Et maintenant, la « reconquista » portuaire

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Le 12 février, la commission spéciale retraites à l’Assemblée nationale a mis un terme à ses travaux, après 75 heures de foucades s’apparentant à un « Verdun de la politique ». 5 566 amendements y ont été examinés… mais les députés n’ont pu venir à bout des 65 articles. Il faut dire que le projet de loi ne venait pas seul. Quelque 22 000 amendements – un inédit constitutionnel depuis 2008 – avaient été déposés sur ce marqueur du quinquennat d’Emmanuel Macron qui doit accoucher d’un régime universel en lieu et place des 42 régimes actuels, dont les dits « spéciaux ». Les échanges furent à la hauteur de la réputation française, ce pays à l’intersection du culturel et du politique, où les batailles intellectuelles et passions françaises sont capables d’enfiévrer les débats nationaux. En l’occurrence, les bons mots et joues verbales y ont valsé. Les astuces procédurales et les 49.3 de dissuasion se sont affrontés. Mais c’est la version du gouvernement qui sera examinée à partir du 17 février dans l’hémicycle. Dans les ports, l’heure est au bilan. Après les rafales de grêles, voici les tourbillons de la reconquête. Côté bilan, la radiographie a été dressée. Et elle est crue : en décembre, 227 escales ont été retardées ou annulées dans les ports d’Haropa sur l’axe Seine, dont 91 escales de porte-conteneurs. Au Havre, ce sont ainsi 200 000 EVP qui ont été « perdus » et pour la plupart « déroutés sur Anvers ou Dunkerque ». Les statistiques livrées en temps réel par deux chercheurs de l’université du Havre (Devport), basées sur les données AIS de position des navires (Automated Indentification System), ne trompent pas. Quand les ports français vivaient la déroute, ses concurrents européens voyaient le nombre d’escales de porte-conteneurs grimper : + 21 % à Anvers, + 61 % à Barcelone, + 95 % à Zeebrugge et 25 % à Gênes. À Marseille, selon la communauté portuaire, ce sont plus de 100 M€ de pertes estimées en décembre consécutives aux pertes de trafics : – 21,5 % à l’import et – 25 % à l’export, – 26,5 % d’escales de porte-conteneurs, – 20 % sur les vracs liquides. Dunkerque s’en sort mieux et a plutôt récupéré des navires en rade, la CGT n’étant présente que chez les éclusiers, les haleurs et chez le remorqueur Boluda. Bordeaux a également souffert, notamment sa filière vin qui n’en avait pas besoin. Xi Jinping et Donald Trump s’en sont chargés ces derniers mois, à coups de droits de douane punitifs.

Dans les grands ports céréaliers français, que sont La Rochelle et Rouen, l’on se réjouissait des programmes d’exports hexagonaux, boostés par de nombreux achats chinois ainsi qu’une concurrence un peu plus réduite de la Russie, du fait de la hausse de ses prix. La descente fut brutale. Dans les allées du Paris Grain Day à Paris qui réunit de nombreux acteurs du commerce des grains, on entendait des choses désobligeantes à l’égard de « ces ports français où il va falloir prévoir une prime de risque (en cas de non-chargement, ndlr) dans le coût du fret ». Pour désamorcer la colère portuaire, le gouvernement a annoncé des reports d’échéances sociales ou fiscales. Il y a encore quelques mois, il leur promettait le Grand Soir de la relance du fret ferroviaire et une ambitieuse stratégie portuaire. Alors que le conflit sur les retraites n’est pas soldé, l’heure est aux « plans de relance », à coups de rabais et ristournes alors que le manque à gagner des mois de décembre et janvier va plomber les résultats financiers. Haropa fut le premier à dégainer son plan de reconquête avec plusieurs mesures, qui vont lui coûter 3 M€.

Dans un grand élan compassionnel, Renaud Muselier, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a annoncé lors de sa visite du salon Euromaritime, qui s’est tenu du 4 au 6 décembre à Marseille, le déblocage de 3 M€ pour aider les entreprises portuaires. Il enjoignait alors le Grand port maritime de Marseille à procéder à baisser les frais d’escale de près de 30 %. Le port phocéen doit présenter prochainement ses remises sur la marchandise… non livrée.

616

Selon WorldCargo News, les fabricants de portiques (RTG), sur rails (RMG) et de grues à empilement automatique (ASC) ont construit 616 unités en 2019. Soit 32 de plus qu’en 2018 tandis que 741 sont inscrites dans le carnet de commandes. Le fabricant chinois ZPMC détient une part de marché mondial de près de 40 %.

Réforme des retraites – Blocages des ports

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