Le président Vladimir Poutine avait signé en juin un décret permettant à la Russie de prendre le contrôle de Sakhaline-2 suite aux sanctions occidentales imposées à la Russie qui ont notamment poussé Shell à se désengager alors que le groupe britannique détenait une participation de 27,5 %. Sakhaline exploite les riches gisements pétroliers et gaziers en mer d'Okhotsk au large de l'île de Sakhaline. La major pétrolière britannique avait déclaré au début de l'année qu'elle se retirerait de ses coentreprises avec la société russe Gazprom et des entités connexes. Outre cette participation, Shell avait également un contrat d’achat pour environ 1 Mt par an à Sakhalin LNG.
Gazprom, le géant russe du gaz, est resté l’actionnaire majoritaire de la nouvelle entité de l'État russe, Sakhalin Energy LLC, qui a lancé ses opérations le 19 août. Les sociétés japonaises Mitsui et Mitsubishi, qui détenaient dans la précédente structure 12,5 % et 10 % des parts, souhaitaient rester au capital. Le gouvernement russe a validé le transfert.
Le Japon entre deux eaux
« Nous sommes toujours en discussion avec les parties prenantes, y compris le gouvernement japonais et les partenaires commerciaux, concernant les actions futures possibles compte tenu des besoins d'approvisionnement en énergie, tout en respectant les sanctions internationales », a déclaré Mitsui dans un communiqué. Mitsubishi a également confirmé que sa demande avait été approuvée par le gouvernement russe. « Nous allons discuter des termes et conditions d'un accord d'actionnaires avec les parties concernées et continuer à évaluer les risques liés au projet, en supposant divers scénarios », indique-t-elle.
Tokyo participe aux sanctions contre la Russie depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, fait valoir l’exécutif japonais. Mais le pays se refuse à renoncer au gaz et au pétrole russes qui compromettraient sa sécurité énergétique, les projets Sakhaline 1 et 2 contribuant notamment à un « approvisionnement énergétique stable et abordable à long terme ».
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida avait déclaré le 9 mai que le Japon interdira « en principe » les importations de pétrole russe à la suite du dernier engagement pris par les dirigeants du G7. En juin, le ministère japonais de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (Meti) avait alerté l’UE sur les impacts pour Sakhaline de l'interdiction d'assurer et de financer le transport maritime du pétrole russe vers des pays tiers, mesures annoncées le 3 juin.
Forte implication dans les projets Sakhaline
Les intérêts japonais dans les projets Sakhaline sont nombreux. Outre l’investissement de Mitsui et Mitsubishi dans le projet Sakhaline 2, la société japonaise Sakhalin Oil and Gas Development Co (Sodeco) détient une participation de 30 % dans le projet Sakhaline 1. Le Meti est actionnaire à 50 % de Sodeca aux côtés de Japan Petroleum Exploration (15,28 %), Itochu (14,45 %), Marubeni (12,35 %), INPEX (6,08 %) et Itochu Oil Exploration (1,83 %).
Plus de la moitié de la capacité de production de GNL du projet Sakhaline 2 (9,6 Mt par an) est engagée auprès d'acheteurs japonais, et le gaz de Sakhaline 2 représente la quasi-totalité des importations japonaises de GNL en provenance de Russie. Selon la presse japonaise, Jera et Tokyo Gas auraient déjà renouvelé leurs contrats auprès de Sakhalin Energy LLC.
La Russie a fourni 4 % des importations totales de brut du Japon, soit 2,48 millions de barils par jour en 2021, tandis que le Moyen-Orient a contribué à 92 % des entrées, selon les données du ministère des Finances. Les raffineurs japonais ont toutefois réduit progressivement leurs importations, les deux leaders du pays, ENEOS et Idemitsu Kosan, ayant déjà suspendu les nouveaux contrats d'importation de pétrole brut russe. Mais hors Sakhaline donc...
A.D.