Après deux jours de négociation, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés ne sont pas parvenus à trouver un consensus sur le niveau de réduction de leur production au-delà du 1er janvier. Ils ont décidé d'ajourner leurs discussions et de reprendre leur sommet en visioconférence dans quelques jours.
À l’issue d’une année noire comme le pétrole, dont les cours sont toujours déprimés faute de demande avec un trafic aérien et une activité industrielle paralysées par la seconde vague du virus, les grands producteurs de l’Opep et leurs partenaires de l’Opep+ (dont la Russie) devaient s’entendre sur les jauges de production pour le premier voire le deuxième trimestre 2021. Ils sortent d’une année difficile durant laquelle ils se sont astreints à fermer les robinets pour ajuster leur offre à l’anémie du marché. Selon l'accord en vigueur décidé en avril, le retrait actuel du marché de 7,7 millions de barils par jour (Mb/j) doit être ramené à 5,8 Mb/j à compter de janvier 2021.
Si le cartel est attentif aux cours du brut, qui sont revenus à leurs niveaux du début de la pandémie, soit entre 45 et 50 $ pour les deux références mondiales (Brent de mer du Nord et WTI américain), il guette également les données de production hors de son giron et les niveaux de remplissage des capacités de stockage à travers le monde.
Parmi les autres indicateurs influençant leur décision, les espoirs donnés ces dernières semaines par les avancées encourageantes des laboratoires AstraZeneca, Pfizer/BioNTech et Moderna, qui ont fait part d'une efficacité élevée de leurs candidats vaccins contre le Covid-19.
Psychodrame dont l’Opep a le secret
Le groupe des vingt-trois pays producteurs semble répéter les psychodrames du printemps dernier. Alors que les cuves débordaient d’or noir dont plus personne ne voulait, Ryad et Moscou s’étaient livrés à une guerre des prix alors que l’urgence imposait de réduire drastiquement la production. La surenchère entre les deux Léviathan du pétrole avait complètement désorganisé le marché. Cette fois, le cartel n’est pas parvenu à un accord à l’issue de ces deux journées. Le cours du pétrole s'est effondré à cette annonce. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en janvier, dont c'était le dernier jour de cotation, a perdu 1,22 %, à 47,59 $. À New York, le baril américain de WTI pour la même échéance a cédé 0,4 % à 45,34 $. Sur l'ensemble du mois de novembre, Brent et WTI ont cependant grimpé de 27 %.
Dans la perspective de la tenue de cette réunion, les tensions étaient palpables. Au cours des dernières semaines, des personnalités de premier plan au sein de l'alliance, telles que le prince saoudien Abdulaziz et le vice-premier ministre russe Alexander Novak, se sont prononcées en faveur d'un report de l'assouplissement, le marché étant encore fragile. Les Émirats arabes unis avaient manifesté, eux, une certaine réticence à continuer à appliquer les réductions volontaires au-delà de la fin de l'année.
Les EAU ont donc tenté d'assortir toute reconduction de conditions telles qu’elles sont presque impossibles à remplir, bloquant ainsi efficacement un accord, ont indiqué les délégués. En été, les représentants émiratis avaient déjà rompu avec la discipline des cartels et pompé plus de brut que leur quota ne le permettait. Il les handicape d’autant plus qu’il ne permet pas de tirer le meilleur parti des investissements massifs consentis dans les capacités de production.
Avoir dans le viseur certains membres
Parmi les autres facteurs à considérer : l'offre du premier producteur mondial, à savoir les États-Unis, en baisse depuis ses records historiques atteints en début d'année, à 11 millions de barils par jour. La victoire du démocrate Joe Biden, qui porte un projet de limitation de l'exploitation du pétrole de schiste dans le pays, laisse présager que le pic de la production américaine est passé.
L'Opep+ doit également veiller aux niveaux de production de trois de ses membres non astreints à des quotas. C'est le cas de la Libye, dont la production repartie a désormais dépassé le million de barils par jour, selon la Compagnie libyenne nationale de pétrole (NOC). À moyen terme, une politique américaine plus souple vis-à-vis de l'Iran, également non concerné par les quotas, pourrait faire revenir sur le marché des centaines de milliers de barils quotidiens.
A.D.