Faut-il lier les deux annonces que Brittany Ferries a livrées la semaine dernière pour en faire les cordes d’un même arc : la construction en accéléré d’un réseau atlantique Nord-Sud ? Issue d’une dynamique agricole privée du Finistère, soutenue par les collectivités bretonnes et normandes, Brittany Ferries est devenue en quelques décennies ce que l’Isemar aime classer, dans ses notes de synthèse, parmi les « super acteurs régionaux ». Capitalisant sur le retrait de P&O pour reprendre les lignes entre l’Espagne et la Grande-Bretagne, celle qui succède à sa rivale anglaise s’est tissé un petit empire autour d’un triangle dont les segments relient désormais la Manche, le Nord de l’Espagne et l’Irlande. « Elle devient un opérateur transgascogne comme Grimaldi l’a été il y a vingt ans sur un axe Italie-Espagne, analyse Paul Tourret, le directeur de l’Isemar, qui dans le JMM Magazine de janvier décrypte le marché roulier européen. Elle s’affirme de plus en plus comme LE transporteur entre les îles britanniques et la péninsule ibérique, consolidant ses business hispano-britanniques, son deuxième fonds de commerce, après le franco-britannique ». Dans la perspective du Brexit, dont on ne connaît pas encore précisément les effets sur les flux mais qui a déjà provoqué un ralentissement perceptible, « trouver des relais de croissance à la clientèle britannique, qui risque de faire les frais d’une dévaluation de la livre sterling, en étant un transporteur multifonctions de l’arc Atlantique a du sens ». Cette semaine, Brittany Ferries a donc fait deux annonces distinctes (plus d’infos sur
Lancée en 2018 pour une expérimentation de deux ans et motivée par la croissance du fret entre l’Espagne et l’Irlande, la ligne Cork-Santander mute vers Rosslare–Bilbao à partir du 28 février à raison de deux allers-retours par semaine, puis une rotation hebdomadaire sera proposée au départ de Roscoff et à destination de Rosslare à partir du 24 mars.
La géographie, reine des mers, et les capacités portuaires plaident en faveur de ces choix. Côté espagnol, Bilbao, qui a perdu il y a quelques années le service de l’opérateur roulier finlandais Transfennica vers Portsmouth et Zeebrugge, dispose d’infrastructures adaptées. Proche de centres industriels, le port « bénéficie en outre d’une plus grande capacité d’accueil pour les remorques non accompagnées », détaille Christophe Mathieu, président du directoire de Brittany Ferries.
Côté irlandais, moins excentré que Cork, Rosslare, qui a engagé 25 M€ dans ses installations, « offre plus d’espaces pour les véhicules de fret et bénéficie d’une très bonne desserte routière, permet un accès plus rapide depuis Dublin et au réseau routier de la côte Est de l’Irlande », légitime-t-il.
Mais le fret étant nourri par des imports sous froid de fruits et légumes espagnols, offrir aux sociétés logistiques espagnoles un départ direct de Bilbao vers les ports britanniques peut s’avérer judicieux en temps utile…
À l’occasion de ses vœux aux élus normands, Jean-Marc Roué, le président de l’armement breton, s’est engagé dans le projet d’autoroute ferroviaire entre Cherbourg et Bayonne, avec dans un premier temps un aller-retour quotidien pour cent camions fournis par les ferries en provenance de Portsmouth, Poole et Dublin. « Dans la perspective du Brexit et constatant que les flux de poids lourds britanniques et irlandais vers l’Espagne sont en progression de 30 % depuis trois ans, Brittany ferries s’engagera dans ce nouveau métier d’opérateur ferroviaire », a justifié le président, qui bétonne ainsi sa part de trafic dans la remontée de transit.
« La modernité du ro-ro est bien dans les autoroutes ferroviaires », estime Paul Tourret.
Est-ce pour construire plus rapidement son « arc atlantlique » que l’armement breton a lâché son traditionnel modèle d’acquisition de navires pour opter pour l’affrètement à dix ans comme l’illustre la série Gallicia, dont certaines unités ont déjà été livrées ? « S’assurer de la souplesse et de la capacité » assume Brittany Ferries, le radar bloqué sur le Brexit.
160 M$
L’armement de tankers belge Euronav termine avec un bénéfice de 160 M$ pour le quatrième trimestre 2019. La compagnie maritime a bénéficié de tarifs d’affrètement qu’elle n’avait plus enregistrés depuis 2008.