La réglementation sur la teneur en soufre des carburants marins n’est plus une échéance. Elle s’est concrétisée. Pour autant, le GNL n’a pas encore pour l’heure vraiment convaincu. L’infrastructure se développe néanmoins, ce qui pourrait accélérer son développement.
Il est l’une des alternatives pertinentes pour traiter les émissions polluantes actuellement dans le viseur de l’OMI (NOx, SOx, particules fines) et une (toute petite) partie de la solution pour les prochaines échéances réglementaires (CO2). Il n’est cependant pas encore parvenu à vaincre le scepticisme et/ou attentisme des armateurs et des propriétaires de flotte. Les scrubbers, qui permettent aux navires d’être alimentés avec un fuel à 3,5 %, ont séduit plus massivement (plus de 10 % de la flotte mondiale aujourd’hui équipés, 135 unités en cours). Le surcoût de 15 à 20 % à la construction, l’encombrement des cuves, qui consomment de l’espace dédié aux conteneurs, la capacité des réservoirs, la disponibilité du carburant partout dans le monde, le prix bas du HFO sont autant de freins. Selon les dernières données de Sea\LNG, un lobby industriel de promotion du GNL marin basé à Oxford, 175 navires au GNL sont actuellement en service, 203 sont en commande et 141 doivent être configurés en « LNG ready ». Le produit est désormais disponible dans 93 ports alors que 54 autres sont en train de réaliser les investissements pour assurer les opérations de soutage. En 2019, il n'y avait que six souteurs dans le monde. En février 2020, une douzaine était en exploitation et 27 autres sont en commande et/ou sur le point de la mise en service.
« Cela commence à répondre au dilemme de l’œuf et la poule : les commandes de nouveaux navires au GNL sont en croissance et les infrastructures portuaires se développent », assure le lobby. En Europe, l'avitaillement en GNL est en effet disponible dans les ports de Rotterdam, d'Amsterdam, de Zeebrugge et de Barcelone. Selon l’association, Rotterdam a doublé ses opérations de soutage au 3e trimestre de 2019 par rapport aux trois mois précédents. En 2020, le port néerlandais comptera sept à huit souteurs actifs dans la zone portuaire.
En Europe
L’avitailleur FlexFueler001 de Titan LNG est entré en service au cours du premier semestre 2019 à Amsterdam. Sa réplique, FlexFueler002, doit entrer en service mi-2020 à Anvers. Le Engie Zeebrugge opère pour sa part à Zeebrugge. Le Kairos de Nauticor (7 500 m3) a démarré ses opérations en mars 2019 et réalisé une première sur le ferry Visborg de Destination Gotland à Visby, en Suède. En Finlande, en novembre dernier, l’énergéticien nordique Gasum a réalisé son premier soutage en ship-to-ship pour le Costa Smeralda de Carnival Corp. avec son Coralius, mis en service en 2017 en mer du Nord et dans la région du Skagerrak. Barcelone se distingue sur l’avitaillement de paquebots via le partenariat de Carnival avec Shell Western LNG, qui exploite le petit méthanier Coral Methane, développé par Anthony Veder pour le client norvégien Gasnor.
Ailleurs
En Amérique du Nord, l’offre en GNL s’est notamment déployée le long de la côte Est des États-Unis. À la station de soutage Talleyrand, dans le port de Jacksonville, Eagle LNG assure l'avitaillement (terre-mer) en GNL des ConRo de Crowley et de Tote Maritime. Eagle LNG développe en outre à Jacksonville un FLNG (Floating Liquefied Natural Gas) et le terminal Jacksonville Export Facility. L’effet volume jouerait alors à plein pour offrir le GNL le moins cher dans le Sud-Est des Etats-Unis, soutient Sea\LNG.
Au Japon, Toho Gas pour Mol (Mitsui OSK lines).a assuré le premier soutage de GNL à Nagoya en utilisant un système de truck-to-ship avec le remorqueur Ishin, lequel s’est fourni à Kobe. Singapour est également prêt pour l'avitaillement en GNL et prévoit même une série d'incitations (dont des aides au financement du souteur).
Total et Pavilion Energy (une filiale du fonds d’investissement singapourien Temasek), via leurs filiales respectives TMFGS (Total Marine Fuel Global Solutions) et Pavilion Gas, avaient scellé en juin 2018 un accord pour affréter ensemble un premier souteur de GNL pour fournir le port de Singapour. En cours de construction par Sembcorp marine dans la cité-État pour Mol. D’une capacité de 12 000 m3, il sera géré par l’opérateur local de souteurs Sinanju et devrait être livré début 2021.
Total a également signé avec l’armateur nippon un contrat d’affrètement pour un souteur d’une capacité de 18 5000 m3 (le Gas Agility), en cours de construction sur le chantier chinois Hudong-Zhonghua Shipbuilding. Il doit être livré en 2020 et être positionné à Rotterdam où il alimentera la série de méga porte-conteneurs de CMA CGM.
Récemment, Total a annoncé la signature d’un autre contrat d’affrètement long terme avec Mol pour un autre souteur, sistership du Gaz Agtility, qui aura pour base Marseille-Fos et CMA CGM comme premier client. Le transporteur français reste à ce jour, avec sa commande de 9 unités de 23 000 EVP et 5 de 15 000 EVP, le plus fervent promoteur du nouveau carburant.
« Ne rien faire n’est pas une solution acceptable »
Si DNV GL prévoit que le GNL représentera 41 % des combustibles marins en 2050, pour l’heure, « ces alternatives manquent de cadre réglementaire, de capacité de production, de protocoles de sécurité acceptables et d'infrastructures de soutage », reconnaît Sea\LNG.
La coalition estime que la limitation de vitesse, que certains considèrent comme la « solution miracle » pour atteindre les objectifs d'émissions, « sont un autre faux-fuyant ». La « solution ne tient pas compte des impacts sur l’ensemble de la supply chain dont le transport maritime est un maillon essentiel. Cette action pourrait dissuader les armateurs et les gestionnaires de navires d'innover et de développer des carburants alternatifs à faible émission de gaz à effet de serre » estime l’organisation. « Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'agir maintenant - ne rien faire n'est pas une solution acceptable – mais nous ne pouvons pas attendre la solution miracle ».
Adeline Descamps