Étienne Pourcher : Les deux appels d’offres initiaux ont permis de lancer six projets de parcs éoliens en mer : Guérande-Saint-Nazaire, Fécamp, Courseulles- sur-Mer, Saint-Brieuc et Le Tréport. Avec celui de Dunkerque, attribué en juin 2019 à EDF, il y en a désormais sept en projet. La loi de programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit encore un champ posé au large du Cotentin, un parc d’éoliennes flot- tante entre Belle-Île et Groix. L’appel d’offres est en cours et sera attribué́ au printemps 2021.
En 2022 sera concédée la construction du parc posé au large d’Oléron, et en 2023, celle de deux parcs flottants en Méditerranée, dont l’emplacement reste à déterminer. La France aura donc installé 3 GW dans les trois à quatre prochaines années, et 8 à 10 GW en 2030. Au-delà̀ de cette programmation, l’État envisage de lancer des appels d’offres pour 1 GW par an, soit deux parcs annuels, jusqu’en 2028. C’est une fourchette basse car l’Union européenne affiche des objectifs beaucoup plus ambitieux. 25 GW sont déjà̀ installés aujourd’hui en Europe. Pour la France, l’acceptabilité́ sera un critère déterminant.
Les ports jouent naturellement un rôle central mais a-t-on la garantie que les aménagements dédiés à cette filière, non servent de façon pérenne ?
E.P. : Avec un à deux parcs par an attribués en France et dix-huit mois pour l’installation de chaque parc, le rythme est assez régulier. Les ports espèrent, d’une part, de nouveaux projets et d’autre part, des investissements, en particulier pour renforcer les quais et accueillir les plateformes d’assemblage d’éolienne, qui puissent servir à l’avenir pour d’autres énergies marines, voire d’autres industries puisqu’il ne s’agit pas d’équipements spécifiques à l’éolien. À Port-la- Nouvelle, par exemple, 240 M€ ont été financés par la région, et une deuxième phase de travaux nécessitera une enveloppe similaire. Ces investissements ne sont pas réalisés dans la perspective d’un seul démonstrateur mais pour disposer des outils qui permettront l’installation de plusieurs parcs éoliens, voire de tous les projets du littoral méditerranéen, la distance étant de moindre importance puisqu’il s’agira d’éoliennes flottantes.
Aucun des projets en cours ne concerne encore la Méditerranée. Quels en sont les raisons ?
E.P. : Trois plateformes pilotes ont été attribuées en Méditerranée : l’une en région Provence-Alpes-Côte- d’Azur, les deux autres en Occitanie, à Leucate et Gruissan. Au vu de la profondeur des côtes, il s’agit évidemment d’éoliennes flottantes. Sur l’éolien posé, la France est en retard par rapport aux autres pays européens et bénéficie donc de l’expérience des fermes installées en mer du Nord. Ce n’est pas le cas pour le flottant mais la technologie est moins mature.
Quels aménagements doivent réaliser les ports qui vont accueillir les bases de maintenance ?
E.P. : La prochaine étape est en effet l’aménagement des ports depuis lesquels s’effectuera la main- tenance des parcs. Une base de maintenance, c’est un quai pour deux à trois petits navires, un bâtiment pour les équipes doté d’un bureau et d’un atelier, et du stockage de petits matériels et de pièces de rechange. Même s’il s’agit d’un quai de petite taille, il faut parfois le renforcer pour pouvoir y réceptionner des pièces lourdes. Mais les investissements restent raisonnables, adaptés au budget des ports concernés. La Turballe, par exemple, servira de base de maintenance pour le parc du banc de Guérande. Pour Yeu et Noirmoutier, Engie a choisi les ports îliens de L’Herbaudière et Port-Joinville.
Mais des grands ports maritimes pourraient également être sollicites. Ce sera probable- ment le cas de Dunkerque pour le parc éolien qui est installé́ au large de ses côtés, même si EDF n’a pas encore pris de décision à ce sujet. Les bases de maintenance nécessitent des investissements beaucoup moins lourds que les quais de construction et d’assemblage des éoliennes mais leur implantation portuaire est intéressante car cette activité́ est pérenne. Chaque parc est prévu pour être exploité pendant vingt à vingt-cinq ans, et sa maintenance nécessite une centaine d’emplois. Les machines pourraient avoir une durée de vie de vingt-cinq ans si l’évolution technologique ne venait pas questionner leur renouvellement.
On attend beaucoup des ports dans le cadre de la transition énergétique et de production de nouvelles énergies. Quel est le rôle que vous leur attribueriez en matière d’énergies marines ?
E.P. : Les ports sont bien placés pour l’installation d’hydrolyseurs qui permettront de stocker sous forme d’hydrogène l’électricité́ éolienne. À moins qu’on n’utilise les sous-stations pour produire l’hydrogène directement en mer, ce qui économiserait la construction d’une station d’at- terrage et d’avoir à dérouler des câbles dont le coût peut atteindre jusqu’à 10-15 % du total du parc. Dans les deux cas, les ports auront une vraie carte à jouer dans la logistique de l’hydrogène, et pas seulement pour avitailler les navires mais sur le modèle de distribution déployé́ pour le pétrole et le gaz.
D’autres énergies marines renouvelables feront intervenir les ports dans leur installation comme dans leur maintenance. Les hydroliennes par exemple, qui utilisent les courants marins et qui sont actuellement en test au Raz Blanchard, à Bréhat et dans l’estuaire de la Gironde. Moins avancé que l’hydrolien, l’utilisation de la houle pour la production électrique concernera les ports si la technologie retenue consiste à équiper les digues. Les ports pourront y trouver leur intérêt en devenant directement producteurs d’électricité́.
Propos recueillis par Étienne Berrier
{{ENC:1}}