Rappelons brièvement que le GIE fiscal est un mécanisme qui permet de générer une économie fiscale au niveau de ceux qui y participent. Cette économie résulte des amortissements que le GIE pratique sur l’actif qu’il acquiert (navire, aéronef, rame de TGV notamment).
Cette économie fiscale, dont l’article 39 CA du CGI indique précisément comment elle doit se calculer, est reversée pour partie à l’utilisateur du bien en cause (armateur, compagnie aérienne ou de chemin de fer) sous forme de minoration soit des loyers qui sont appliqués à la location du bien en cause, soit de la valeur de rachat de celui-ci, soit en combinant l’un et l’autre de ces avantages.
C’est donc une formule assez souple et qui se retrouve dans la législation fiscale de nombreux pays, en Europe ou ailleurs (États-Unis et Japon notamment).
En France, un tel schéma de financement est subordonné à un agrément de l’administration fiscale, lequel n’est accordé que si diverses conditions sont remplies.
La loi prévoyait jusqu’à présent que les deux tiers au moins de l’avantage fiscal résultant d’un tel schéma devaient revenir à l’utilisateur de l’actif ainsi financé. Comme l’administration plafonnait l’avantage fiscal à 30 % de la valeur du bien , il en résultait que l’utilisateur pouvait réaliser une économie fiscale comprise généralement entre 18 % et 20 % de la valeur du bien, le solde restant acquis aux "financiers" membres du GIE fiscal.
LIBERTÉ DES PARTIES RETROUVÉE
Cette condition est supprimée par la loi de finances: désormais la répartition de l’avantage fiscal sera déterminée librement entre les parties prenantes. On peut le regretter car la capacité de négociation des utilisateurs du bien (armateur par exemple) pouvait être parfois inférieure à celle des "financiers". Les premiers devront donc faire jouer la concurrence entre les seconds sous l’œil sans doute attentif de la DGI puisque le principe de l’agrément demeure.
En revanche on ne sait si l’administration maintiendra le "plafonnement" de l’avantage fiscal auquel elle subordonnait l’octroi de l’agrément. Il est assez vraisemblable que sur ce point elle ne s’écartera pas de sa pratique antérieure.
SUPPRESSION DE L’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE
Cet agrément était accordé en fonction de l’intérêt économique et social du projet, notamment en matière d’emploi. D’après ce que l’on sait cette condition pour le moins assez vague, a été critiquée par la Commission européenne dans le cadre de l’enquête qu’elle a ouverte afin d’examiner la compatibilité de ce dispositif avec la réglementation communautaire relative aux aides d’État. La Commission estime que cette condition laisse en fait un pouvoir d’appréciation quasi discrétionnaire à l’administration.
Cette condition est supprimée. Désormais les conditions auxquelles sera subordonné l’octroi de l’agrément fiscal seront déterminées par décret.
Ceci pose deux questions, tant de forme que de fond.
Sur la forme, il n’est nullement certain que le pouvoir réglementaire ait le pouvoir de définir les conditions d’attribution d’un agrément, cette compétence relevant, nous semble-t-il, plutôt du législateur. Juridiquement, la solidité de ce dispositif pourrait donc s’en trouver amoindrie.
Mais il est évident que le point le plus important sera de connaître les conditions de fond qui figureront dans le décret en préparation. Celui-ci sera sans doute délicat à rédiger car il devra éviter le risque d’un trop grand laxisme comme celui d’apparaître discriminatoire notamment au plan communautaire.
Là se trouve sans doute l’une des clefs de la relance de ce dispositif.
MINORATION DE L’EFFET DE LEVIER
L’intérêt de celui-ci sera toutefois quelque peu émoussé par la troisième disposition introduite par la loi de finances qui supprime la possibilité de majorer d’un point le coefficient d’amortissement dégressif que le GIE fiscal pouvait utiliser pour calculer les amortissements pratiqués, générateurs d’économies fiscales. Ceci aura pour effet de minorer le "levier fiscal" qui résulte de ce dispositif.
Il n’est donc pas certain que celui-ci soit effectivement relancé par les dispositions que vient d’adopter le Parlement, d’autant qu’une question reste toujours pendante devant les juridictions communautaires (le TPI en l’occurrence), qui est de déterminer qui de l’utilisateur ou des financiers devra restituer l’aide accordée si celle-ci était jugée non-conforme à la réglementation des aides d’État.
C’est en grande partie parce que l’incertitude qui entoure la réponse à cette question n’est toujours pas levée que ce dispositif est actuellement bloqué et, tant que ce point n’aura pas été tranché, il est vraisemblable que les aménagements que le législateur national pourra apporter au CGI n’auront guère d’effets significatifs.
Preuve qu’en ce domaine, comme dans bien d’autres, le véritable pouvoir de décision ne se trouve plus réellement à Paris mais à Bruxelles ou à Luxembourg.
UN DISPOSITIF QUI AURAIT FAIT SON TEMPS?
À plus long terme on observera d’ailleurs que la tendance générale des autorités fiscales (1) est de restreindre la portée de tels dispositifs en raison de leur coût pour les finances publiques, ainsi qu’en témoigne la disparition programmée du régime allemand des "KG" qui avait significativement contribué au financement de navires au cours de ces dernières années.
Alors le GIE fiscal est-il condamné? On se gardera bien de tout pronostic en la matière mais il est vraisemblable que ses années glorieuses sont maintenant derrière nous.
1) Les Echos du 20-12-2005 consacraient deux pleines pages sur le thème "Équipements: le leasing fiscal en sursis". De nombreux pays remettent en cause ce dispositif, écrivait le quotidien.
Un tableau des opérations "significatives" de leasing fiscal français montre qu’outre le financement d’installations dans les DOM TOM, mêmes les chemins de fer fédéraux suisses viennent "gratter" 5 % sur l’achat de matériel roulant en utilisant le leasing fiscal français intégré.
N.D.L.R.