Édito : Un ministère de la Mer au sens large

Un ministère de la Mer au sens large

Enfin la mer sature le cadre. Quel coup de talon expert a-t-il fallu donner pour exercer une telle OPA ?  De quelle disposition à être à la fois concave et convexe a-t-il fallu faire montre pour extirper le domaine maritime du périmètre étroit dans lequel il voguait, au gré de la Ve République, d’une tutelle à l’autre ?

Que ce soit l’épaisseur de son carnet d’adresses (choisie par un président de la République, certes acquis à la cause d’un grand ministère étanchant son besoin d’exprimer d’ambitieuses convictions géopolitiques) ou d’un subtil jeu d’influences, cette « fille de la mer et de marin », qui a « grandi avec les deux pieds dans l’eau salée », selon ses propres mots, a défié l’orfèvrerie des administrations centrales au pré carré jalousement gardé (la pêche, terrain de l’agriculture triomphante). Bien lui en a pris, la mer ignore les frontières et ne connaît pas le protocole de ces ceintures Vauban. En picorant dans les autres ministères pour garnir son portefeuille des attributs de la grande famille de la mer, Annick Girardin a construit un nouvel espace économique intégré et ajouté à la topographie de ce secteur en crise un versant inattendu.

Lu et approuvé. Ce décret élargissant leur horizon, les acteurs du monde maritime l’ont paraphé et sont montés dans la nouvelle embarcation sans même en connaître la route. La France reste orpheline d’une stratégie maritime, ont-ils toujours pensé. La nature humaine est faite pour les Grands Soirs. Il y a une saisonnalité pour les beaux gestes. Ce faisant, devenue icône des médias en se jetant elle-même sous les projecteurs, l’une des rares naufragées du gouvernement Hollande a déclenché une pluie d’espoirs dont elle sait, en initiée de la chose politique, que le nerf de la guerre reste l’hémisphère gauche des États-Léviathan : le budget.

Au programme : la mer devant ! Il va falloir que la magicienne dose bien. Elle prend le gouvernail d’un voyage périlleux alors qu’une ouate épaisse enveloppe la mer. La pandémie fut un bain révélateur en mettant à nu les excès de l’interconnexion commerciale des nations. Le monde se réveille en territoire inconnu. La secousse tellurique est telle qu’il a fallu déballer tous les instruments chirurgicaux pour soulager ici les PIB martyrisés, là les dettes stressées, signant en lettres de feu la fin de l’orthodoxie financière.

Quelle sera la profondeur de la crise ? Quelles implications sur l’accès aux financement à l’heure où l’embardée climatique impose de changer de cap ? Quels effets sur le schisme existant entre l’UE et l’OMI qui pourrait voir la première aller de l’avant alors que la seconde, paralysée par les lobbys, pourrait plaider l’indigence de ses membres pour s’opposer à un nécessaire indispensable que d’aucuns rejettent? Quelles conséquences sur la rivalité sino-américaine mondialisée ?

La vie est devenue tellement méconnaissable que l’horizon s’est brouillé. Plus certains sont l’ancrage de ce fléau dans les mémoires collectives et la résilience de la chaîne logistique en circonstances exceptionnelles. Qu’ils soient officiellement ou non désignés comme des « travailleurs clés », les gens de mer ont fait tourner le monde sans relâche pour nourrir les hommes assignés à quai. L’indifférence ne pourra plus être une option.

Adeline DESCAMPS

 

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