À l’image de la société aéroportuaire, le Parlement vient d’adopter dans le cadre de la loi sur la sécurité et le développement des transports le principe de la création d’une société portuaire. Celle-ci doit intervenir dans les trois ans à compter de la date de publication de la loi.
L’idée est intéressante mais elle implique une somme de dérogations au Code général des collectivités territoriales, à la loi « Sapin » relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique, au droit des concessions, etc., au point que l’on peut se demander si la sécurité juridique est toujours assurée.
Tandis que la jurisprudence française demeure attachée à la notion de service public, le Parlement soumet de plus en plus les activités des entités de droit public au régime juridique des personnes de droit privé.
LES PORTS CONCERNÉS
Seuls sont concernés par les sociétés portuaires, les ports maritimes faisant aujourd’hui encore partie des ports d’intérêt national et dont la propriété va être prochainement transférée aux collectivités territoriales ou à leurs groupements.
Ne sont donc pas concernés les ports maritimes autonomes, les ports départementaux et municipaux régis par la loi du 22 juillet 1983.
LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA SOCIÉTÉ
Dès lors que la loi déroge expressément aux dispositions interdisant aux collectivités territoriales de prendre des participations dans le capital de sociétés commerciales à but lucratif, il y a lieu de penser que la société portuaire présente un caractère commercial. En effet, si la loi prévoit que le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, dont la Chambre de commerce et d’industrie dans le ressort géographique de laquelle est situé le port, rien ne s’oppose à ce que par le biais d’augmentations de capital, la société sorte du secteur public et deviennent une société purement privée.
L’OBJET DE LA SOCIÉTÉ
La société portuaire a pour objet d’assurer la gestion de la concession d’outillage public, puisque la loi prévoit que sa création résulte de la demande du concessionnaire d’autoriser la cession ou l’apport en société de la concession à ladite société. Il fallait nécessairement déroger aux règles relatives aux procédures publiques de sélection qui impliquent un appel à candidatures en cas de changement de délégataire de service public. Il n’est pas certain que cette stratégie soit compatible avec le droit communautaire de la concurrence.
LA SITUATION DU PERSONNEL DE LA CONCESSION
La reprise de la concession d’outillage public par la société portuaire entraîne de plein droit le transfert des contrats de travail à cette société, et ce, conformément aux dispositions du Code du travail. Le législateur prévoit que les agents publics affectés à la concession transférée sont mis à la disposition de la société pour une durée de dix ans. En pratique, cette catégorie de personnel est très limitée, il s’agit essentiellement du directeur de la concession qui est salarié d’une CCI avant le transfert de la concession et le cas échéant des fonctionnaires détachés ou hors cadre. En règle générale, le personnel chargé de la gestion et de l’exploitation des outillages publics a la qualité de salarié de droit privé.
LA POURSUITE DE L’EXPLOITATION DU SERVICE PUBLIC
Même si la société portuaire dépend à terme d’un actionnariat purement privé, la poursuite de la continuité du service public inhérente à la concession sera assurée, car la loi prévoit que le nouveau contrat de concession est établi entre la collectivité territoriale propriétaire du port et la société portuaire pour une durée ne pouvant excéder quarante ans.
Si l’autorité concédante possède la qualité d’actionnaire majoritaire, elle devra faire preuve de neutralité à l’égard du fonctionnement de la concession. Elle ne pourrait pas par exemple soutenir une gestion de la société qui justifierait le rachat de la concession pour un prix modique ou la déchéance du concessionnaire. En tout état de cause, les dispositions pénales relatives à la prise illégale d’intérêt ou au délit d’initié sont susceptibles de s’appliquer à l’occasion de la gestion de la société portuaire.
La réforme qui vient d’être adoptée permet de transférer la gestion d’une concession portuaire du secteur public au secteur privé, l’innovation porte sur l’absence de l’appel à candidatures imposé depuis 1993. L’aspect fiscal ne semble pas avoir été pris en compte lors des débats parlementaires, mais il pourrait susciter ultérieurement des déceptions, car sur ce point aucune dérogation n’est envisagée!