Après le rejet de la directive portuaire par le Parlement européen: soulagement, satisfaction, mais…

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Le patronat européen de l’Unice n’a pas encore commenté le vote du Parlement européen qui, par l’écrasante majorité de 532 voix contre 120, a rejeté le projet de directive portuaire présenté par la Commission, le 18 janvier. En revanche, il était pratiquement le seul, par la voix de Philippe de Buck, son secrétaire général, à souhaiter que les parlementaires approuvent, même amendée, la proposition de la Commission. Selon l’Unice, cette directive était l’occasion d’améliorer l’efficacité des services portuaires et d’obtenir une meilleure gestion des ports, deux facteurs nécessaires à la compétitivité et faire face aux besoins croissants de l’Europe en matière de transport.

Appréhendant le coût social qu’impliqueraient ces mesures, les dockers étaient entrés en conflit ouvert avec cette directive et ne pouvaient que se réjouir de ce "rejet massif".

"BRAVO LES DOCKERS!"

Francis Wurtz, président du groupe de la gauche unie du Parlement, les félicitait: "Unis et déterminés, ajoutait-il, nous pouvons faire échec à l’Europe libérale!" Et de leur demander de se mobiliser, le mois prochain, lorsque le Parlement européen aura à voter sur la fameuse "directive Bolkestein" et dont la directive portuaire n’était qu’un avatar.

L’ITF, qui regroupe les fédérations internationales des travailleurs du transport, remerciait également tous ceux qui les avaient soutenu dans cette lutte. "Mais nous devons demeurer très vigilants", indiquait Franck Leys, le secrétaire général de la Fédération des dockers.

Pourtant, ils ne sont pas les seuls à pouvoir revendiquer cette victoire et à avoir influé de manière décisive sur le vote des députés européens. Les critiques s’étaient exercées au plus haut niveau et la directive se présentait précédée d’un assortiment de casseroles…

DEUX COMMISSIONS OPPOSÉES

Deux commissions parlementaires avaient en effet donné préalablement un avis défavorable. La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs préconisait un retrait du texte car, selon elle, "l’objectif de Bruxelles ne pouvait être atteint avec la présente directive". Quant à la commission de l’emploi et des affaires sociales elle recommandait également un rejet de la proposition sous prétexte que Bruxelles "sapait les règles nationales et introduisait une plus grande insécurité juridique sans améliorer pour autant les conditions de concurrence entre ports". Elle estimait, par ailleurs, que la Commission n’expliquait pas suffisamment qu’il y avait un accès insuffisant au marché des services portuaires.

D’autre part, avant le vote, Jacques Barrot, commissaire européen chargé des transports qui était pourtant resté très en retrait sur ce dossier, n’avait-il pas déclaré: "Si j’avais estimé que les risques encourus étaient aussi graves, je n’aurais pas, en mon âme et conscience, présenté cette proposition". Il devait déplorer, par ailleurs que le Parlement ait eu à se prononcer sur le texte initial et non sur la proposition amendée du rapporteur, ce qui constituait à ses yeux un paradoxe.

PAS DE SURPRISE POUR L’UNIM

Pour l’Unim, le résultat du vote du Parlement ne fut donc pas une surprise. "En dernière analyse, les parlementaires libéraux qui avaient soutenu le projet étaient de plus en plus divisés quant à l’intérêt de poursuivre la politique portuaire commune dans le sens initié depuis février 2001."

"Nous ne considérons pas cela comme un victoire", déclarait pour sa part Guiliano Gallanti, président de l’Espo, l’association des ports européens. "Nous n’avons jamais été opposés à la création d’un outil de régulation pour les services portuaires. Mais, depuis le vote qu’avait exprimé le commission transport du Parlement, en novembre dernier, il était devenu clair qu’il n’existait plus de base politique stable pour ce texte et le risque de le voir aboutir à quelque chose d’incohérent et de contre productif était important."

POUR L’ESPO: NE PAS RESTER SUR CET ÉCHEC

"Le fait que cette directive tant controversée ne soit plus à l’ordre du jour nous fournit l’occasion de repartir sur de nouvelles bases. Car ce n’est pas parce que la directive a été a nouveau repoussée que rien ne doit être fait au niveau européen. Nous pouvons rechercher des solutions alternatives telles que la mise en place d’un guide de bonnes pratiques."

Armateurs de France, qui avait proposé que le projet de directive soit amendé "de sorte que les questions de pluralité d’opérateurs et de congestion portuaire soient mieux prises en compte", souhaitait également que le texte s’applique à l’ensemble des ports. "Tout cela, de façon à créer des conditions favorables à l’investissement dans les ports."

IDEM POUR ARMATEURS DE FRANCE

Paraissant surpris que ce soit la version initiale qui ait été présentée au vote,

Armateurs de France prend acte de ce rejet, mais regrette l’échec du texte à un stade aussi précoce de la procédure. "Nous encourageons vivement une reprise rapide des débats sur des bases moins passionnées. Il serait dommage que cet échec signifie la fin de la réflexion sur la politique portuaire de l’Union. Rappelons que 90 % de commerce extérieur de l’Union européenne et 43 % du commerce intracommunautaire se font par la voie maritime. Il est par conséquent indispensable que les ports soient le plus efficaces et compétitifs possibles."

Le Livre Vert que le commissaire Barroso a mis en chantier pour définir la politique maritime européenne dans sa globalité pourrait être un cadre propice à la reprise des discussions, estiment les armateurs français.Mais "il serait sans doute opportun de traiter séparément les différents sujets afin de différencier, entre autres, concurrence inter-portuaire et concurrence intra-portuaire. À l’instar du commissaire Barrot, nous souhaitons que l’objectif de permettre aux ports européens de répondre à l’augmentation du trafic et au risque de saturation ne soit pas perdu de vue."

QUID DANS L’AVENIR?

Le Parlement européen ne disait pas autre chose quand, après avoir rejeté la proposition de la Commission, il lui notifiait "d’organiser une consultation sérieuse avec tous les intéressés" et spécifiait "que la directive se concentre essentiellement sur la concurrence entre les ports plutôt qu’à l’intérieur des ports".

Et alors que d’aucuns, au lendemain de ce vote-sanction, pensaient que la directive serait définitivement jetée aux orties, le Parlement n’exclue pas ainsi qu’elle puisse rester dans le circuit législatif. Immédiatement après la séance plénière, Jacques Barrot a déclaré son intention de réunir le collège des commissaires "afin de tirer les conséquences de ce vote et de poursuivre le travail avec tous les acteurs concernés". L’article 52 du règlement prévoit un éventuel renvoi du texte devant la commission parlementaire. Selon la procédure, il devrait y être réexaminé pour être à nouveau présenté en séance plénière dans un délai de deux mois. Mais il faudrait pour cela que la Commission maintienne sa proposition. Si, à l’inverse, la Commission décide de retirer le texte, le Parlement devra confirmer son rejet par le vote d’une résolution.

On devrait donc savoir avant deux mois si la proposition de directive léguée par Loyola de Palacio est définitivement enterrée. Ou pas…

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