La Commission européenne vient de ramasser les copies et, à l’invitation de Jacques Barrot venu présider son assemblée générale le 8 décembre dernier, le Conseil national des transports (CNT) lui apporte le fruit de ses réflexions.
Pour cadrer le débat, la Commission avait adressé aux États membres un questionnaire commun portant sur une dizaine de points précis. A ses réponses, le CNT a ajouté un préambule dans lequel il explique quelles sont, selon lui, les raisons de l’échec partiel des orientations du Libre Blanc et ce qui impliquait sa révision. "Celle-ci était nécessaire, convient le CNT, ne serait-ce que parce que les objectifs environnementaux qu’il s’était fixés ne peuvent être tenus: en lieu et place du "découplage" espéré, on a assisté à une croissance de la part de la route, due à sa souplesse, ses progrès en productivité, face à des modes alternatifs – excepté le fluvial – trop complexes ou offrant une fiabilité insuffisante et un progrès trop limité en matière de productivité."
Principaux accusés, donc, le ferroviaire et le maritime. "La libéralisation à elle seule ne suffira pas à revitaliser le transport de fret par ces deux modes", estime le CNT, et c’est l’une des trois grandes difficultés auxquelles, selon lui, le Livre Blanc de la Commission s’est heurté.
Il reconnaît que la libéralisation participe à la production d’un niveau d’innovation et d’investissement permettant de positionner une offre alternative au transport routier compétitive pesant significativement sur la répartition modale car des exemples en Grande-Bretagne et en Allemagne le démontrent.
UN FOSSÉ À COMBLER
"Mais en France, poursuit le CNT, le fret ferroviaire utilise aujourd’hui un réseau d’infrastructures ancien, limité par des goulots d’étranglement où l’interropérabilité technique est très en deçà des besoins de circulation transfrontalière des marchandises où la priorité est généralement donnée aux voyageurs. Le fossé à combler concernant la capacité offerte, la fiabilité des services, leur fréquence et leurs prix, et donc leur productivité, est tel qu’il ne semble pas pouvoir l’être par le seul appel au marché."
L’HARMONISATION PIÉTINE
La deuxième difficulté à laquelle s’est heurté le Livre Blanc est, alors qu’elle répond à des attentes fortes, l’harmonisation routière. Aussi bien au plan social, fiscal qu’au niveau des charges sur les entreprises, le CNT souligne que l’harmonisation s’est arrêtée en chemin… "Le concept d’harmonisation ne suffit d’ailleurs pas, estime-t-il. Il conviendrait de lui substituer dans certains domaines un concept d’unification, en créant par exemple un régime fiscal particulier pour la route comme cela se met en place dans le transport maritime."
Troisième point d’achoppement: le caractère européen des États. "La notion de subsidiarité, poursuit le CNT, est nécessaire pour remplir les objectifs de l’Union mais le niveau national dans l’application de ce principe ne peut convenir pour une activité qui s’effectue dans l’espace et sans frontières." Ainsi, il regrette que l’on n’ait pas réussi à créer de véritables autorités ou agences européennes pour le contrôle, par exemple, et la sanction des entreprises routières ainsi que le tenue de leur registre, la surveillance des côtes et des frontières maritimes, la mise en œuvre des grands programmes d’investissements en infrastructures, la tarification des infrastructures routières, etc.
Ceci étant posé, le CNT approuve pleinement l’objectif de renforcer la complémentarité des modes afin de minimiser les consommations énergétiques, les goulets d’étranglement et l’impact du transport sur l’environnement.
RENFORCER LES MODES ALTERNATIFS
En conséquence le CNT considère, qu’il faut renforcer les modes alternatifs. "Ils sont à privilégier pour tout transport massifiable permettant un taux de remplissage satisfaisant des trains, péniches ou navires, notamment pour les transports sur longue distance."
Et le CNT de conclure: "Le développement des transports est fait pour les utilisateurs. Mais il passe également par l’adhésion de ceux qui produisent le transport. Ceci nécessite un renforcement de la place des partenaires sociaux dans l’élaboration des règles, de leur contrôle et des sanctions qui accompagnent le non respect des règles. Plus généralement, cela suppose la mise en place de mécanismes et de structures d’observation et d’évaluation contradictoires, de manière à s’assurer que les postulats qui sont à la base des politiques européennes conduisent aux résultats escomptés et, afin de s’assurer que l’ensemble des besoins de transport, de courte et de longue distance sont bien couverts de façon efficace et que les salariés, les travailleurs indépendants du transport et les entreprises de transport des 25 pays membres de l’Union trouvent leur place dans un marché qui risque – en particulier du fait de la pyramide des âges et des contraintes des métiers du travail mobile – de ne pas satisfaire les besoins de transport de l’Europe." Avertissement sans frais…