[Infographie] Céréales : Les flux se réorganisent

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À l'échelle planétaire, les flux de céréales relèvent d'abord du circuit court. Les exportateurs ont des relations commerciales privilégiées avec les pays les plus proches. Mais sur fond de tensions politiques et de changement climatique, de production et demande en hausse, le marché des céréales est en plein mouvement. 

Le blé est la céréale la plus partagée de la planète. Produite sous des climats tempérés, elle est ensuite expédiée vers les pays plus chauds, plus secs ou plus froids. Mais pas seulement. La Chine, premier producteur mondial avec 115 à 130 Mt, est aussi le premier importateur de la planète. Elle devance l’Inde qui suffit tout juste à ses propres besoins et exporte peu. 

Mais depuis quelques années, c’est bien la Russie, avec ses 73 Mt l’an dernier, 84 Mt cette année, qui mène la danse sur le marché mondial des céréales. Sa production excède largement la demande de son marché intérieur et le pays, poussé par une politique favorable, a sérieusement accru la qualité de sa production, sa traçabilité et sa logistique. C’est encore plus vrai pour son voisin ukrainien où les investis- sements, venus notamment d’Europe de l’Ouest, ont contribué à doper sa compétitivité et à améliorer la logistique. Au 4e rang mondial, entre la Russie et le Canada, les États-Unis ont tendance, à l’inverse du rival slave, à réduire leurs surfaces de blé pour laisser place au maïs et au soja. 

« Sur les océans, les céréales vont de plus en plus loin et dans des navires de plus en plus grands. On approfondit les ports pour laisser entrer les panamax qui supplantent les handymax. » La France occupe le 6e rang mondial. Elle tient sa position de puissance verte en exportant, selon les années, environ le tiers des quelque 29 Mt qu’elle produit. Elle est le premier exportateur de l’Union européenne et contribue ainsi à faire du continent le véritable premier producteur mondial avec 137 Mt. Allemagne, Bulgarie, Roumanie figurent aussi parmi les pays exportateurs de l’Union, avec la Pologne et les Pays Baltes. 

Émergence du blé OGM 

L’hémisphère sud joue lui aussi son rôle dans les flux de céréales. La production australienne dépasse aussi largement les besoins de son marché national. L’excédent trouvait jusque-là son débou- ché naturel en Chine. Mais la politique internatio- nale a rebattu les cartes et elle doit aujourd’hui se trouver de nouveaux clients. 

En Amérique latine, l’Argentine tient elle aussi son rang de nations céréalières. Même si le soja y reste une valeur sûre, les surfaces en blé s’étendent depuis quelques années et la qualité tend à s’amé- liorer. Les agronomes se penchent sur la céréale pour en améliorer les rendements. Mais ils vont plus loin encore. L’Argentine a été cette année le premier pays de la planète à proposer à ses produc- teurs des semences génétiquement modifiées pour résister à la sécheresse. 

Moisson d’investissements 

Émergence d'anciens pays soviétiques, pas de côté des États-Unis, progression de la demande ainsi que de la production à l’échelle planétaire, le marché des céréales a été chamboulé au cours des dix à quinze dernières années. 

Pour faciliter les flux, partout on investit. Les grands pays traditionnellement producteurs multiplient les efforts pour reporter le transport des camions sur le train, poussent leurs silos jusqu’au bord des quais, investissent dans des outils d’acheminement plus sûrs et de chargement plus rapides pour augmenter les cadences. En Europe et en Amérique du Nord, silos, bandes transporteuses et outils de chargement ont été automatisés. En Ukraine et Russie, le stoc- kage est amélioré de façon à pouvoir constituer des lots, accroître la qualité et écouler les céréales sur une période plus longue que le seul moment de la récolte. Les deux pays, en se libérant de la contrainte d’écouler les céréales au fur et à mesure qu’elles sortent des champs, peuvent ainsi se mettre à spéculer eux aussi. Quant aux tes terminaux, ils voient leurs tirants d’eau s’accroître pour mieux accompagner l’augmentation de la taille des navires. Au Brésil et en Argentine, se multiplient aussi les nvestisse- ments dans l’acheminement et les termi- naux. Le Brésil vient en effet de décider de faciliter l’investissement privé afin de remettre à niveau plu- sieurs de ses terminaux céréaliers délaissés ces dix dernières années. Dans le sud du pays, il envisage aussi de relancer le ferroviaire entre la vaste zone de production du Parana et les ports du littoral. 

Tandis qu’en Argentine, plusieurs dizaines de termi- naux céréaliers ont vu le jour autour de Rosario au cours de la dernière décennie. Le gouvernement a lancé un programme ambitieux destiné à transformer son « hydrovoie » en véritable corridor céréalier. Le Parana va être dragué et approfondi sur sa partie amont. Même l’es- tuaire qui y donne accès, le Rio de la Plata, va être creusé pour attirer les navires vers les ports argentins et leur faciliter l’entrée vers l’hydrovoie. 

Chine, reine des flux 

Dans les pays « émergents » sur ce marché, on crée de nouveaux terminaux dans les ports et sur les fleuves, on améliore le réseau routier et on remet en service des voies ferroviaires abandonnées dans les années 1990 et 2000. Le stockage lui aussi accroît ses capacités, avec cette double conséquence de faciliter l’allotement pour mélanger les récoltes et surtout de ne plus avoir à vendre très vite après les moissons. Le marché devient ainsi plus spéculatif. Et les navires officient sur des périodes de temps désormais plus longues. Partout, on cherche à améliorer qualité et traçabilité. La marge de progression est de ce fait considérable. Alors que les rendements des terres françaises plafonnent aujourd’hui autour de 7 à 7,5 t/ha sans guère de perspectives de les améliorer encore, ceux de la Russie n’atteignent encore que 3 t/ha. Mais ils grignotent quelques quintaux chaque année et le potentiel des terres est bien supérieur aux volumes qu’elles donnent aujourd’hui. 

Sur les océans, les céréales vont de plus en plus loin et dans des navires de plus en plus grands. L’approfondissement des accès portuaires accom- pagne la progression de la taille des cargos. Les panamax (65 000 tpl) progressivement remplacent les handymax (entre 35 000 et 50 000 tpl). 

Ce marché mondial en plein essor est aussi bouleversé par la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine. Ce dernier pays, en tant que plus gros client de la planète, est bien celui qui donne désormais le tempo, qui fait les flux... et les défait. Ses démêlés avec l’Amérique de Trump l’ont poussé à aller chercher ailleurs. Mais ses fournisseurs de blé agréés sont peu nombreux. Parmi la poignée qui l’approvisionne en céréales, la France occupe une place non négligeable. Surtout cette année...

Myriam Guillemaud-Silenko

 

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