (voir tableau ci-joint). C’est inévitable, puisque les détroits unissent deux mers dont les pays riverains sont des puissances maritimes. Les besoins propres des ports turcs situés sur ce passage en augmentent l’animation. Cela explique les contraintes imposées aux navires et les équipements de contrôle et d’aide mis en place, dont le coût et l’organisation incombent à la Turquie. Cette circulation croissante fait peser un risque de saturation avec ses conséquences matérielles et financières. Les statistiques montrent:

• un sensible accroissement de la fréquentation à partir de 1996, correspondant à l’établissement de l’Union douanière avec l’Union Européenne; mais ce ne peut être là qu’une explication partielle: les exportations russes de naphte ont peut-être plus d’effet;

• un transit direct de mer à mer très important; il représente en 2003, 68 % de la fréquentation totale et s’accroît au même rythme que l’ensemble.

Une influence saisonnière s’ajoute à cette fréquentation. Elle est plus marquée d’avril à novembre et les mois d’hiver marquent, en 2002 par exemple, un déficit de 20 %.

C’est donc ainsi qu’apparaît la spécificité de l’économie maritime turque. Elle bénéficie de la multiplicité d’ouvertures par ses ports, où se trouvent quelques organismes de taille internationale qui permettent une pleine participation à la vie de trois mers. Mesurée à l’échelle internationale, l‘animation est estimable. À l’échelle des grandes régions méditerranéennes et du Proche-Orient, le rôle joué par la Turquie est très important, par la gestion sage et nécessaire des détroits. L’ensemble constitue un cas original dont le pays tire des avantages et des charges. Cependant, il n’a encore été donné ci-dessus qu’une vision partielle. Les rapports de la Turquie avec la mer comportent d’autres aspects stratégiques qu’on ne peut ignorer parce qu’ils marquent ses rivages de façon pesante et permanente. (voir 2è partie). Ils constituent un autre aspect de l’importance de cette économie maritime originale. (à suivre)

Dossier

Archives

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15