Incertitude. Récession. Inconnu. La grande Trinité portuaire. Sevrés de bonnes nouvelles ces derniers mois, les ports mondiaux explorent l’avenir au prisme d’un retour de flamme d’un fléau planétaire né en Chine mao-capitaliste. Brutalement expulsés qu’ils ont été, sans préavis ni explication, d’un environnement dans lequel ils ont prospéré en apprivoisant les flux de la mondialisation, portés par le commerce.
De même que le virus frappe plus durement les personnes dont le système immunitaire est affaibli, le choc économique affecte davantage les plus fragiles. Des tonnes de fonte se sont donc abattues sur les ports français, ces grands corps malades qui creusent un peu plus chaque année leur sillon, qui de crevasse devient faille. Entraînés dans la précipitation d’événements qui les dépassent. Inféodés à une image basée sur les rôles qu’ils savent composer à merveille, bien malgré eux : des repaires d’instabilité sociale.
Pour autant, la volonté de progresser dans la hiérarchie internationale est réelle, les uns ambitionnant de compter parmi les portes d’entrée alternatives aux puissants ports du range Nord, eux déjà organisés en réseau et dominant toutes les grandes routes maritimes, les autres nourrissant l’ambition d’installer une nouvelle ligne de flottaison portuaire au sud pour rééquilibrer les échanges euro-méditerranéens.
Bienheureux est celui qui, à cette heure, parvient à éclaircir un horizon en marabout de ficelle. Nul ne détient le trousseau de clefs qui permettrait de valider une voie plus qu’une autre, ni même imposer un calendrier. A défaut, commander une stratégie et imprimer un tempo peuvent être des options. La pandémie est à cet égard un bain révélateur. À l’heure où tous les ports mondiaux sont touchés, chacun expérimente sa gestion de la crise.
L’exercice est à haut risque pour les ports français. Alors que frappent à leur porte les « grand sujets de demain » – accompagner la transition énergétique –, les vieux contentieux ne sont toujours pas soldés.
Le conteneur, dont le trafic est un indicateur d’une bonne insertion dans l’économie mondiale, y est un talon d’Achille. L’articulation sans couture avec le fer ou le fleuve est toujours un sujet. L’attractivité « coût, délai, qualité » de la chaîne logistique complète, intégrant les coûts des pré- et post-acheminements, ne joue pas vraiment en faveur d’un report modal. L’hinterland de longue portée, qui fait la force de leurs homologues hanséatiques, sert d’incantation pour les colloques. La désintoxication du baril de Brent au profit de toutes les énergies, a fortiori si elles sont « vertes », reste une promesse.
La convalescence, cet entre-deux entre la maladie et la guérison, est, dit-on, l’opportunité d’une remise en question plus que d’un retour à la normale. Que l’asthénie permette alors de réparer les dommages subis en profitant de cette période bénie où l’argent public tombe comme de la grêle.
Adeline DESCAMPS