Par l'intermédiaire de sa société Kuehne Holding AG, Klaus-Michael Kühne (83 ans) est non seulement l'actionnaire majoritaire de Kuehne + Nagel (53,4 %), mais aussi de Hapag-Lloyd avec 30 % aux côtés de CSAV. Son regard sur la stratégie déployée par certains armateurs – Maersk avec Damco et CMA CGM avec Ceva – de devenir des prestataires de services logistiques de bout en bout ne laisse pas indifférent. Une ambition que l’homme d’affaires allemand juge « décevante », tout en se disant de surcroît « surpris » dans le cas de CMA CGM.
Un fait illustre les pressions concurrentielles entre les deux parties. Le transitaire allemand DB Schenker a confirmé avoir confié une partie de ses volumes, auparavant gérées par Maersk, à la compagnie italo-suisse MSC. Les relations commerciales se sont tendues entre Maersk et l’un de ses principaux clients au sujet de Damco. La filiale de la Deutsche Bahn, l'opérateur ferroviaire allemand, aurait envoyé une offre aux clients de Damco dans laquelle ellle se proposait de reprendre des contrats à court terme d'une durée maximale de deux mois et dans les mêmes conditions.
Klaus-Michael Kühne veut (encore) accroître son influence
Évolution dérangeante
Il ne cache pas que cette évolution est « dérangeante » car il estime que « la répartition actuelle entre l'entreprise de logistique et la compagnie maritime a bien fonctionné jusqu'à présent », les secondes se concentrant principalement sur le transport maritime, laissant en grande partie l'organisation du transport du point A à B aux commissionnaires de transport.
Le dirigeant ne semble pas craindre cette nouvelle forme de la concurrence : « Nous offrons à nos clients un garantie de neutralité, des conseils et des services à forte valeur ajoutée. Mais la percée des transporteurs dans la logistique peut engendrer des changements dans les structures logistiques, ce que je trouve très inquiétant. »
Se regrouper en créant une compagnie maritime
Quel serait le contrepoids ? « J'avais dit, il y a des années sur le ton de la plaisanterie, que nous devions réagir en nous regroupant pour affréter des navires ou créer notre propre compagnie de ligne », rappelle-t-il avant de reconnaître implicitement que « cela ne serait pas évident, a fortiori parce que la ligne regulière est régie par les alliances. En comparaison, le secteur de la logistique est beaucoup plus fragmenté. »
C'est pourquoi il se félicite de détenir 30 % des parts de Hapag-Lloyd, le n°5 mondial, influence qu’il a cherché à accroître ces dernières années : « Cela pourrait s'avérer avantageux en cas d'évolution imprévue », glisse-t-il subrepticement. Selon son principal actionnaire, Hapag-Lloyd n'aurait pas l'intention de s’orienter dans la même voie que ses concurrentes.
A.D.