La transition énergétique est un outil de mutation industrielle, a signifié Jean-Frédéric Laurent, à la tête du plus petit des Grands ports maritimes français avec son trafic en dessous des 7 Mt.
« Les trafics les plus porteurs seront liés à l'économie circulaire. Une métropole, qui comptera peut-être un jour deux millions d'habitants, génère des déchets. Il y a sur ce territoire tout un écosystème autour de cette économie qui est en train de se massifier. Et qui dit massification, dit transports maritime et fluvial et infrastructures portuaires. Notre rôle au sein de la ville et de la métropole est d'accompagner ces mutations. C’est important parce que c'est en partie l'avenir de nos trafics et de nos emplois portuaires ».
Une affaire de valeur plus que de trafics portuaires
Arrivé en 2019 dans la ville que plus personne n’ose encore décrire comme « la belle endormie », excepté ses détracteurs, le directeur du port a épousé la vision portée par la ville et la Métropole de s’inscrire dans les futurs réseaux de l’énergie.
Bordeaux « est relativement bien situé dans les réseaux de l'énergie, que ce soit ceux existants du gaz et de l’électricité ou de ceux à venir, à l'instar de l’hydrogène, estime-t-il.. La période de transition sera plus ou moins longue mais nous devons être prêts à être un véritable territoire d'accueil pour ces industries qui vont se structurer autour de l'économie circulaire et de la modification des process industriels ». Et ce, ajoute-t-il, même si cette orientation se traduira « sans doute bien davantage » par de la création de valeur que par des trafics portuaires.
De l’hydrogène pour produire de l’ammoniac
Dernier témoignage en date des développements autour de l’hydrogène, le Grand Port maritime de Bordeaux et la société GH2, développeur de projets d'hydrogène renouvelable en Europe, ont signé en avril dernier un accord qui prévoit, via une AOP au sein de la zone industrialo-portuaire et chimique de la presqu’île d’Ambès, l’implantation d’ici à 2025 d’une unité de fabrication de 14 000 t d’hydrogène totalement « vert ». Objectif : produire 80 000 t d’ammoniac par an. L’énergie doit être commercialisée par GH2 auprès d’industriels locaux ou exportées.
Au-delà des éventuels flux maritimes d’ammoniac qui pourraient en résulter, le port est en recherche de ce type de production à l’échelle industrielle. « L’hydrogène n’est pas encore assez mature pour des usages de mobilité et comme carburant, pas avant 2035. Les obstacles techniques et financiers restent nombreux, d’où l’importance de privilégier des projets allant vers une production plus massive et à usage industriel », avait expliqué lors de la signature Michel Le Van Kiem, chef du département Innovation au port de Bordeaux.
Valoriser l’hydrogène fatal
Dans une même logique, Bordeaux est engagé dans un projet de valorisation de l’hydrogène fatal émis par l’industriel Nouryon, également installé sur la presqu’île d’Ambès. Le process de cette société qui produit, à partir d’un procédé d’électrolyse, du chlorate de sodium utilisé dans le blanchiment de la pâte à papier, génère 3000 t d’hydrogène par an qui, pour l’heure, sont rejetés dans l’atmosphère et donc « perdus ».
Associé à Storengy (filiale d’Elengy) et Nexeya (spécialiste du stockage souterrain de gaz naturel) dans un projet d’études visant à explorer tous les potentiels de l’hydrogène fatal de l’industriel, le GPMB s’attèlera pour sa part aux usages de l’hydrogène notamment pour les engins portuaires. Dénommé « H2 Bordeaux », le projet d’une durée de deux ans a été sélectionné dans le cadre d’un appel à projets européen lancé par le programme Connecting Europe Facility.
Des piles à combustibles qui pourraient être « maritimisées »
La région bordelaise loge en outre Hydrogène de France (HDF Energy), société fondée en 2012, pionnier de l’hydrogène-électricité, qui a réussi à s’imposer à l’international comme spécialiste des technologies hydrogène.
La société porte un investissement de 15 M€ pour implanter, sur le terrain de l’ex-usine girondine de Ford à Blanquefort, une usine de production de piles à combustible (capacité annuelle de de 50 MW), conçues sur la base de la technologie du canadien Ballard Power Systems. La mise en service est prévue en 2023.
Destinées initialement à équiper des centrales et au stockage d’énergies renouvelables, les piles pourraient être ensuite appliquées au maritime. C’est l’objet du partenariat entre HDF et le géant suisse de l’électrotechnique ABB Marine &Ports.
A.D (avec la contribution de Marianne Peyri)