Le 3 mars prochain, la CCI de Calais va inaugurer le poste 9. Celui-ci a nécessité un investissement de 45 M€ dans un programme qui, sur deux ans, n’en compte pas moins de 110 millions. Colossal. Les autres grands points du programme étaient, entre autre,:
• la mise aux normes selon le code ISPS et l’accord du Touquet;
• l’accueil des poids lourds entièrement revu en fonction de l’accroissement des flux et des impératifs de sécurité;
• la réhabilitation de la passerelle NGV2 délaissée par Hoverspeed mais propre à accueillir une activité automobiles neuves;
• la réhabilitation de grues au port de commerce, etc.
Pour l’inauguration du poste 9, le président de la CCI Jean-Marc Puissesseau dira sans doute quelques mots de Calais port 2015, le schéma de développement du port, essentiellement tourné vers le ro-ro.
Rappelons qu’il souhaite que ce projet soit adopté avant la fin du premier semestre (JMM 20-01-2006, p. 22).
2005, l'année de tous les dangers
Il n’empêche qu’en 2005, tous les dangers ou presque se sont réalisés. Le trafic de passagers a chuté de 11,79 % à 11 695 472 millions. Le nombre de véhicules transbordés a reculé parallèlement de 11,27 % pour 2 180 916 millions d’unités. Seul le trafic de poids lourds a légèrement progressé (+ 1,56 %) pour atteindre 1,651 737 million. Alors que la grande industrie bat de l’aile, mettant en balance l’activité de vrac du port de commerce, la vache à lait transmanche a donc de nouveau beaucoup souffert dans son volet passagers.
Mais en y regardant de plus près, on peut se dire que cela aurait pu être pire.
En octobre 2004, une rupture de câble, qui n’a pas causé d’accident, avait obligé à stopper l’activité du poste 6. Le 8 février 2005, la passerelle inférieure du poste 7 chutait à la suite d’une autre rupture de câble, entraînant cette fois deux camions dans sa chute, et faisant deux blessés relativement légers, fort heureusement. Les postes 1 et 2 n’existent plus, les 3 et 4 sont réservés aux ferries de l’ancienne génération (avant les jumbos), donc aux petites unités de SeaFrance (les Manet et Renoir). Ne restaient donc plus que les postes 5 et 8 pour accueillir l’armada des gros porteurs. Le poste 5 est très exposé au vent et redouté des capitaines. Comme un malheur ne vient jamais seul, la tempête ne s’est que très rarement apaisée pendant deux mois… Bien souvent la flotte n’a eu qu’un poste à disposition.
Les clients, touristes comme routier, ont du prendre leur mal en patience, avec des incertitudes complètes sur les horaires et des files d’attente interminables. Dans le même temps, la proposition d’armement à six navires à effectif constant de SeaFrance a provoquée des heurts entre officiers et marins entraînant grèves ou blocage du port.
Cette période très critique a duré cinq semaines, jusqu’au retour d’un temps plus clément. Puis, du point de vu des infrastructures, le port transmanche est revenu à une marche normale. Le poste 6 était de nouveau en service en juin et le poste 7 a repris son activité à la rentrée. Au cours du dernier trimestre, le trafic était vraiment revenu à la normale, pour ne pas dire sur une très bonne pente.
Enquête et contentieux
L’affaire laissera des traces. En effet, jusqu’à ce mois de janvier, des arrêts temporaires des postes 5 et 8 se sont succédé pour des remplacements de câbles et visites de sécurité successives. L’État, discret, a tout de même missionné une inspection de la sécurité des ouvrages de manutention, non seulement à Calais, mais sur tout l’ensemble des ports français. Si la CCI n’a jamais été remise en question par l’autorité concédante, pour des raisons évidentes en pleine démarche de décentralisation, elle s’est elle-même remise en question. Elle a revu ses procédures, remis à plat sa politique de maintenance préventive, appliqué une luxueuse action de précaution sur tous ses ouvrages. Comme on dit, rien ne sera plus jamais comme avant. P & O Ferries et SeaFrance ont attaqué logiquement la CCI devant le TGI de Boulogne. Chacun espère que l’affaire se terminera par un compromis.
Quant au fond du marché, les acteurs se heurtent à plusieurs lames de fond successives (lire page 19 et suivantes). Ils y font face de manière différente. SeaFrance veut occuper le terrain avec six navires, P & O Ferries réduit sa flotte et ses salariés se posent des questions sur leur avenir, alors que le groupe est en vente, Hoverspeed a jeté l’éponge. Manifestement, on se trouve à la veille d’une nouvelle donne. Calais Port 2015 représentera la vision de la CCI de ce futur. La vision de la CCI, des élus et des professionnels qu’elle a consultés tous ces derniers mois, tandis que le silence de l’État, jusqu’à présent autorité concédante, hurle toujours à pleine voix. Après tout, Calais, premier port continental de voyageurs, n’a manutentionné que 38 Mt en 2005.