C’est le premier paquebot à sortir de Saint-Nazaire depuis mars 2020. Le MSC Virtuosa, seizième que les Chantiers de l’Atlantique ont construits pour la compagnie italo-suisse, a été livré. Une bonne nouvelle alors que l'industrie européenne de la construction navale traverse une mauvaise passe.
La traditionnelle cérémonie de livraison – drapeau officiel et augures de bonne fortune – s’est tenue à huis clos sur le site des Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire en début de semaine. Mais la discrétion de l’événement ne dispense pas l’émissaire de faire passer ses messages. La compagnie de croisière de la famille Aponte n’a pas manqué de rappeler que le MSC Virtuosa, seizième navire de la flotte construit en France, porte sa contribution globale à l’économie française à 12,5 Md€. Le nouveau paquebot d’une valeur de 1 Md€, qui figurera sans doute parmi les grands en opération de MSC Croisières (331 m de long, 19 ponts, 6 340 passagers), sera en outre suivi par trois autres navires d’ici 2025, dont ceux de la classe World propulsés au GNL, les premiers avec cette propulsion à être construits en France. La compagnie de croisière aura à ce terme injecté dans l’économie hexagonale plus de 15 Md€.
Le nouveau navire devrait entrer en service, si l’étau sanitaire ne vient pas contrarier l’ordre des choses, le 16 avril, avec quatre croisières de trois, quatre et dix nuits en Méditerranée. Il rejoindra son nouveau port d'attache de Kiel, où il commencera ses itinéraires en Europe du Nord à partir du 8 mai.
MSC Croisières a imprimé ses engagements verts
Une flotte de 19 navires d’ici 2025
De la génération Meraviglia, dans la classe Meraviglia +, il est le sistership du MSC Grandiosa, entré en service en août 2020, et parmi les plus performants de la flotte sur un plan environnemental. Le MSC Virtuosa est le second de la flotte à être équipé d'un système de réduction catalytique sélective (SCR), efficace contre les oxydes d'azote (NOx). Il est doté de scrubbers pour traiter les oxydes de soufre (SOx). Et comme son sistership, il bénéficie d’un système de traitement des eaux usées (AWTS) de nouvelle génération, de la technologie de récupération de la chaleur, d’un éclairage LED... Il est également appareillé pour pouvoir se brancher à l’électricité à quai quand il est en escale.
MSC doit réceptionner cet été le MSC Seashore, actuellement en construction par Fincantieri en Italie. La 3e compagnie mondiale de croisière, revendiquée comme telle, est engagée depuis quelques années dans un programme de construction « agressif » et qu’elle n’a pas remis en cause à la faveur de la crise sanitaire. Depuis 2017, elle a mis à l’eau dix navires. D’ici 2025, elle en comptera 19.
Passe difficile pour les chantiers navals européens
Quant au constructeur, la livraison sonne comme un retour à la vie depuis sa dernière livraison, le Celebrity Apex, à la fin du mois de mars 2020. Il prévoit de livrer cette année le Wonder of The Sea de Royal Caribbean. Les Chantiers de l’Atlantique, dont la fusion avec Fincantieri vient d’avorter, navigue dans un secteur européen mis à rude épreuve et « confronté à un grand déficit de carnets de commandes », prévient Martin Stopford, PDG de Clarksons Research
D’après la société de données, les chantiers navals mondiaux livreront environ 80 Mtpl cette année tandis que les commandes pour 2022, sur la base de l’état actuel des réservations, seront ramenées à 55 Mtpl. Dans ce contexte, « on pourrait s'attendre à une baisse des prix, mais ils n'ont baissé que de 4 % l'année dernière. Nous n'assistons donc pas à un effondrement des prix comme celui que nous avons connu dans les années 80, où ils ont littéralement chuté de 30 ou 40 % en quelques années. »
Comme dans d'autres entreprises, les chantiers navals et les entreprises d'équipement ont été contraintes de se mettre sous cloche pour des raisons sanitaires. Ils accusent aujourd’hui des retards qui pèsent sur les trésoreries. Pour le PDG de Clarksons, de nouveaux plans sociaux ne sont pas à exclure alors que l’année 2020 s’est illustrée par de « nombreux licenciements ». « Nous savons tous que les licenciements ont un impact négatif sur le savoir-faire et les compétences du secteur à un moment où nous avons besoin de nouvelles compétences pour faire face à la transition verte et numérique », s’inquiète-t-il.
Commandes en chute de 62 %
La crise du coronavirus a frappé l'industrie européenne de la construction navale à un moment où le secteur était déjà fragilisé, en raison de la surcapacité et de la faiblesse de la demande, indique pour sa part Kjersti Kleven, présidente de l'association des chantiers navals européens Sea Europe, à l’occasion d’une conférence de presse en amont au lancement du Salon (virtuel) maritime SMM à Hambourg. « Le secteur européen de la construction navale se portait assez bien, principalement parce qu’il est positionné sur la construction de paquebots haut de gamme et à haute valeur ajoutée ainsi que sur les navires de passagers, un segment qui se portait bien. »
Au cours du premier semestre 2020, les membres de Sea Europe ont vu le nombre de nouvelles commandes chuter de 62 % en tonnage au cours du premier semestre 2020 et de plus de 70 % en valeur par rapport à la même période de l’année. « Nos données pour le reste de l'année ont confirmé que cette tendance s'est poursuivie tout au long de l'année », ajoute la présidente de SEA Europe.
Adeline Descamps